Le nombre de bambins qui se détournent du chemin de l’école pour emprunter celui du travail et endossent des responsabilités immenses qui harassent leurs frêles épaules devient de plus en plus considérable. Ce fléau qui confisque aux bambins leur enfance en tuant en eux les dernières bribes d’innocence qui leur reste prend des proportions inquiétantes.
Le monde se mobilise pour la lutte contre le travail des mineurs Certains pays qui vivent dans la famine et qui souffrent de l’absence de politiques de développement sont devenus de véritables viviers de l’enfance exploitée et sur employée par des réseaux qui abusent d’une main d’œuvre qui ne coûtent pas cher et qui de surcroît, ignorante de ses droits, elle ne réclame jamais rien à l’employeur qui impose son diktat. Raison pour laquelle plusieurs organismes de droits de l’enfant et des politiques gouvernementales en collaboration avec le bureau international du travail (BIT) ont initié des enquêtes sur ce phénomène et se sont soulevés contre ces pratiques immorales et ont révélé que 352 millions d’enfants, âgés entre 5 et 17 ans travaillent dans le monde, et que 246 millions parmi eux exercent des activités estimées dangereuses. Des campagnes gouvernementales appelant à l’implication de toutes les parties concernées pour une politique intersectorielle adaptée à chaque société selon ses spécificités économiques, sociales et culturelles ont été lancées ici et là.
Un avant-projet de loi sur la protection de l’enfance en préparationEn Algérie, où jusqu’à un passé très récent, le travail des enfants constituait encore un tabou, les autorités concernées des secteurs du travail, de la justice et de la sécurité commence à en parler publiquement, et beaucoup de progrès ont été faits en ce sens, aussi bien sur le plan institutionnel et juridique à travers la mise en place de l’avant-projet de loi sur la protection de l’enfant, la création de l’Observatoire des droits de l’enfant et de sections spécialisées pour la protection des mineurs au niveau de la gendarmerie et la Sûreté nationale que sur le plan communicationnel par le biais de l’organisation de séminaires, de rencontres scientifiques, de journées d’information et de campagnes de sensibilisation dans les milieux des jeunes. Dans ce souci d’informer, de recueillir toutes les données qui entourent ce phénomène pour endiguer toute sa portée socio-économique, deux enquêtes sont initiées en Algérie, l’une réalisée en 2004 par le ministère du travail conjointement avec le Bureau international du travail (BIT) sur un échantillon de 2 146 enfants âgés entre 6 à 15 ans répartis dans 12 wilayates (Ghardaïa, Tipaza, El Tarf, Guelma, Alger, Djelfa, Aïn Témouchent, Sidi Bel Abbés, Tiaret, Médéa, Tébessa et Mostaganem), et l’autre en mai dernier par une équipe de médecins internes dans le cadre de l‘Observatoire des droits de l’enfant (ODE) et conduits par le professeur Sahraoui qui ont étudié le phénomène du travail des enfants dans 8 wilayas du centre du pays (Alger, Aïn Defla, Bouira, Blida, Boumerdès, Tizi Ouzou, Bejaia et Tipaza) sur un échantillon de 2 979 enfants âgés entre 4 et 17ans.Ces enquêtes ont révélé que la situation dans notre pays est loin d’être préoccupante comparativement aux autres pays qui souffrent de ce phénomène mondial sans toutefois omettre de mettre en garde contre la baisse et de vigilance et d’attirer l’attention sur la nécessité de pallier dans les plus brefs délais à ce fléau par tous les moyens légaux.
84% des enfants qui travaillent ont quitté l’école En terme de chiffres, la première enquête a conclu que sur les 559 enfants qui travaillent dans différents secteurs d’activité, près de 16% sont toujours scolarisés, alors que la seconde a avancé les taux de 31% des enfants qui sont scolarisés, 37,5% exclus de l’école et 31% ont volontairement quitté les bancs des établissements scolaires. Ce mal social de la déperdition scolaire est plus répandu dans les zones rurales avec un taux de 42%. Le sexe féminin accapare la part du lion avec un taux de 77%, contrairement au milieu urbain où les garçons se placent en première position. Les deux études notent que les garçons sont les plus touchés par ce phénomène avec un taux qui dépassent les 70. En matière de régularité du travail exercé, 18% de cette frange de la société travaille d’une façon permanente alors que la majorité, soit 82 %, le font occasionnellement, notamment en période da vacances et durant la saison estivale. L’enquête réalisée par le département du travail a placé, les secteurs de l’habitat avec 65%, l’artisanat avec 63,60%, l’agriculture avec 58,30% par la vente à la sauvette avec 54% et le travail dans les cafétérias avec 55.60% à la tête des emplis exercés et celle de l’ODE qui a dénombré environ 60 métiers informels exercés par ces enfants, et variant en fonction de la spécificité de la région (agriculture à Tizi Ouzou et Aïn Defla, pêcheurs,…) a précisé que les métiers de vendeurs de pain (354), de bergers (197), de coiffeurs (86) et d’agriculteurs sont les plus rencontrés, et plusieurs métiers dangereux tels que l’électricité, la mécanique,le ramassage d’ordures et le bâtiment sont également recensé. Zone côtière de Béjaia, vivier de la prostitution des mineuresLa Kabylie n’est pas épargnée par ce phénomène et à travers les trois wilayas de Tizi Ouzou, Bouira et Bejaia, il a été dénombré près de 700 enfants qui travaillent, notamment dans l’agriculture et la pêche (port de Bejaia et d’Azeffoun). A Bejaia, où un chiffre de 215 enfants travailleurs a été enregistré, seulement 49 sont des filles. Cette faible proportion de la gent féminine est expliquée par les enquêteurs par le fait qu’il leur est difficile d’accéder à cette catégorie.La majorité des cas d’enfants travailleurs ont été rencontrés au niveau du chef lieu de Béjaia avec 160 enfants tandis que tout au long de la zone côtière, sur laquelle les enquêteurs ont rencontré 23 enfants qui travaillent, ils ont découverts huit cas de jeunes filles mineures qui se prostituent et dont trois ont moins de 16 ans alors cinq autres sont âgées entre 16 et 18ans. Notons que la zone côtière béjaouie est réputée pour un milieu de prostitution et de la débauche, dues la forte concentration de cabarets et d’hôtels. Les activités les plus fréquentes au niveau de la wilaya sont la tôlerie et la mécanique, la vente de légumes et fruits et d’articles ménagers et les filles sont employées essentiellement comme gardes enfants coiffeuses, couturière, femmes de ménage et prostituées. Concernant la situation scolaire de l’enfant travailleur, il a été révélé que dans 93,9% des cas, il est non scolarisé, dans 42.6% des cas, c’est du à un arrêt volontaire alors que dans 57,4%, l’enfant est exclu. Les conditions socio-économiques en cause Quant à la situation familiale, dans la moitié des foyers de ces enfants, le père est salarié et l’enfant ne travaille pour subvenir aux besoins de sa famille que dans 6,5% des cas mais contribue dans 37,7% des cas à l’aide da famille. Questionnés sur le salaire qu’ils touchent en contrepartie du travail qu’ils accomplissent, 87,4% estiment qu’ils ne gagnent pas assez et 81,4% disent ne pas exercer une activité qui leur plaît alors 54,9% d’entre eux affirment qu’elle leur a été imposé par une tierce personne. A Tizi Ouzou, les 280 enfants travailleurs dont 44 filles qui ont été approchés exercent en majorité comme manoeuvre (72), éleveurs, bergers, cafetiers, vendeurs de tabac, ferronniers, coiffeurs, serveurs et receveurs de bus. Les conditions socio-économiques de ces enfants sont jugées défavorable dans 75,72% puisque 160 foyers d’enfants qui travaillent n’ont aucune ressource familiale. L’enquête a noté également que ces enfants travaillent pour aider leurs familles dans 73,92% et donne l’argent gagné au père dans 77,5% des cas.Les résultats de ces deux enquêtes destinées à la société civile, le monde associatif et les pouvoirs public ne pourront être d’aucune utilité s’ils ne sont pas pris en compte par toutes les parties concernées qui doivent conjuguer leurs efforts pour lutter contre le travail des enfants et protéger ces derniers des affres de l’exploitation et de l’exclusion.
H.Hayet