Ighil Imoula se souvient toujours…

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Il est 9h, il fait beau, le soleil augure d’une lueur d’espoir semblable à celle émise une certaine nuit de novembre 1954. Les employés de la mairie, encadrés par le P/APC s’affairent déjà à apporter les derniers réglages avant l’ouverture officielle des festivités commémoratives de l’anniversaire du 1er novembre 1954 : «Nous sommes mobilisés depuis plusieurs semaines pour réussir l’événement, car il s’agit de notre histoire, notre fierté. C’est à partir de là que les premières balles de la Révolution algérienne ont été tirées. Ighil Imoula est d’ailleurs témoin des sacrifices consentis par toute une région pour que notre pays puisse recouvrer dans la dignité, son indépendance. Ce que nous faisons aujourd’hui est le minimum qu’on puisse rendre à nos valeureux martyrs qui ont donné de leur vie pour que nous vivions dans un pays libre et indépendant», nous déclare, de prime à bord, Hocine Souam, premier magistrat de la commune de Tizi n’tleta. Le chemin qui monte vers le village historique d’Ighil Imoula porte sur chacun de ses coins un témoignage sur ce qu’a vécu cette région. Envoyée d’Alger par Krim Belkacem, la Proclamation du 1er-Novembre 1954 sera écrite, ici, la nuit à la machine, et imprimée la veille du déclenchement de la Révolution, avant d’être acheminée et diffusée par Amar Ouamrane. Le fait de savoir que ces chemins sont temoins des Krim Belkacem, colonel Oumrane, Ali et Rabah Zamoum, Mourad Terbouche provoque, en nous, un sentiment d’admiration et de fierté. Ighil Imoula est sise à quelques encablures seulement du chef-lieu communal de Tizi n’tleta. Ses visiteurs sont, dès le départ, accrochés par la stèle du 1er-Novembre 1954 qui se dresse indéniablement comme un témoin vivant de l’histoire. Le centre culturelle realisé à l’entrée principale du village porte en lui les archives et la mémoire de ceux qui ont fait l’histoire de la révolution algérienne. «Ce village historique a vécu les premiers heurts et de la révolution algérienne. Au début, c’est-à-dire au lendemain du déclenchement des premières actions, nous ne savions pas exactement de quoi il s’agissait car à l’époque l’on n’imaginait pas que cela pouvait prendre une gigantesque ampleur. Par la suite, les gens ont pris consciences que le mouvement est lancé, l’adhésion de la population aux mots d’ordre du Front de libération nationale, s’est faite automatiquement, le peuple à adopté la révolution», témoigne Dda Moh, notre accompagnateur. A la placette, les jeunes s’activaient afin d’achever les préparatifs. Emblème national accroché, portraits des valeureux martyrs exposés, tout est déjà mis en place pour offrir aux nombreux visiteurs qui prendront d’assaut ce haut lieu de l’Histoire national, un grand moment de recueillement. «Ici, chacun sait exactement ce qu’il doit faire, nous commémorerons depuis toujours l’anniversaire de la Révolution algérienne dans le même état d’esprit et avec le même sentiment de fierté d’appartenir à une région qui a tant donné au pays», indique Kamel, jeune étudiant issu de la région de Tizi n’tleta. Ighil Imoula ressemble bien par sa structure architecturelle à tous ces villages de Kabylie. Emprunter ces chemins, parler à ces murs témoins, de jour comme de nuit, du moindre détail d’évènements qui ont marqué l’avènement d’une nouvelle ère, celle du courage et de l’abnégation pour un seul mot d’ordre, libérer le pays et donner le coup de starter à la refondation de la nation algérienne sur la base de principes directeurs, synthèse de la proclamation du 1er-Novembre-1954, est impressionnant. Cette proclamation fut justement tirée le 1er-Novembre en milliers d’exemplaire, diffusés dans tout le pays à partir d’Ighil Imoula. «Dix-neuf maquisards participèrent aux actions du 1er-Novembre- 1954 dans la wilaya III, dont six se rendirent à Blida rattachée à la wilaya IV pour participer à l’attaque de la caserne Buzot», témoigne notre accompagnateur. Le programme des festivités commémoratives est riche : des pièces théâtrales et projections d’un film témoignage sur la genèse du mouvement à l’origine du déclenchement de la Révolution, des activités sportives, cross entre autre, en passant par le traditionnel recueillement aux différent monuments des martyrs aux quatre coins de la commune. «Toute la municipalité s’est mobilisée pour réussir l’événement. C’est une tradition, un devoir envers tous les martyrs de la Révolution, courageux militants armés d’un très fort esprit de patriotisme et de déterminisme», nous déclare le maire de la localité, Hocine Souam. Ce dernier nous apprendra qu’à l’occasion une cérémonie inaugurale d’une nouvelle salle de sport réalisée sur programme communal de développement aura lieu aujourd’hui et sera mise à profit pour honorer des retraités de l’APC.

Aït Abdelmoumène, l’antre des martyrs …

Notre virée dans la daïra des Ouadhias nous a également permis de découvrir un autre village historique qui se situe juste en face d’Ighil Imoula. Aït Abdelmoumene, un grand village de plus de huit mille habitants. Nous sommes invités par notre accompagnateur et nous nous attablons dans un café au centre du village grouillant de monde. M. Taleb nous fait remarquer que, même s’ils ne sont pas connus, de grands noms de la Révolution algérienne sont nés dans la localité. Une stèle commémoratives est d’ailleurs érigée, juste à l’entrée d’Aït Abdelmoumene à la mémoire du grand militant que fut Mourad Terbouche, l’un des membres fondateurs de la Fédération de France du FLN. Une autre plaque commémorative est également érigée au centre du village à la mémoire de six martyrs fusillés par l’armée coloniale. «Mourad Terbouche, de son vrai nom Moh Ait Oumeziane, est né en 1921 au village Ait Abdelmoumène, il part en France où il est pris en charge par son oncle et commencera à se débrouiller tout seul. Dès 1939 au déclenchement de la seconde Guerre mondiale, il s’intègre au milieu nationaliste algérien ; il débute sa carrière politique en 1946 au MTLD à Nanterre. En 1950, il est responsable régional», Peut-on lire sur une biographie express qui nous a été remise par notre interlocuteur. Le témoignage de Mohamed Akli Benyounès, ancien de la Fédération de France invité sur un plateau de la TV4, conforte bien ce qui se dit sur ce valeureux militant. Après avoir été membre fondateur de la fédération de France du FLN, Mourad Terbouche sera par la suite son premier coordinateur avant qu’il ne soit arrêté et emprisonné de 1955 à 1960. Pour El Hadj Moh Taleb, les jeunes devront reprendre le flambeau et s’armer du même esprit nationaliste des jeunes novembristes, qui ont pris sur eux le devoir de libérer le pays du joug du colonialisme. Je constate un regain de l’esprit patriotique chez nos jeunes, peut-être c’est l’effet du football, nos enfants doivent se dire que nous n’avons nullement un pays de rechange, ils doivent prendre conscience, cela y va de leur avenir… Et celui du pays ! » conclut notre interlocuteur, comme quoi : «Nul ne peut apprendre aux autres à se libérer s’il n’a pas commencé à se libérer lui-même”, comme le disait bien Mariano Picon Salas.

Omar zeghni

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