Jamais de toute l’Histoire, post-indépendance du pays un idéal n’a réuni autant d’Algériennes et d’Algériens. Ni le pouvoir avec tous les moyens de mobilisation, de propagande et de manipulation médiatique dont il dispose, ni les islamistes avec l’endoctrinement de la société et la terreur et moins l’opposition, avec son discours démocratique, n’ont pu fédérer autant d’Algériens, comme le fait, superbement l’Equipe nationale algérienne.
Loin de toute considération politicienne, qui ne sied, par ailleurs, pas à ce genre de situations, les Algériens, meurtris aux tréfonds d’eux-mêmes, ont envie de marquer une halte et de dire ô combien cet idéal, qu’est le sport roi, les réunit autour d’un seul projet : la joie et la fureur de vaincre. Longtemps relégués au stade d’équipes insignifiantes, l’équipe des Verts veut, enfin, que la balle ronde tourne en sa faveur, donc, la roue de la chance, huilée par un travail solide et ferme, réalisé par le staff technique, tourne en leur faveur. Les victoires de l’EN montrent cette attitude de vainqueurs qui occupe, d’ores et déjà, l’esprit de tous les joueurs, malgré la défaite essuyée au Caire. C’est en conquérants que les onze algériens se sont rendus au Caire, nonobstant l’écueil qu’ils ont retrouvé dès l’accueil. Ni les joueurs blessés juste à leur arrivée à l’aéroport de la capitale égyptienne ni l’insoutenable pression mise sur l’équipe et les supporters n’ont affecté leur moral. Ni, en d’autres termes, les attaques répétées contre les joueurs et même contre le pays dans son ensemble, n’ont pu venir à bout de la volonté et la détermination de ces joueurs d’aller de l’avant. Ils étaient sûrs d’eux-mêmes et surtout conscients de leur mission. Ils vont concrétiser le rêve à Khartoum, souhaitons-le.
Même s’ils ont, quelque part, raté de défoncer les portes du Nil pour retrouver la compétition mondiale après 24 ans d’absence, la patrie de Mandela les attend, via Khartoum. Les marrées humaines qui s’emparent, même avant-hier soir, telles des guerriers des rues et ruelles de tout le pays après chaque victoire montrent aussi ce penchant national vers un autre quotidien, fait de joie et d’affirmation surtout, malgré tout le mauvais décor qui orne pitoyablement nos quotidiens. Toute la fierté perdue pour l’Algérie, depuis son Indépendance, est réappropriée par une jeunesse avide d’exploits et de compétitions. Cette envie d’affirmer la voix de l’Algérie n’est l’œuvre d’aucune entité politique. Elle est l’œuvre d’un groupe d’hommes épris de sport et armés de volonté de fer, assistés et soutenus par plusieurs millions de supporters. Essayer, par contre, de “politiser”, l’exploit de cette équipe au profit d’une partie ou d’une autre, c’est de tenter de la dépersonnaliser, de la rendre amorphe et inconséquente. Laisser ce sport exprimer toute la grandeur d’un jeu qui réunit le plus grand nombre de fans à travers le monde serait, donc, le meilleur soutien à apporter aux Fennecs. Greffer des intentions politicardes à la lancée de l’EN est l’une des manière de tuer l’oiseau dans l’œuf. Ni le pouvoir, ni les islamistes, ni l’opposition ont le droit de contrarier l’élan de tout un pays vers l’espoir. Il y va de la crédibilité de toutes ces entités de laisser s’exprimer cet élan en toute liberté, quand bien même ce n’est que du foot. Cela est vraiment la moindre des choses vis-à-vis d’un pays gagné par des décennies de désillusions.
Mohamed Mouloudj