Après l’euphorie du foot, le brutal réveil

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L’espoir nourri par les ouvriers et les fonctionnaires était grand. Les espoirs et l’attente liés à la tripartite étaient cette fois différents, vu la conjoncture que traverse le pays. En plus de l’embellie financière que connaissent les caisses de l’Etat, il y a la victoire des Verts qui a généré, faut-il le rappeler, la mobilisation, la solidarité et l’amour de la patrie. Après la liesse populaire et l’union retrouvée, l’espoir était devenu légitime à plus d’un titre. Rien, vraiment rien ne pouvait empêcher les hauts responsables de faire des gestes significatifs en direction de toute la société algérienne. Ces Algériens qui ont répondu massivement à l’appel de la patrie jusqu’à même oublier que la fête de l’Aïd El Kebir allait avoir lieu dans quelques jours seulement. Des chefs de famille qui ont omis d’acheter même des vêtements neufs à leurs enfants, le mouton de l’Aïd était passé au second plan et pourtant l’Algérien est connu pour son attachement aux principes de la religion et à la célébration des fêtes religieuses. Ce que l’on n’oublie que lorsque la patrie vous sollicite. Honorables Algériens et Algériennes ont répondu présents et unis comme un seul homme. “L’Algérie avant tout” était sur toutes les bouches. Nième déception, le réveil et l’atterrissage ont été catastrophiques. La réalité du quotidien n’a guère évolué, au contraire l’état des lieux n’a fait qu’empirer. Au moment où la joie, la liesse et le nationalisme ont atteint des points culminants, le coût de la vie a franchi le seuil du tolérable et du supportable. La flambée des prix a rappelé aux citoyens de Mâatkas et de la nation toute entière notre triste réalité faite de misère, de dénuement et de dépravation. La tripartite sur laquelle les espoir étaient fondés n’a pas pu améliorer considérablement et suffisamment le quotidien de l’Algérien. Le passage du SMIG à 15 000 DA constitue pour la plupart de ceux que nous avons contactés de la poudre aux yeux. D’abord, parce qu’elle ne concerne pas tous les travailleurs, hormis ceux qui gagnent moins de 12 000 DA, les autres ne sont presque pas concernés par ce relèvement du salaire minimum garanti. Le Smig a augmenté de 25%, mais les produits de consommation, eux, dans certains cas ont augmenté de 100%.

Les légumes et les fruits pas touche !

Prenons l’exemple des légumes secs. A commencer par les lentilles qui se vendaient il y a quelques mois à 90 DA le kilo. Aujourd’hui, ils sont proposés à 180 DA le kilo. Une augmentation de 100% ! Les pois-cassés, l’aliment de base des modestes, il y a quelques semaines, on pouvait se l’offrir à 50 DA le kilo, aujourd’hui, au marché de Souk El Tenine, l’acquérir sous la barre de 120 DA est impossible. Il est inutile de préciser que la hausse est de presque de 150%. Ahurissant !

Le haricot blanc est à 120 DA, les pois chiches à 140 DA, le riz à 100 DA. Les légumes frais eux aussi connaissent une hausse significative, a commencer par le roi des légumes, l’oignon qui se vend à 60 DA, la carotte à 50 DA, le haricot vert à 90 DA. La pomme de terre reste elle aussi chère malgré la nouvelle récolte. Elle se vend actuellement à 40 DA, la salade à 50 DA et enfin le chou-fleur seul produit abordable affiche 25 DA.

Les fruits sont également excessivement chers pourtant c’est la saison des clémentines et des thomson, l’orange algérienne. Les premières ne sont vendues qu’à partir de 130 DA, quant aux secondes elle font 140 DA. Inimaginable pour un pays qui possède les plaines de Mitidja. Les pommes Golden à 180 DA et les bananes à 130 DA c’est dire que les pères et les ménagères ne s’offrent le dessert que rarement.

Les viandes rouges et blanches suivent aussi !

Des produits inaccessibles depuis des lustres, les gens qui s’attendaient à pouvoir se les offrir après les pourparlers de la tripartite sont encore une fois déçus. L’augmentation insignifiante du Smig ne constitue guère un palliatif pour s’offrir la viande qui demeure hors d’atteinte. Le beefteck continue de mener la danse à 1 200 DA, la viande avec os suit avec 750 DA le kilogramme, le poulet oscille entre 260 et 320 DA le kilo, la sardine à 150 DA, la viande congelée sur laquelle les petites bourses se rabattent devient aussi hors de portée puisqu’un kilo de glace se vend à 600 DA.

Les Maâtkis et l’augmentation du Smig

Les citoyens de la localité que nous avons apostrophés à propos de la hausse des prix et de l’augmentation du SMIG trouvent pour la plupart que cette augmentation n’est pas suffisante et ne mettra pas fin au calvaire de la vie chère. Pour Ahmed, un quadragénaire fonctionnaire : “Je me demande si nos responsables s’approvisionnent au marché national, parce que s’ils achètent en Algérie, ils sauront inévitablement que 15 000 DA de misère ne suffiront pas à vivre une semaine. Veut-on nous affamer ?” Un autre enseignant, père de quatre enfants ajoutera : “D’abord l’augmentation ne concerne pas tout le monde et elle est insignifiante et n’apportera aucune amélioration à notre niveau de vie. L’Algérie est un pays riche, l’Algérien lui reste pauvre c’est un paradoxe et une réalité amère.” Un retraité enchaînera sur un ton que l’on qualifiera d’intempestif. “La victoire de l’EN et l’espoir suscité n’ont pas été accompagnés de mesure à même de perpétuer la joie de l’Algérien, un peuple pareil mérite beaucoup plus que ce qu’il a actuellement. Ce peuple qui a battu une puissance mondiale (allusion faite à la France coloniale) qui a su s’en sortir de la décennie noire et qui a récemment battu les Pharaons sur tout les plans mérité amplement de vivre dignement. Aller faire admettre cela aux décideurs.”

Ce que disent les employés du pré-emploi, de l’iaig et du PAIS

Un jeune fonctionnaire dans le cadre du pré-emploi nous apprendra : “Avec mes 6 000 DA, je ne peux pas espérer à une vie meilleure, j’ai 27 ans, l’espoir de fonder un foyer est encore loin. Ce n’est pas avec 6 000 DA que je vais entretenir une femme.” Makhlouf employé dans le cadre de l’IAIG relèvera : “Je suis dans ce cadre depuis 7 ans et je ne gagne que 3 000 malheureux DA, heureusement qu’il y a la vieille, autrement ma fille et ma femme mourront de faim. Les responsables doivent penser à notre situation. Nous sommes les esclaves du XXIe siècle.” Arzika employée dans le cadre du PAIS, nous apprendra avec beaucoup de lassitude et de regret : “Je ne gagne que 22 700 DA, par mois. Cela ne suffit même pas à couvrir mes dépenses. Pourtant le travail que nous faisons est considérable. Nous sommes exploités, un point c’est tout. C’est indigne de l’Algérie indépendante et de surcroît riche.”

Quant aux handicapés qui ont souvent besoin de traitement et de médicaments, leur état est misérable puisque les meilleurs ne gagnent que 4 000 DA mensuel. Nous imaginons très mal comment un père de famille de surcroît handicapé vivra et fera vivre sa famille avec un tel traitement dérisoire et insultant.

Des gestes d’apaisement pour préserver l’amour de la patrie

La réalité algérienne est amère, c’est le moins que l’on puisse dire. L’Algérien, qui a toujours fait preuve de nationalisme et qui répond toujours par l’affirmative à l’appel de la patrie, mérite plus de considération. Les salaires doivent être augmentés à la hauteur de la cherté du quotidien. La stabilité du marché doit être maintenue et suivie. Le partage des richesses doit se faire équitablement. L’Algérien ne veut être rémunéré qu’à hauteur des efforts qu’il fournit. Quant aux différents filets sociaux instaurés, il faut se rendre à l’existence, en 2009, on ne peut pas vivre avec 3 000 DA. Cela ne suffira même pas à régler la facture de Sonelgaz. Les plus hautes autorités sont interpellées à agir de manière à permettre à l’ensemble des Algériens de vivre dignement. Les “one-two-three viva l’Algérie”, repris par les 35 millions d’Algériens doivent impérativement continuer à fuser de partout et pour cela l’Algérien doit continuer à vivre. Car au rythme actuel, le pari n’est pas sûr d’être gagné !

Hocine Taïb

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