Vente-dédicace du livre de Ferhat Mehenni

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La librairie Haroun Mohamed, sise dans la Nouvelle-Ville d’Akbou, a abrité dans la matinée de mercredi passé, durant trois heures, la vente-dédicace de l’essai politique de Ferhat Mehenni paru aux éditions Michalon de Paris en février 2004 et d istribué en Algérie depuis un an sous le titre Algérie, la question kabyle. La petite librairie, devenue depuis quelques mois le rendez-vous des intellectuels de la contrée, s’est avérée trop étroite pour contenir le nombreux public venu saluer “l’Ancien”, malgré l’absence de médiatisation de l’opération qui vient apporter une touche culturelle à la tournée politique du porteur du projet d’autonomie de la Kabylie dans la région. L’idée de la promotion de cet ouvrage singulier qui connaît une forte demande est un alibi du libraire Bouyahia Nordine pour rencontrer son idole ! “Voir Ferhat est un vieux rêve ! Réunir autant de monde chez moi est un véritable honneur, une fête”, dira Nordine submergé par l’émotion. Depuis dix heures, la longue file d’attente avançait respectueusement sous l’œil des nombreux vigiles, des militants du MAK, fortement présents dans tout le quartier. L’excitation était visible à l’approche du poète qui en imposait par sa gentillesse et sa simplicitéw. Il signait de petites dédicaces où fleuraient l’espoir et la détermination. Les acheteurs, souvent des jeunes, étaient réellement impressionnés par la carrure de l’homme politique, du père, du chanteur engagé, qui, pour l’occasion, est dans le simple rôle d’un modeste écrivain qui fait la promotion de son premier livre. Certains demandaient timidement une pose photo avec leur mentor. Ferhat la leur accordait naturellement. D’autres auraient voulu lui présenter, même tardivement, des condoléances pour la perte de son fils Ameziane, mais se retenaient face au charisme de l’homme.Au bout d’une heure, 100 exemplaires ont été vendus ! “Ça se déroule à cent à l’heure”, fera remarquer un fan de l’écrivain à Malek Boudjemaâ qui immortalise ces précieux moments de son petit numérique.Une caméra filme la fête sous tous les angles. C’est un moment d’exercice effectif et direct d’un contre-pouvoir. Sofiane Adlane, le porte-parole du MAK au niveau de la wilaya de Bgayet, replace la venue de Ferhat à Akbou dans son véritable contexte : “Après le gala du 25 juillet à la maison de la culture de Bgayet, Ferhat anime deux rencontres par semaine avec la population dans le cadre des activités politiques et organiques du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie”.

Ahmed Aït Bachir (n°2 du MAK)“Nous sommes pour l’unité nationale”En marge de la séance de vente-dédicace, Ahmed Aït Bachir, le numéro deux du MAK, répond patiemment à nos questions.“Notre projet rencontre une large adhésion populaire malgré une période de flottement, une légère éclipse due aux diverses pressions que l’on peut aisément deviner quand on parle d’autonomie dans un régime jacobin monolithique connu pour sa singularité et sa myopie politique. La mort du fils de Ferhat nous a également déstabilisés moralement. Globalement, le mouvement est sur les rails, il fait son chemin dans un contexte d’adversité permanente. Nous luttons pacifiquement pour faire avancer nos idées. Nous sommes persuadés que l’autonomie régionale est la meilleure perspective politique pour la kabylie, pour l’unité nationale et pour l’Etat central”. Ceci pour le bilan.A la confusion sciemment entretenue par certains cercles entre autonomie et indépendance, M. Aït Bachir dira : “Si nous voulions l’indépendance, nous l’aurions dit ! C’est l’autonomie régionale dont il est question dans le cadre d’un Etat démocratique, lisez le livre de Ferhat, vous seriez édifié, reportez-vous aux textes fondateurs de notre mouvement, vous saurez que l’indépendance n’est pas notre objectif”. Pour les perspectives, notre interlocuteur projette “une série de conférences-débat après notre université d’été, jusqu’à la fin 2005. Une importente réunion des cadres aura lieu d’ici là pour élire une direction provisoire. Nous comptons tenir notre congrès vers la fin de l’année 2006”.Pour le contexte politique local suspendu aux futures élections partielles, M. Aït Bachir réitère la position du MAK pour qui “cette échéance spécieuse est un non événement puisqu’elle n’apportera rien à la Kabylie”. A la fin de la vente-dédicace qui fut un grand succès à tous points de vue, Ferhat Mehenni a animé un rapide point de presse. “Je suis honoré et heureux d’être à Akbou, la ville acquise à notre noble projet et de plus dans cette maison de livres portant le nom d’un compagnon de combat, Mohamed Haroun”, introduit-il, visiblement ému. Il confirmera les affirmations de M. Aït Bachir, ajoutant à propos du futur congrès que “l’échéance dépendra du bon vouloir des autorités centrales algériennes”. Concernant l’équivoque entretenue par les “adversaires du MAK”, entre les concepts d’autonomie et d’indépendance, Ferhat dira : “Notre projet est clair, mais je ne m’autorise pas à fermer l’horizon au peuple kabyle si dans 50 ans il décide d’aller au-delà de l’autonomie régionale”.Confirmant le rejet des futures élections partielles locales, il affirmera que “c’est après s’être assuré les services d’une clientèle qui prendra la relève du pouvoir local en Kabylie que le pouvoir a décidé la dissolution des APC et des APW”.Avant de prendre la route pour un autre rendez-vous avec la population, il lancera un appel au pragmatisme et au réalisme : “Pour se libérer des complexes et des anathèmes, nous sommes prêts à partager notre viatique et notre combat avec tous ceux qui ont pour souci les intérêts de la Kabylie”.

Rachid Oulebsir

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