Ces correspondants de province

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La disparition de Chawki Madani dans des conditions socioprofessionnelles jugées déplorables a rappelé à la corporation combien le journaliste, celui-là même qui prend la “défense” des traîne-misère, est soumis à un stress permanent doublé de conditions socioéconomiques indignes… Ces violences socioprofessionnelles sont encore plus subies par des journalistes exerçant en province, des correspondants dont généralement seuls le nom ou le pseudo est connu de l’éditeur. C’est dire que d’emblée le “relationnel”, qui pourtant ne coûte rien est évacué par l’employeur. Cela semble impensable. Pourtant, les correspondants de presse sont nombreux à Bouira dont leurs responsables de rédaction ne connaissent que la signature portée au bas de l’ordre de mission faxé au niveau de la cellule de communication.

Dans un élan de générosité, cette dernière a mis à la disposition de correspondants SDF un fax et un bureau. Voilà donc une autorité publique au secours d’entreprises privées ! En fait, hormis quelques quatre au cinq titres, sur la trentaine ayant leurs représentants qui disposent de bureaux, les autres “louent” les services des cybers, des cafés maures et des kiosques multiservices pour rédiger et envoyer leurs papiers. Toute cette gymnastique coûte au correspondant, qui à titre d’exemple habite la daïra de M’chedellah, pas moins de 130 dinars (déjeuner non compris) : 100 DA pour le bus et 30 DA pour un feuillé faxé.

En contrepartie, l’employeur le plus généreux facture le papier de son correspondant à hauteur de 200 dinars. Au final, le journaliste de province percevra 70 DA. Soit un salaire mensuel avoisinant les 2000 DA. Pourquoi continue-t-il de travailler dans ces conditions ? sommes-nous en droit de nous demander. A vrai dire ces correspondants de presse ont, pour la plupart, d’autres sources de revenus. Ils sont donc motivés par la passion, pour les uns, et le prestige, voire les avantages “d’à côté” que l’on peut tirer du métier de journaliste, pour les autres. Cela étant, la corporation n’est pas logée à la même enseigne.

Des représentants, et ils se comptent sur les doigts d’une main, de le presse nationale à Bouira ne crèvent pas la dalle. Mais ce n’est pas pour autant que leur situation socioprofessionnelle soit reluisante.

Leurs fins de mois sont toujours difficiles, “surtout les trente dernières jours”, paraphrase Coluche à un confrère.

A cela s’ajoute le stress généré par l’obligation de faire parvenir de la matière, avant telle ou telle heure. Mais avant, le correspondant doit se démener pour récolter l’information. Et s’interpose tout de suite entre le journaliste et sa feuille blanche, le problème de la rétention de l’information. Du coup, le stress prend de l’ampleur. Persona non grata auprès des administrations ayant “du foin dans le ventre”, le correspondant se rabat sur la “rumeur” mise au conditionnel. Et le voilà exposé au délit de presse.

Ce cumul d’angoisse qu’il supporte en solo, loin de ses patrons, mettra à mal son cœur qui le lâchera, avant que le statut du journaliste tant attendu ne voit le jour.

T.O.A

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