La mouche tourmentée

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«Amachahou rebbi ats iselhou Ats ighzif anechth ousarou» (Ecoutez, que je vous conte une histoire, Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil).On dit du chien que c’est le plus fidèle ami de l’homme, il l’est en effet si on prend pour exemple ce conte du terroir. Suivez-nous et vous saurez pourquoi. Ce conte se déroule à l’époque où les animaux avaient le don de la parole. Les ogres et les ogresses étaient en ce temps-là, des monstres qui dévoraient les humains et les bêtes, mais parmi eux, il existait certains qui élevaient pour leur consommation personnelle des troupeaux de bœufs, de moutons ou de chèvres. C’est ainsi qu’une vieille ogresse, lasse de chasser des proies à dévorer, se reconvertit dans l’élevage de chèvres. Elle les trait et échange le lait contre d’autres denrées. Tout semblait tranquille dans la contrée, jusqu’au jour où une nuée de mouches affamées vient lui boire son lait. Ayant trouvé l’endroit où se désaltérer, les mouches se font de plus en plus envahissantes. Furieuse contre elles, l’ogresse décide de sévir, elle les chasse et les tue, et pas chance, ce jour-là, elle tombe sur la mouche meneuse. Elle est plus grosse que toutes les autres, elle s’apprête à la gober, quand tout à coup la mouche lui dit : “- D’i laânaya n rebbiour iyi neq ara a khalti”. (Au nom de Dieu, ne me tue pas je t’en prie). L’ogresse accède à son vœu, mais pour lui enlever toute envie de revenir, avec ses congénères, pour lui boire son lait, elle l’extropie en lui arrachant ses ailes. Au début du printemps, les mouches ont pour habitude de se réunir pour commémorer un grand événement : la fête des mouches. Responsable d’une nuée, la mouche estropiée doit impérativement assister. Gardée prisonnière et sans ailes, elle ne pouvait rien faire. Elle supplie l’ogresse. Agacée, elle lui dit :-“Ar iyi-d ak’fay inouAm-d ragh afrioun im !”(Rends-moi, mon lait, je te rendrai tes ailes !)Voyant, là, une issue pour s’échapper et se rendre à la fête, la mouche se rend en titubant vers la chèvre dominante, et lui dit :- “A yhaghat â oun iyiEfk iyi-d chouit’ ouyefkiAth Moudar i teriel” (Ô chèvre, donne-moi un peu de ton lait, je vais le donner à l’ogresse, afin qu’elle puisse me restituer mes ailes, et me rendre dans ma communauté, où une grande fête sera bientôt donnée !).- Je veux bien t’aider, lui dit la chèvre, mais en contrepartie, je voudrais une gerbe de chicorée (thifaf).”La mouche se rend vers la chicorée et lui dit :- “A thifaf â oun iyi, Efk iti-d afri ounTsaghat’ athen i itchen !” (Chicorée, je t’en prie, donne-moi quelques unes de tes feuilles, que je vais donner à la chèvre pour qu’elle me donne du lait, que je remettrai à l’ogresse, pour me donner mes ailes, qui me permettront de rentrer chez moi et d’assister à la fête). La chicorée lui dit :- “Je consens à t’en donner, mais à condition, que tu mes ramènes de l’eau”. Elle se rend aussitôt à la source (thaâouinte ou thala) et lui dit :- “A thala fkiyi-d amanAd’ sesou agh thifaf” (Source donne-moi un peu de ton eau pour arroser la chicorée, qui me donnera des feuilles pour la chèvre, qui me donnera son lait, que je remettrai à l’ogresse, qui me rendra mes ailes, qui me permettront de rentrer chez moi et d’assister à la fête).Compatissante la source lui dit : “Am fkagh amanMa thz’arvedh iyi !” (Je ne te donnerai de mon eau, qu’à la condition, que tu demandes aux maçons de me construire un muret pour me protéger). Encouragée, elle se rend chez les maçons et leur dit :- “Ay ivenayen âouneth iyiÈvnouth elh’idh : thal.” (Maçons, je vous en prie, construisez un muret autour de la source pour la protéger, si vous consentez, elle me donnera de son eau pour la chicorée, qui à son tour me donnera des feuilles pour la chèvre, qui me donnera de son lait, que je donnerai à l’ogresse, qui me rendra mes ailes, qui me permettront de me rendre chez moi et d’assister à la fête).Les maçons acceptent de l’aider mais, en échange, lui disent ceci :- “A oui yanagh-d thachenaytheAkken oua netsh’ousou i laâthav” (Ramène-nous une chanteuse, pour nous charmer de sa voix, et nous construisons ce muret !) Le cœur plein d’espoir, elle va voir la diva de la contrée et lui dit :- “A thachenaythe a outmaâoun iyi aqliyi d’eg yir h’ala” (Diva, ma sœur, aide-moi, je suis en mauvaise posture. Je te demande de chanter pour les maçons, qui construiront le muret de la source une fois le muret érigé, elle me donnera de son eau, avec laquelle j’irriguerai la chicorée, qui me donnera ses feuilles pour la chèvre, qui me donnera son lait pour l’ogresse, qui me redonnera mes ailes, qui me permettront de me rendre chez moi afin d’assister à la fête).La diva, lui dit :- “Akm âounagh may ith fkidh aqjoun !” Je consens à t’aider, mais en contrepartie je voudrai que tu me procures un chien capable de me protéger de ceux qui voudront m’agresser).N’étant pas encore arrivée au bout de ses peines, elle se rend chez le chien et lui dit :“Ay aqjoun âoun iyi” (Chien, aide-moi, je t’en prie, si tu consens à protéger la chanteuse de tes crocs, elle chantera pour les maçons, pendant qu’ils construiront le muret de la source, qui me donnera son eau pour la chicorée, qui à son tour me donnera ses feuilles pour la chèvre qui me donnera son lait, que je remettrai à l’ogresse, qui me remettra mes ailes, qui me permettront de rentrer chez moi et d’assister à la fête).Ereintée, la pauvre mouche s’attend à de nouvelles exigences, mais contre toutes attentes, le chien lui dit :“Akm âounagh aoualtsi” (Mouche je vais t’aider, indique moi le chemin à suivre je t’en prie !). Très contente d’entendre de tels propos, la mouche l’emmène vers la chanteuse. Heureuse d’être protégée, elle se met à chanter pour les maçons, qui entament le muret. Vite fini, la source donne de son eau à la chicorée, qui donne ses feuilles pour la chèvre qui donne son lait pour l’ogresse, qui tient sa promesse. Ses ailes retrouvées après de nombreuses péripéties, la mouche prend son envol et arrive à temps à la fête, qu’elle a failli manquer. »Our kefount eth’houdjay i nou our kefoun ird’en tsemz’ine. As m-elâid’ ametch ak’soum ts h’em’zine ama ng’a thiouanz’iz’ine. » (Mes contes ne se terminent, comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’aïd, nous mangerons de la viande avec des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).

Benrejdal Lounes

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