Quelques raisons d’écrire

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l Jean Paul Sartre :

« C’est cette mesure-là que nous proposons à l’écrivain : tant que ses livres provoqueront la colère, la gêne, la honte, la haine, l’amour, même s’il n’est plus qu’une ombre, il vivra ! Après, le déluge. Nous sommes pour une morale et pour un art du fini. »

‘’Les Temps modernes », juin 1948

l Rachid Mimouni :

‘’Je crois à la littérature comme cheval de Troie pour corroder de l’intérieur la citadelle des mystificateurs qui nous affirment que notre ciel est toujours bleu’’.

‘’Le Fleuve détourné’’

l Salman Rushdie :

-‘’Parce que j’aime inventer, j’aime mentir. La fiction constitue la preuve du plus étrange des paradoxes : elle prouve que l’on peut découvrir dans la non-vérité le fil même de la vérité.

-Parce que j’aime lire une certaine sorte de livres, qui bien souvent n’ont pas encore été écrits et qui devront bien l’être un jour.

-Parce que je n’ai pas encore trouvé comment ne pas écrire.

-Parce qu’en écrivant, j’ai découvert ce en quoi je crois.

-Parce que, comme tous les immigrés, je dois tout inventer : moi-même, mon univers, tout.

-Parce qu’il y a des choses qui doivent être dîtes, et d’autres dont on doit discuter. Écrire, c’est en partie écrire contre quelque chose.

-Parce que je ne sais jamais pourquoi j’écris sauf lorsque j’écris’’.

Journal ‘’Libération’’, hors série- mars 1985

l Jaroslav Seifert : (Poète tchèque)

‘’Ce n’est peut-être que ce désir qui existe en chaque être de laisser derrière lui une trace, ne serait-ce que la signature d’un doigt sur un miroir embrumé’’

Italo Calvino : ‘’Il est possible que la littérature soit une vengeance que nous n’exercerions pas nous-mêmes. Le livre dure plus que celui qui l’écrit et qu’il venge après sa mort, de l’atroce vengeance qui ne s’efface jamais. Est-ce donc que, nous qui écrivons, ne le fassions que pour nous venger, même si nous ne savons pas avec certitude de quoi ? Je n’écarte pas la possibilité qu’il puisse en être ainsi, ne serait-ce qu’inconsciemment.

L’écrivain n’écrit que dans l’angoisse d’une transe de persécution et peu nous importent le doute ou la certitude que nous pouvons avoir sur l’origine de cette situation : peut-être en est-il à lui seul la cause, et sans le secours de personne.

Il faudrait brûler les yeux de l’écrivain, comme on brûle ceux du chardonneret, pour qu’il chante sans reconnaître le visage de celui qui l’insulte ou l’encourage, spectateur de son agonie, de la lutte obstinée sous le seul signe de la défaite, au milieu des éclats de rire des autres.

Le monde est peuplé de bourreaux lecteurs de romans’’.

In ‘’Libération’’- mars 1985-

Claude Roy : ‘’La justification de la littérature (si un plaisir de l’esprit devait être justifié), c’est ce qu’elle accomplit totalement parfois, dans les chefs-d’œuvre, ce que chaque écrivain aspire à réaliser, ne fût ce que par intermittence et dans quelques pages qui le sauveront peut-être de l’oubli : l’établissement de liens entre les êtres, les phénomènes et la succession des temps, liens qui, jusque là, n’avaient été ni aperçus ni loués. Le travail de l’écrivain, s’il ne peut être ni un décorateur ni un pur amuseur, c’est de relier. Pas seulement de relier un lecteur à un auteur, une œuvre à un public, et dans le cas des très grandes voix, une parole à un peuple et un peuple à une parole. Relier, c’est aussi établir une communication ou une corrélation qui n’avaient été, au mieux, qu’entrevues et pressenties’’.

In ‘’Le Monde’’ du 13/12/1985

Umberto Eco : ‘’Cette fois là, j’ai écrit, parce que mes enfants avaient grandi et je ne savais plus à qui raconter des histoires. Alors, je me suis dit, etc. etc. ‘’

‘’Le Nom de la rose’’

Eugène Ionesco : ‘’Dans sa solitudes, loin des journalistes ou des sergents scrutateurs, chaque homme, et l’écrivain aussi, respire. Quelquefois, il se demande, quelquefois il ne se demande pas, pourquoi il respire. Qu’il se le demande ou non, il ne peut pas s’empêcher de respirer. L’écrivain, non seulement respire, mais puisqu’il est écrivain, il écrit. Ce n’est que lorsqu’il a commencé à écrire qu’il s’interroge sur le but et la raison de ce qu’il fait. Il se demande donc, se parlant à lui-même (et tout en continuant de faire son travail comme un ébéniste qui rassemblerait les matériaux pour faire une armoire tout en pensant à ses soucis, ou même à ce que c’est qu’une armoire, mais que les soucis n’interrompraient pas dans la construction de l’armoire) : Pourquoi est-ce que j’écris ? ‘’

In ‘’Libération’’- mars 1985

Paul Nizan : ‘’La création littéraire suppose des échanges humains ; l’écrivain ne peut point vouloir que sa pensée ne soit pas attendue, ne soit pas importante pour les hommes parmi lesquels il vit. La théorie de l’art pour l’art n’est qu’une reconnaissance aveugle de la solitude de l’artiste dans la société bourgeoise. Il faut à l’écrivain un appui social’’.

In ‘’La Littérature internationale’’-1934

Edgar Morin : ‘’Écrit-on pour soi ou pour les autres ? Question stupide : on écrit pour soi, pour les autres, et, en plus, on ne sait pas pour qui et pourquoi’’.

’Le Vif du sujet’’-1969

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