l’acquiescement des populations sous le prétexte des “trois révolutions”, d’un illusoire équilibre régional et du soutien des prix à la consommation. Les errements politiques subséquents ont conduit à un despotisme non éclairé qui avait muselé toute forme de contestation ou d’opposition. La kermesse a duré un peu plus de trois décennies. Le réveil fut brutal et un véritable nœud de vipères se ligua contre le pays qui se retrouvera en cessation de payement après avoir “mangé son blé en herbe”. Le peuple se retrouva pieds et poings liés à subir le supplice de Prométhée enchaîné sur les monts du Caucase : chômage, suicide, impasse sociale, fuite des cerveaux, subversion terroriste et d’autres signes d’une patente déréliction humaine frapperont, au cours de la dernière décennie, le pays de Novembre 54. Devrait-on répéter avec Bessaoud Mohand Arab dans la triste exclamation : “Heureux les martyrs qui n’ont rien vu !” ? Devant l’impatience des Algériens à voir leur destinée changer sérieusement de cap pour accéder au rang de peuple émancipé, honorer le combat des aînés et mettre fin à toutes formes de rente – aussi bien de légitimité historique que de l’or noir – les autorités politiques du pays n’ont réellement de choix que de poursuivre et d’approfondir les chantiers des réformes dans tous les secteurs de la vie nationale. Les éventuelles tergiversations ou autres compromis tactiques qui pourraient retarder de tels espoirs seraient perçus plus qu’une déception : une débâcle historique qui se perpétue.
Ayant pâti de la gestion rentière et policière du pays, d’une part, et des dévoiements de ses enseignements, d’autre part, Novembre 1954, véritable mythe fondateur de la nation algérienne moderne, ne pourra triompher de l’amnésie et de la perfidie que le jour où son souvenir suggèrera des attitudes positives loin du nihilisme et de l’esprit “harraga’’, commandera des comportements pragmatiques et désintéressés et imposera une démarche rationnelle et démocratique dans la conduite des affaires du pays.
Amar Naït Messaoud