L’illustre femme de culture, Tassadit Yacine, qui a à son actif de nombreuses contributions dans le domaine amazigh, dont “Aït Menguellet chante”, “Poésie berbère et identité”, “L’Isli où l’amour chanté en kabyle”… vient de rééditer aux éditions françaises “Non lieu”, les mémoires de Jean El Mouhoub Amrouche. L’opus intitulé “Jean El Mouhoub Amrouche journal 1928-1962”, “retrace une vie avec ses hauts et ses bas, ses pleins et ses vides, ses écrits et ses silences, ses angoisses et ses espérances. Ecrite sur des cahiers (ou parfois de simples carnets), cette trajectoire ne se déroule pas telle une ligne droite”, est-il mentionné dans le préambule. “Ah ! pouvoir transcrire tout ce qui s’est passé en moi cette semaine.
Journal sec, cela n’a pas grand importance mais doit comprendre le relevé essentiel d’une vie et d’une existence”, notait Jean Amrouche dans les premières pages de ses mémoires. Son journal écrit entre 1928 et 1962, et demeuré inédit, comporte une auto-analyse très sensible, un florilège des auteurs qu’il reconnaît comme ses inspirateurs ou ses intercesseurs. On y trouve aussi des croquis de personnages, des brouillons de lettres, des ébauches d’articles, l’évocation de ses amis (Jules Roy, André Gide, Albert Camus). Il retrace la vie d’un homme, d’un poète, d’un intellectuel engagé dans un combat pour faire connaître et reconnaître les deux composants, kabyle et française, d’une personnalité complexe, voire contradictoire. Trajectoire singulière d’un homme qui laisse derrière un précieux testament celui de la justice, de la double culture et de la tolérance.
A noter qu’à sa mort, le 17 avril 1962, il était question de rapatrier son corps et de l’inhumer dans le jardin de la Fac centrale. Que de vœux pieux ! Que de promesses non tenues ! Pas une rue, pas un établissement public ne porte le nom de Jean Amrouche, en effet : “Trop de parâtres exclusifs ont écumé notre patrie, trop de prêtres de toutes religions, trop d’envahisseurs de tout acabit se sont donnés pour mission de dénaturer notre peuple en l’empoisonnement jusqu’au fond de l’âme, en tarissant ses plus belles sources, en proscrivant sa langue ou ses dialectes et en lui arrachant jusqu’à ses orphelins !” (Kateb Yacine dans la préface de “Histoire de ma vie” de Fadhma Ath Mansour Amrouche.
N. Maouche
