Ces drôles de vacances

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La majorité des Algériens a sans doute compris, ces dernières années, que les vacances telles que définies par les guides des lieux touristiques étaient un luxe destiné aux autres.Bon nombre de citoyens peuvent, en fait, citer ces magnifiques sites, ces lieux de villégiature bâtis au sommet des collines de Kaylie et ces célèbres stations balnéaires aménagées tout le long du littoral algérien qui s’étend sur plus de 1200 km.Bref, tout le monde peut géographiquement situer ces endroits magiques qui pouvaient attirer les visiteurs.Pouvoir au conditionnel. Car l’on se demande si le commun des citoyens rêve-t-il encore de pouvoir profiter d’un repos — l’espace d’un mois, tout au moins — pour oublier les traces de la vie quotidienne. Au rêve de vacances — c’est un euphémisme de le rappeler — se sont substituées d’autres interrogations plus réalistes : de nombreux jeunes se demandent s’ils peuvent, un jour, franchir les frontières pour ne plus revenir. Et les chefs de famille se soucient plutôt constamment des besoins alimentaires de leur foyer.La crise est visible au jour le jour. Et des cadres moyens ou couples travailleurs tant à Alger qu’à Boumerdès, ont dû renoncer aux vacances après avoir refait leur calcul. “A la dernière minute, j’ai réalisé que toutes mes économies auxquelles s’ajoutent la prime de rendement individuelle et d’autres honoraires d’heures supplémentaires ne peuvent pas me permettre de partir en vacances”, fulmine Ahmed, professeur au lycée Khaled El Djazaïri de Boudouaou.Il y a, en fait, cette peur de se retrouver en panne d’argent en septembre. On redoute et les dépenses pour les pères de famille et celles de la rentrée scolaire suivies d’autres frais, en rapport avec le Ramadhan et l’Aïd.En s’adonnant à ce genre de calcul, la plupart des familles, y compris celle des classes moyennes, sont donc obligées de rester chez elles pendant ce congé.On fait abstraction, à contre-cœur bien sûr, de la parenthèse bleu-azur. Sortie, le matin, pour faire le tour du marché. Une fois de retour, juste après le déjeuner, on pique un petit somme avant de regarder la télévision. On peut y ajouter, pour les hommes, une partie de dominos, le soir au café du coin. En gros, c’est le rituel à titre d’exemple, des habitants des villages de la côte de Boumerdès.Les plages de cette banlieue est d’Alger ne sont saturées que les weeks-ends, en pleine canicule. Un bon nombre de citoyens les prennent d’assaut tous les matins et ne les quittent qu’en fin d’après-midi. Mais ces corps allongés côte-à-côte sur le sable cachent-ils au moins des cœurs heureux ? La réponse est donnée par Mohamed, un quinquagénaire, qui s’apprêtait, ce vendredi, à rentrer chez lui en compagnie de sa petite famille. “La morosité, la chaleur insoutenable et d’autres problèmes sociaux (entre autres, l’absence d’eau potable) vont nous ouvrir leurs bras à Maâla pour nous faire oublier les instants de joie vécus à la plage du Rocher-Noir”.Ici, pourtant la masse des estivants est confrontée à d’autres désagréments. Le montant de la location d’un parasol avec chaises s’élève à 150 DA. Et pratiquement, il n’y a aucun espace libre, d’autant que la partie est de la plage est réservée à la cité militaire… Et si l’on s’éloigne d’un tel endroit, on débarque dans un meilleur rivage où il n’y malheureusement aucun point de vente, se désole-t-on.Les vacances des fauchés sont en définitive, synonymes d’ennui. Mais qui peut encore profiter de vraies vacances. Quelques complexes touristiques ont fleuri certes, ces derniers années à Boumerdès, précisément du côté de Zemmouri-El-Bahri. L’on cite à titre d’exemple, le bivouac du cavalier. Le gérant, Mourad Farès, explique qu’il n’a reçu qu’une cinquantaine de clients au mois de juillet. Mais il espère faire le plein au mois d’août.Prix affiché : un séjour de deux semaines dans un bungalow — 2 pièces et une kitchenette — coût : 36 000 DA. Le prix de la location d’une tente pour la même durée tourne autour de 18 000 DA. Ayant largué ses vacances parisiennes pour venir fleurir ce coin en 1987, cet ancien émigré fils de l’historique Abderrahmane Farès, précisera qu’il “reçoit pratiquement, chaque été, la même clientèle qui invite ses proches parents et amis intimes”.“Nous habitons au centre-ville de Boumerdès, mais nous préférons passer nos vacances dans ce complexe” témoigne un couple travailleur dans une filiale de Sonatrach. En bref, c’est une oasis de calme et de verdure donnant directement sur la grande bleue. “Mes ouvrier débroussaillent, ce coin, avant l’ouverture de la saison estivale”, renchérit le gérant du bivouac du cavalier. Et de préciser encore qu’il essaie, autant que faire se peut, de jouer sur les prix pour attirer la clientèle. Des soirées musicales égayent l’atmosphère, durant cette période estivale, dans ce complexe. Un animateur de la chaîne III, surnommé Adamo par les habitués du lieu, qualifiait en 1990, ce centre de Monté-Carlo en miniature. On y écoutait tous les accents du monde. C’était un metting pot d’une dizaine de nationalités. Aujourd’hui encore, le gérant améliore ses prestations de services. L’eau coule H 24, installation de cuisines collectives en nombre suffisant et d’un point de vente en plus d’une cafétéria et d’un disc-jockey — pour inciter tout au moins une catégorie d’Algériens à dépenser dans cette contrée, celle nantie, ou peut-être celle qui sait serrer la ceinture pendant neuf mois. Mais soyons réalistes, pour la masse des citoyens, la ceinture est déjà serrée de plusieurs crans depuis des années. Et même ces vacances à la petite semaine, lui sont quasiment interdites : les plages, ici et là, sont concédées à des particuliers qui squattent l’espace et nous “forcent” à louer un parasol. Et là où vous stationnez votre véhicule, des jeunes vous réclament une redevance officiellement, l’accès aux plages est gratuit. Mais les APC louent “sable et parkings” à certaines personnes.

Salim Haddou

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