»Le Chemin de l’éternité » ou l’interminable voyage

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Ce roman intitulé  » Le Chemin de l’éternité  » est un chef-d’œuvre qui fera, à coup sûr, le bonheur des centaines de milliers de lecteurs dans le pays de Molière, en Algérie et ailleurs. Zirem revient avec une fiction captivante et émouvante. Contrairement au roman publié en 2005 ( La Vie est un grand mensonge) où il y n’avait pas d’ordre chronologique, ce nouveau-né respecte la succession des évènements. Une chose qui permettra à un large lectorat de savourer cette œuvre d’une rare beauté. Youcef raconte l’histoire difficile d’un destin de femme, étroitement lié à celui de son pays l’Algérie en proie à une effrayante sauvagerie aveugle. Amina, est une jeune fille qui se fait engrosser de force par son père, émir islamiste. Elle accouche de son enfant qu’elle garde, tout en poursuivant ses études à l’université. Pour faire face aux aléas de la vie, la tête haute, elle devient prostituée de luxe. Ensuite elle tombe amoureuse de Michel, un diplomate en poste à Alger. Il a fallu bien du talent à l’auteur pour émailler son récit, soit de poésie, soit de narrations historiques, qui, à travers les odeurs qu’elles dégagent nous permettent de supporter un récit souvent insoutenable.  » J’avais envie de pleurer mais les larmes ne venaient pas. J’étais, depuis quelques jours, à Bougie, une charmante ville de la Kabylie maritime ; je m’offrais du bon temps. Ville antique, Bougie était déjà un important port commercial du temps des Romains. Construite sur les ruines de l’ancienne cité, Bougie se souvient de son lointain passé. Resserrée sur elle-même, la ville s’accroche à la falaise qui la domine. La ville et la montagne font corps commun et se brisent brusquement dans la Méditerranée, en saluant, d’un regard complice, la Porte de la mer. L’accueil chaleureux des habitants donne un cachet unique à Bougie. Il y a dans cette région une tolérance incroyable dans un pays où le nihilisme et l’agressivité au quotidien font des ravages. C’est souvent un plaisir élémentaire que de voir les femmes porter leurs bijoux sans être inquiétées à aucun moment, contrairement aux autres villes. Les femmes peuvent aussi venir siroter un thé ou une boisson tranquillement sur les terrasses de la place Gueydon. De là, on a une vue imprenable et splendide sur l’imposant golfe de Bougie lequel se marie allègrement avec les montagnes du Babors, toutes proches, enneigées durant une bonne partie de l’année. Je faisais commerce de mon corps et je gagnais de l’argent. Je regardais la Porte de la mer, un vestige historique, symbole du passé lointain de cette ville hospitalière et discrète, et subitement je sentis que mon existence était sur le point de prendre un autre détour.  » Parfois, je suis le Dieu que je porte en moi, je suis alors le Dieu et le croyant et la prière, et l’image d’ivoire, où l’on oublie ce Dieu, parfois je ne suis rien de plus qu’une athée, de ce Dieu personnel que je suis dans mon exaltation, je contemple en moi un ciel entier, et ce n’est qu’un ciel haut et vide « , je continuais la lecture du livre de Fernando Pessoa et je n’arrêtais pas de m’interroger. J’étais perplexe, je voyageais au fond de moi-même et j’attendais une délivrance.  » La vie est brève, l’âme est vaste ; posséder, c’est être en retard « , écrivait Fernando Pessoa, mort à quarante sept ans, dans l’anonymat. Je me souhaitais une mort pareille, je voulais partir dans la force de l’âge et oublier ma vie de prostituée « , écrit le romancier qui a pu mettre au monde un roman où le présent interpelle le passé et les rêves du futur dans un incommensurable chemin. L’histoire se déroule en Kabylie, à Alger et en France. Notons que ce très beau livre sera bientôt en vente en Algérie.

Humanisme et lucidité d’un auteur singulier

Né le 16 août 1964 en Kabylie, Youcef Zirem, s’intéresse à la  » chose culturelle  » dès son jeune âge. Il avait la soif de découvrir le monde et de décrypter les secrets de la vie. Ingénieur en hydrocarbures, diplômé de l’I.A.P de Boumerdès en 1987, il entame une brève carrière dans le secteur de l’industrie avant de devenir journaliste à la suite des évènements tragiques d’octobre 1988. Avec un très beau papier sur l’immense écrivain américain William Faulkner, Zirem fait son premier pas dans la presse écrite où il ne tardera pas à se distinguer avec sa lucidité et ses analyses aisément convaincantes. Il participe à la rédaction de nombreux journaux algériens comme La Tribune, Le Quotidien d’Oran ou encore El Haq. Il dirige également la rédaction de l’hebdomadaire Le Kabyle de Paris (un journal créé en France en 2003). Youcef est l’auteur du roman, la Vie est un grand mensonge ; un livre très bien élaboré. C’est une fiction qui raconte l’histoire de l’Algérie depuis le début des années 1980 jusqu’à aujourd’hui. Ce roman se révèle comme le témoignage d’un humaniste qui ne peut guère être insensible devant les souffrances de ses compatriotes, ses souffrances. L’ex-journaliste d’Alger-Républicain parle des violences multiples et des incommensurables malheurs de nombre d’Algériens. Ces histoires, souvent inspirées de la réalité, nous donnent à voir les choses avec distance, lucidité et sérénité. Cette belle fiction est aussi un hymne à l’amour et à la beauté. Le romancier raconte le parcours de deux couples sur près de vingt ans et décrit, soigneusement, leurs multiples tourments.  » La Vie est un grand mensonge  » continue les quêtes de l’auteur, entamées déjà par  » les Enfants du brouillard  » (recueil de poésie paru à Paris, en 1995, aux éditions Saint Germain des Près). Youcef Zirem est l’auteur de nouvelles (L’âme de Sabrina, éditions. Barzakh, Alger 2000) et d’un essai  » La Guerre des ombres, les non-dits d’une tragédie  » publié aux éditions le Grip-Complexe à Bruxelles en 2002. Cet essai a eu un succès considérable en Europe et au Canada. En 2001, le talentueux écrivain a également publié un autre recueil de poèmes, en France,  » Autrefois la mer nous appartenait  » que les éditions El Ikhtilef ont repris, à Alger, sous le titre  » Je garderai ça dans ma tête. L’auteur de l’âme de Sabrina savoure la beauté, décrit le malheur et s’invente des haltes de bonheur. Tantôt, c’est l’intellectuel qui s’interroge sur le substantiel des choses, sans se contenter d’une lecture simpliste et superficielle. Tantôt, c’est le rêveur et l’être sensible qui fait face à l’absurdité de la vie. En somme, l’écriture de Youcef Zirem est d’une esthétique hors paire, où la poésie et la prose se marient harmonieusement et d’une dimension universelle qui dépasse le temps et l’espace.

Tarik Djerroud

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