“On ne peut pas parler de cinéma kabyle…”

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La Dépêche de Kabylie : Avec du recul, pouvez-vous nous parler de cette première expérience ?

Smaïl Messaoudi : Oui, avec plaisir même. Bon, il faut dire que j’étais un peu naïf, sans trop d’expérience, j’avais 21 ans quand je l’ai écris, mais honnêtement, j’étais déjà assez conscient des faiblesses que contenait le scénario, mais j’ai décidé de le garder quand-même pour satisfaire cette frustration de jeunesse et ne le regrette pas. Au final, je dirai que je suis assez fier du résultat, surtout que le sujet est toujours d’actualité.

Des exemples de ces faiblesses, peut-être ?

Oui, déjà l’idée n’a pas été trop approfondie. Par exemple, je n’ai pas parlé d’une traversée du désert ni de la situation politique de notre pays comme le terrorisme, etc. qui sont aussi des facteurs qui ont poussé les gens à fuir le pays. Techniquement, justement, j’ai essayé de combler les manques qui se trouvèrent dans le scénario.

Et si vous le permettez bien, pourquoi avoir “tenté” le noir et blanc sépia ?

C’est pour rendre hommage au cinéma muet. D’ailleurs, si l’on suit l’image durant le film, on constate qu’elle va crescendo dans ce sens : ça commence par des arrêts sur image, l’image statique qui est le fondement même du cinéma puis une image animée muette et enfin, une image classique avec dialogue…

On sent aussi une musique répétitive…

Oui, c’est pour illustrer la routine que vit mon personnage, une idée qui est d’ailleurs renforcé par la répétition “des ruelles” mais c’est aussi pour accentuer sa migration intérieure…

Qu’en est-il de votre deuxième court-métrage ?

Je crois qu’il n’y a pas photo ! Tout simplement parce que j’ai senti une certaine maturité en l’écrivant. D’ailleurs, ça m’a pris quatre ans de travail, et ce sur tous les plans : dialogue, image, décors, tout est prévu à l’avance donc y’a pas de place pour le hasard, tout est justifié, comme disait Einstein.

C’est-à-dire travailler toujours avec un esprit professionnel, même dans ce contexte amateur ?

Je ne crois pas à ces notions, je préfère plutôt parler d’un bon ou mauvais travail, parce que chez nous on confond souvent professionnalisme avec manque de moyens. Or, pour moi, ça n’a rien à voir. Par exemple, le dogme 95 a fait des chefs d’œuvre avec de petits budgets…

Oui, mais revenons en si vous le voulez bien, à votre nouveau film : le sujet est-il un autre fait d’actualité comme le premier ?

Non. Je dirai même que j’ai fais un saut d’axe ! Ce nouveau scénario traite de l’absurdité de la vie mais ce qui est intéressant aussi, c’est sa structure : j’ai tenté de raconter mon histoire en m’appuyant sur deux fils conducteurs qui vont en parallèle. L’un est visuel et l’autre est audio.

Est-il un court-métrage expérimental ?

D’une certaine façon, oui. Parce que je tente une chose que je n’ai pas déjà vu dans le cinéma, pour l’instant du moins.

Ça promet. Et pour son financement, où en êtes-vous ?

Eh bien, je viens de déposer des demandes de subventions auprès du directeur de la culture de la wilaya qui m’a promis de soumettre mon dossier au ministère de la Culture. Mais concrètement, je n’ai reçu que des promesses verbales pour l’instant.

Y songez-vous déjà à un long ?

Oui. Si j’ai commencé par le court-métrage, c’est parce que je pense que c’est le passage idéal vers le long-métrage. Et comme je suis un autodidacte, je crois que le court-métrage est la meilleure des écoles. D’ailleurs, je suis sur le projet d’une adaptation.

Un mot sur le cinéma kabyle ?

Je pense qu’on ne peut pas parler de cinéma kabyle mais de film kabyle et je dis bien film kabyle et non pas de film en langue kabyle…

Etes-vous de ceux qui croient à une “nouvelle vague” pour reprendre un terme en vogue en ce moment chez nos jeunes réalisateurs, en Algérie ?

C’est une bonne question. Pourquoi pas, j’ai toujours cru au potentiel cinématographique algérien. La preuve, on voit actuellement pas mal de jeunes qui montent, à l’image de Tarik Teguia, Lyès Salem, Khaled Benaïssa et d’autres.

Le dernier film qui vous a marqué et pourquoi ?

(EROS) d’Antonioni, Wong-Kar Wai et Soderberg. La partie d’Antonioni est une véritable leçon de cinéma. C’est l’image qui fait la différence. Il ou elle nous montre clairement qu’une image est bien faite se suffit à elle-même et donc n’a pas besoin de son et d’autres outils. Puisqu’elle arrive à atteindre le spectateur… Comme dans la scène du café. Et c’est là l’essence même du cinéma, je crois.

Par S. A. M.

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