Pour une meilleure exploitation des vocations et des potentialités

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En effet, l’intérêt que les pouvoirs publics et les partenaires du secteur (agences de voyage, hôteliers, transporteurs, médias,…) ont développé au cours des deux dernières années à l’endroit de cette immense et riche frange du territoire national n’a été possible qu’après la réunion de certaines conditions minimales liées aussi bien à la sécurité qu’au développement de certaines infrastructures par le truchement de programmes publics d’investissement. Aménagement et ouverture de routes, électrification (y compris par les cellules photovoltaïques pour les régions excentrées), mobilisation de l’eau (les grands travaux de transfert de In-Salah vers Tamanrasset sur 700 km sont en cours), etc.

“Nous sommes en train de lancer la réhabilitation de 9 hôtels dans le Sahara, les appels d’offres sont sortis, nous allons sélectionner les bureaux d’études qui vont concevoir la mise à niveau aux standards internationaux de ces hôtels (Tahat, Gourara…) », dira Cherif Rahmani lors de sa visite à Timimoun en avril 2009.

« Nous comptons faire en sorte que la saison prochaine nous puissions lancer un séjour par semaine vers Tamanrasset, Djanet, Ghardaïa, Timimoun et développer d’autres destinations. Nous allons inclure les marchés allemand et suisse à partir de Bâle, traditionnellement très portés sur le Grand Sud », ajoutera-t-il.

D’autres projets non encore lancés, et ayant fait l’objet de questions au gouvernement lors de l’exposé du plan d’action gouvernemental devant les députés de l’APN et du Sénat au printemps dernier, vont participer à l’effort de réhabilitation des espaces saharien et oasien dans le double objectif d’y créer des conditions de vie adéquates pour les populations locales et d’y développer l’activité touristique.

Pour le domaine spécifique aux oasis, des plans de réhabilitation des ksour (Béchar, Timimoun, Beni Abbès,…) ont été lancés par le gouvernement par le truchement de plusieurs programmes, y compris dans le cadre des projets de proximité de développement rural intégré initiés par le ministère de l’Agriculture depuis 2007. La réhabilitation des ksour fait d’ailleurs partie de l’un des quatre thèmes fédérateurs de ces projets de proximité de développement rural. La prise en charge du tourisme saharien et oasien et sa promotion au rang d’un véritable créneau économique et d’un puissant vecteur culturel commence à peine à montrer ses premières potentialités. “Le plus important est de construire dans l’émotionnel ou plutôt de reconstruire le rêve de la destination Algérie qui doit fidéliser une clientèle que nous avons perdue en mettant en exergue le produit d’appel qui est le Sahara. Fidéliser, ce n’est pas uniquement construire une image, il faut améliorer aussi et montrer aux gens du Sud qu’il y a un marché qui doit se mériter, surtout lorsque la prestation est au niveau”, soutient Cherif Rahmani, ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et du Tourisme lors de la clôture de la saison touristique saharienne à Timimoun à la fin avril dernier.

Développement durable et vocation touristique

Cet espace particulier du territoire algérien représente la plus grande partie du territoire national. Mais, pour des raisons de répartition démographique déséquilibrée, l’on a souvent tendance à oublier cette donnée majeure de la géographie physique de notre pays. Hormis certaines maigres incitations à l’investissement dans le Sud introduites par le code des investissements du début des années 1990, aucun programme d’envergure n’a été initié en direction de ce vaste territoire. Il a fallu attendre l’embellie financière du milieu de la décennie en cours pour voir un programme spécial Sud sortir des tiroirs du gouvernement. Depuis l’inscription de ce programme au ministère des Finances, les choses semblent s’emballer pour cette partie du territoire national. En tout cas, l’intérêt accordé à ces vastes étendues – qui représentent environ 80% du territoire et qui produisent la première et presque unique richesse d’Algérie – n’a jamais été à la hauteur des ressources qui y sont produites ni des potentialités avérées mais restées en friche que recèle le Sahara algérien. Depuis la réalisation de la transsaharienne dans les années 1970, aucune infrastructure de taille n’est venue faciliter la vie des populations du Sud, renforcer la mobilisation des facteurs de développement et de production ou soutenir une stratégie nouvelle basée sur les potentialités impérissables tels que le tourisme.

Il est certainement pénible de constater que l’une des communes les plus riches d’Algérie, qui nous fournit les moyens de nos importations, soit ravalée au statut d’enclave qui n’a même pas l’heur de servir, comme jadis, de défouloir au désir d’exotisme des touristes occidentaux. Il s’agit de l’ex-Fort Flatters, actuelle Bordj Omar Driss, dont le territoire comprend les champs pétroliers de TFT (Tinfouyé-Tabenkort). Elle n’est pas la seule à vivre la situation de misère et de chômage au milieu de richesse sonnante et trébuchante assurée par l’or noir.

Des velléités de rendre justice à la région et de démultiplier les capacités d’exploitation de ses potentialités ont été, un certain moment, nonchalamment exprimées par les pouvoirs publics. Mais, ce n’est qu’à partir de l’année 2007 que des mesures concrètes et judicieuses ont été prises pour orienter les efforts de développement dans ce vaste territoire qui pourra constituer l’Algérie de demain pour des populations trop concentrées dans 13% du territoire du nord (côtes et monts du Tell).

Le diagnostic fait par les rédacteurs du Schéma national de l’aménagement du territoire (SNAT) quant au déséquilibre de la répartition territoriale des populations, des infrastructures et des ressources ne laisse en tout cas aucune ambiguïté quant à la nécessité d’agir sur le court et le moyen terme pour mieux réorienter les investissements publics et privés et faire réunir les conditions minimales d’un développement durable où les esquisses de recherche sur les énergies renouvelables (énergie solaire) et le mouvement tendu vers le développement du secteur touristique trouveront leur fertile terrain d’expression.

Agir sur les infrastructures et les équipements

Des projets structurants, peu imaginables il y a quelques années, sont venus insuffler vie et habitabilité à ces territoires naguère touchés par un mouvement d’exode et d’émigration. Apprivoiser l’espace saharien. Tel est le défi de ces projets ayant trait au transport, à la construction de route et à la mobilisation des ressources hydriques. Le projet d’exploitation des eaux souterraines de In Salah et de leur adduction sur un linéaire d’environ 700 kilomètres vers Tamanrasset est sur la bonne voie. D’après le ministre des Ressources en eau en visite le mois passé dans la région, les habitants de Tamanrasset utiliseront cette eau à l’horizon 2010. De même, l’installation d’une raffinerie à Adrar va grandement contribuer à réduire le problème d’acheminement de carburant lequel, ô paradoxe, est issu du pétrole saharien.

Le Premier ministre vient de confirmer devant l’APN le projet d’introduction du rail par le prolongement de la ligne de Touggourt jusqu’à Bechar en passant par Hassi Messaoud, Ouargla et Adrar. Le projet de construction de la nouvelle ville de Hassi Messaoud est déjà lancé.

Pour s’en tenir aux projets tendant à valoriser les éléments économiques et culturels spécifiques aux espaces saharien et oasien, il y a lieu de citer le programme de réhabilitation et d’extension des palmeraies oasiennes (nouvelles plantations, entretien et assainissement des palmeraies existantes, réfection et amélioration des systèmes d’irrigation). La réhabilitation des ksour, le renforcement des capacités institutionnelles des structures culturelles (parc national du Hoggar-Tassili,…) et les mesures incitatives à l’investissement dans le secteur du tourisme (exemption fiscale sur dix ans et bonification des taux d’intérêt créditeurs pour les entreprises de réalisation) sont d’autres éléments qui vont de pair avec le programme de développement économique lancé par le gouvernement dans ces vastes territoires du Sud algérien. En tout, ce sont pas moins de 377 milliards de dinars en programme complémentaire que le gouvernement a injectés dans le développement du Sud à partir de 2006 pour “relever le défi des distances et asseoir une judicieuse politique d’aménagement du territoire” (selon une appréciation du président de la République).

Les populations locales, les nouveaux investisseurs agricoles, les prestataires de services en transport, les agents voyagistes, les hôteliers et tous ceux pour qui les écueils liés à la nature du terrain et à la rudesse du climat constituent des facteurs insurmontables sans l’intervention de la collectivité nationale sont censés trouver dans ces projets publics le moyen idoine et le terrain fertile au développement et à la croissance des différentes activités économiques et culturelles.

La dimension culturelle du développement

Les données de la géographie physique placent l’Algérie parmi les pays sahariens les plus touchés par la notion de désert. Sur l’ensemble de sa superficie, une proportion de quatre cinquièmes représente les zones arides, soit environ deux millions de kilomètres carrés.

En 2006, s’est tenu à Alger le rendez-vous biennal, le troisième du genre, du Festival des cultures et civilisations des peuples des Déserts du monde. En 2003 et 2005, ce fut respectivement Timimoun et Dubaï qui eurent à organiser un tel festival. Les initiateurs du Festival d’Alger ont fixé à cette manifestation des objectifs aussi bien culturels – échanges et interactions entre les communautés des contrées concernées – qu’écologiques de façon à pouvoir dégager les voies les plus rationnelles et les moyens les plus appropriés pour contribuer à la lutte contre la désertification.

Sur l’ensemble des pays qui furent alors invités, une grande partie possède des terres désertiques plus ou moins importantes. Si ces espaces se trouvent aujourd’hui désertés par les populations en raison de la rudesse des conditions de vie qui y prévalent, il n’en a pas toujours été ainsi. Pour preuve, les cultures profondes et ancestrales de ces pays portent l’empreinte d’une vie, certes marquée par l’effort et le labeur, mais riche, dense, voire parfois exubérante. Pour le cas de l’Algérie, deux ères de l’histoire proche et lointaine confirment une activité débordante des espaces sahariens où, malgré l’adversité, les populations ont su évoluer dans un équilibre qu’elles ont ingénieusement entretenu. La période de l’industrie néolithique a vu, au Tassili des Ajjers, l’une des civilisations les plus florissantes s’établir au sud du pays, phénomène qui, depuis les explorations de Henri Lhote et Th. Monod au milieu du XXe siècle, n’a cessé de surprendre et d’intriguer les chercheurs par sa profondeur et son étendue. Les dernières recherches de l’anthropologue Nadia Hachid ont davantage affiné et approfondi les connaissances scientifiques de cet espace au point de pouvoir étonner les chercheurs à qui on doit les premiers éléments d’information sur ce sujet. La région, déclarée Parc national – le plus grand musée à ciel ouvert du monde –, s’étend de Djanet jusqu’aux confins de Tamanrasset. L’autre grand moment de l’histoire de ces territoires est sans aucun doute le grand mouvement commercial ayant établi les routes sahariennes et les caravansérails de Tombouctou à Ouargla et de Sijilmassa à Tlemcen. À la même occasion, les échanges culturels et les brassages ethniques ont assis l’aire culturelle sahélo-saharienne. L’un des meilleurs systèmes communautaires sahariens, impliquant organisation sociale solidaire, équilibre environnemental et domestication de la nature au profit de l’homme (ce qu’on appelle aujourd’hui développement durable), a été fondé il y a mille ans à El Ateuf, une des Pentapoles de la vallée du M’zab. Les dernières inondations, octobre 2008, qui ont emporté hommes et biens dans la vallée du M’Zab sont, dans une vaste proportion, un signe du non-respect des valeurs ancestrales en matière d’urbanisme, d’activité économique et de gestion de l’espace. La grande rupture historique qui a conduit à l’abandon de ces terres maternelles et à l’exacerbation de l’hostilité des éléments de la nature par un déséquilibre écologique de plus en plus compromettant, c’est bien la colonisation et le grand triomphe du capital qui ont fondé les grandes villes et même déplacé certains centres de gravité de l’activité humaine. Le défi qui se pose à des pays comme l’Algérie est de savoir comment rendre justice-par des actions de développement durable, d’activité touristique respectueuse de l’âme et de la culture locales ainsi que l’environnement – à ces espaces qui constituent aujourd’hui la première source de richesse de la collectivité.

Amar Naït Messaoud

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