L’homme de tous les combats

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Tel l’arbre dont les feuilles, d’abord verdoyantes puis tombent à l’arrivée de l’automne nos hommes de culture s’en vont l’un après l’autre. Sans retour, s’entend. Kateb Yacine, l’un des hommes qui ont donné à la culture algérienne ses lettres de noblesse, a choisi l’automne pour tirer sa révérence, laissant les cœurs épris de justice et de liberté éprouvés, meurtris. L’auteur de “Nedjma” dont l’optimisme suinte à travers les pages de ses livres, n’a jamais étanché sa soif de savoir, ni assouvi sa passion pour l’écriture,Joignant la rigueur méthodique à la perspicacité littéraire, l’homme aux sandales de caoutchouc a ce don de savoir en suivant patiemment les détours, les méandres des phrases, tout dire d’un sentiment, d’un paysage, d’un événement. Et la parfaite maîtrise d’un style qui rassemble chaque détail, le faisant concourir à la construction de ce monde terrible et calme. Le lecteur est comme l’auteur, entraîné au fil des pages, si évidemment que, le livre fini, il en poursuit presque le déroulement jusqu’à la fin des personnages. Toujours disponible, il parle de ses œuvres avec la fougue d’un adoléscent empruntant à l’humilité la simplicité des mots et à l’objectivité la pertinence de l’analyse. Au besoin, il a la langue acérée et n’hésite aucunement à trancher dans le vif avec des mots tranchants, harcelant les consciences au point d’agacer les plus patients et d’effrayer les repus. Dans tous les métiers on commet des impairs. L’écrivain y faillirait-il dans ce cas quand il a pour devoir de défricher l’inconnu ? Il ne déroge naturellement pas à la règle quand il déclenche l’excés face à des pesanteurs mutilantes, préjudiciables au bien de la communauté. Interdit de parole, Kateb Yacine n’a jamais cessé de débrider les bâillons. Il était de toutes les espérances, de toutes les libertés, de toutes les folies ! Il était là quand la culture avait besoin de lui, quand les droits de l’homme le réclamaient, quand les femmes luttaient, quand les travailleurs peinaient et quand la jeunesse désespérait. Du manœuvre au lauréat du prix Lotus et tant d’autres honneurs, Kateb Yacine ne s’est jamais départi de la franchise des profondeurs paysannes de son foyer. Disparu un certain, 27 octobre 1989, Kateb Yacine n’est mort que pour être plus vivant.

N. Maouche

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