Quand vacances riment avec souffrances

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Bien que le mois d’août considéré comme un mois de détente, repos et farniente, nombreux sont ceux qui, à l’heure actuelle sont contraints de travailler pour subvenir aux besoins financiers de leurs familles. C’est ainsi que des centaines de jeunes enfants qui, pour la plupart n’ont même pas atteint la puberté, se retrouvent dans l’obligation de trimer dur pour garnir la table. Pour cela, certains n’hésitent pas à faire des métiers pénibles dans des milieux hostiles, et ce pour un salaire de misère. Il y a certes la fameuse petite table de cigarettes qui occupe pas mal les jeunes et nos trottoirs, mais également des tâches fatigantes et nuisibles. Travaux au noir sur des chantiers, triage d’ordures ménagères dans des décharges publiques qui serviront aux recyclages de différentes matières, et dans d’autres lieux plus où moins insalubres où des enfants ne devraient absolument pas y mettre les pieds. A l’exemple de ces jeunes qui louent leurs services auprès des propriétaires de cocottes pour en extraire le ciment accumulé au fil des remplissages. A chaque nettoyage de ces silos, les gosses touchent en moyenne 500 DA. C’est tout du moins ce que nous révèle Ali, un garçon d’allure chétive, la quinzaine à peine abordée, et qui éprouve une joie immense lorsque son employeur lui donne ce qu’il qualifie de fortune. “Il faut être très mince pour rentrer dans les cocottes et balayer l’intérieur… mais c’est bien payé”, avoue notre interlocuteur apparemment inconscient du danger qui menace sa santé déjà fragile et sa toux intermittente. Un état de fait qui semble directement dû à son travail, mais de tout cela Ali n’en n’a cure. La RN 05 à elle seule s’avère une véritable mine d’or pour ces jeunes en quête de travail et les silos de ciment ne manquent pas. Les décharges publiques également constituent une opportunité pour des réseaux entiers de recycleurs de plastique, déchets ferreux et autres matériaux recyclables. A l’est de la wilaya, à Chorfa, les jeunes qui traînent à longueur dans les dépotoirs, longeant le lit de Assif Abbas, travaillent pour le compte de plusieurs personnes qui sont chargées de récupérer et de transformer les déchets d’origine plastique où ferreux. Ces recycleurs, originaires des wilayas de Bordj Bou arreridj et de M’sila, n’hésitent pas à embaucher des jeunes de la région pour accomplir la récupération des matières destinées à être recyclées. Farid, 14 ans, selon ses dires, alors qu’il parait beaucoup plus jeune, avoue très bien s’en sortir : “J’arrive à me faire pas mal d’argent avec la récupération de plastique, chaque semaine je revends entre 15 à 20 kg de matière brut, c’est-à-dire que je dois bien laver le plastique qui sera directement broyé avant d’être réutilisé”. A une de nos questions relatives au prix du kilos de plastique, Farid tout content est fier de nous annoncer “Mon client m’offre huit dinars par kilo !” et d’enchaîner “C’est un bon prix, non ?”. Assurément, c’est un bon prix pour l’acheteur qui exploite impunément ses gosses, en faisant fi des toutes les lois régissant les droits de l’enfant, et qui en plus de cela, expose leur santé à des dangers certains. C’est sur un monticule de détritus, chaussé avec une paire de sandales en plastique que nous abandonnons Farid, non sans lui avoir expliqué la toxicité de l’environnement dans lequel il est exploité. Un endroit où rares sont les mortels à pouvoir supporter les effluves nauséabondes qui émanent des dépotoirs sauvages où sont déversés quotidiennement des ordures ménagéres mais également toutes sortes d’immondices. En remontant la piste pour revenir sur la RN 26, nous croisons un tracteur agricole qui transportait toute une cargaison de poulets morts. Pas besoin d’être un génie pour deviner où seront déversés les cadavres des gallinacés. Ainsi, en sillonnant les différentes localités de la wilaya on s’aperçoit aisément que les travaux les plus ingrats sont généralement confiés à des enfants, des gavroches inconscients du danger qui les guette, et surtout facilement exploitables en l’absence d’une autorité parentale à même d’assurer gîte et couvert à sa progéniture. Une progéniture se retrouvant souvent seule dans la rue, face aux dures réalités de la vie, et qui devient une proie facile pour des individus sans vergogne qui usent et qui abusent de l’innocence de ces jeunes. C’est ainsi que se déroulent chaque année les vacances scolaires de plusieurs centaines d’ados, si toutefois quelques uns d’entre eux ont le privilège d’être scolarisés, les autres par contre endurent, douze mois sur douze, les rudes conditions de forçats qu’ils sont devenus. Pour eux il est certain que le mot vacances riment parfaitement avec souffrances.

Hafidh. B

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