Le demi-frère et son frère

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3e partie et fin

A force de ne rien manger, il est devenu chétiff et maladif, c’est dans cet état, que son frère le trouva. Après lui avoir raconté son étrange histoire, Massmamda est étonné. Il lui dit que les conditions qu’il a acceptées sont insensées, et qu’il est trop pour lui de quitter ce homme avare, qui ne veut rien dépenser. Mais pour toute réponse, son demi-frère lui dit : “— Je lui ai juré que je ne le quitterai que le jour où j’entendrai le chant du coucou (t’ikouk). Comme je ne l’ai pas entendu, je suis lié par la parole donnée. Je ne peux abjurer !”Ne pouvant aller à l’encontre de la volonté de son demi-frère, il lui propose cependant, puisque la ressemblance entre eux est frappante, de le remplacer pendant quelques temps. Le demi-frère accepte la proposition et se cache dans les environs. Après avoir pris la place de son demi-frère, dès que Massmamda sort de la maison pour aller garder les moutons dans les champs, il ordonne à la grand-mère de le porter sur son dos. Elle est étonnée, mais devant l’insistance de l’enfant, elle s’exécute de crainte d’être frappée. Dès qu’il a faim, contrairement à son demi-frère, il mange la galette emportée et ne donne rien à la chienne affamée. Le soir en rentrant à la maison, le propriétaire le réprimande pour avoir déroger à la règle et avoir manger la galette, qu’il devait ramener entière.Le lendemain en conduisant les moutons aux champs, comme à l’accoutumée, il va prendre la vieille, mais se souvenant de ce qu’il lui a fait subir la veille, elle lui dit :“— Assagi our thedough ara Idheli our-d itsoughal ara ! (Je ne viendrai pas aujourd’hui. Tu ne me referas pas le coup d’hier après-midi !)Après la vieille, il va solliciter la chienne, comme il l’a maltraitée la veille en ne lui donnant pas à manger, elle refuse de partir avec lui. C’est seul qu’il part aux champs pour garder les moutons. L’homme avare est mécontent de l’hardiesse soudaine et inaccoutumée du garçon, qui ose ce que son demi-frère n’a jamais osé demander. Un soir, alors que l’avare et sa femme étaient en train de manger du “berkoukès” (sorte de gros couscous) Massmamda rentre les moutons. Dès que l’avare l’entend il ordonne à sa femme de cacher le plat succulent. N’étant pas dupe et grâce à ses antécédents de fils de serpent, Massmamda leur dit :”— Aqlagh d’i theg’resth thoura Ay kath ouvrouri vara Am ouin ifren d’eg kham-A ! (Nous sommes en plein hiver maintenant. Il pleut des grelons (allusion aux grains de berkoukès qui ressemblent aux grelons comme ceux cachés dans cette maison).Découverts, l’avare et sa femme consentent à partager avec lui le plat caché. Tous les soirs au dîner, c’est la même rengaine, Grâce à ses dons extra-senroriels Massmamda déjoue les plans ourdis par l’avare pour l’empêcher de manger.Un jour il entend le père avare dire à sa fille aliénée, va dans la forêt, et met toi à crier à pleins poumons.“— Tikouk ! T’ikouk !” (Coucou ! Coucou !)Dès que Massmamda entend le fameux cri, il se précipite armé d’une fronde, et entreprend de chasser le coucou. Prenant peur pour sa vie, la fille de l’avare, dans un moment de lucidité prend ses jambes à son cou et se perd dans la forêt.Quand le garçon leur raconte les faits, le père avare lui dit :“— Ce n’était pas un coucou qui chantait, mais ma fille simple d’esprit, à cause de toi, elle s’est enfuie. Viens avec nous, on va la rechercher !Les recherches entreprises les emmènent au bord d’un précipice, voulant à tout prix descendre dedans, l’avare et sa femme font un faux pas, chutent sur les rochers et meurent instantanément.”Ne pouvant rien faire pour eux, Massmamda retourne à leur maison, appelle son demi-frère, et ils prennent possession des richesses de l’avare, qui leur permettent de se marier et de vivre en paix, durant de très longues années.“Our kefount eth’houdjay i nou our kefoun ird’en tsemz’ine. As n-elâid’ anetch ak’soum ts h’em’zine ama ng’a thiouanz’iz’ine. » (Mes contes ne se terminent, comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’Aïd, nous mangerons de la viande avec des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).”

Benrejdal Lounès

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