Tout sur la conduite féminine

Partager

n Par Samia A. B.

«Femme au volant, mort au tournant» ou «femme au volant, rire au tournant». Nos amis les hommes semblent partager cet avis. Si une bonne majorité pense que les femmes au volant sont des véritables dangers publics, d’autres trouvent bien des railleries à tirer des mésaventures de leurs sœurs ennemies. Des blagues, souvent racontées entre hommes, histoire de faire dans le «démolissage» de celles qui ont décidé de les braver sur la route. Ils sont aussi nombreux à penser que les femmes sont beaucoup plus raisonnables et prudentes que les hommes, donc, meilleures conductrices mais surtout plus respectueuses des règles de conduite. Cela change bien des clichés établis quant aux femmes au volant. Elles étaient bien rares dans notre région, il y a quelques années. Elles se disputent avec plaisir les routes et sentiers de la région. Elles bondent la ville des Genêts et éclairent presque ses artères. Seulement, comme les clichés en termes de conduite sont nombreux, nous ne sommes jamais à l’abri des préjugés. Les railleries nées des interminables boulettes des femmes sur les routes, les hommes aussi ont eu de nombreuses à leur actif ; d’ailleurs, finissent par caricaturer la femme au volant et attiser les idées préconçues. C’est ainsi que la femme est considérée comme étant moins «douée» pour conduire un véhicule que l’homme. Elle aurait même moins le sens de l’orientation. «Dès que je vois une femme au volant, je suis sur mes gardes. Je l’observe souvent et réfléchis à deux fois avant de la dépasser. Elles sont pleines de surprises. Sur la route, elles se croient souvent dans une partie d’auto-tamponneuse. Elles zigzaguent sans raisons apparentes et ne signalent souvent que tardivement leurs mouvements. Les plus concernées sont les débutantes. Je les fuis dès que possible.

Elles ne savent jamais quoi faire. Elles signalent un rabattement à droite alors qu’elles le font à gauche. Elles oublient même de signaler des fois. Puis ma hantise c’est de les devancer dans une côte. Je prévois souvent plus d’un mètre d’espace au cas où je n’ai rien contre les femmes qui conduisent. J’en ai même vu qui conduisent très bien mais il m’est difficile de me sentir en sécurité sur la route face à une femme !», nous raconte Farid, 41 ans, agent de sécurité dans une entreprise locale privée. Farid avoue pouvoir fermer les yeux et dormir quand sa femme est au volant. Il insiste, toutefois, sur le fait que c’est lui qui se soit occupé de sa formation ! Quelle modestie !

On reproche souvent aux femmes leur sens de l’aventure un peu restreint ou même inexistant. Il semblerait que les femmes ne soient pas tentées par l’accélérateur. Le champignon serait une «option» pour certaines ! On leur reproche aussi d’être trop respectueuses du code de la route et des différentes indications de limitations de vitesse. Il est difficile de conduire avec elles. Elles «freinent» souvent les autres conducteurs dans leurs élans. Le danger commence quand ces derniers tentent de s’en «débarrasser» ! «Je suis souvent harcelée sur la route parce que je respecte trop les indicateurs de limitation de vitesses et fais très attention à la signalisation et y adapte ma conduite. Je ne vois pas pourquoi je roulerai à 80 km/h dans une route bourrée de virages et de doubles virages dangereux alors que les plaques me limitent à 40 km/h ! Le comble c’est que ceux qui décident à braver ces règles semblent embarrassés par ceux qui les respectent.

Commencent alors les multitudes tentatives de dépassements dangereux en plein double virage dans la plupart du temps. Je fais tout pour bloquer ces folies, étant consciente que la première à être éjectée en cas de face à face avec un autre véhicule serait moi. Je ne peux pas me permettre ce risque. Je suis tout le temps accompagnée de mon fils de deux années à peine et ai souvent peur qu’il lui arrive malheur par ma faute. Je me fais souvent insulter quand je bloque un dépassement dangereux. Je suis quotidiennement soumise à ce genre de situations. Je vis à une quarantaine de kilomètres de Tizi-Ouzou Ville et dois déposer mon fils à sa crèche avant d’aller au boulot. Je me dispute en route quotidiennement avec des chauffards de tout genre. La route que j’emprunte est aussi peuplée de fourgons de transports voyageurs qui sont particulièrement pressés sur la route ! Ils sont à l’origine de bien des courses, pour un meilleur classement dans les prochains départs de la station. Et ils ont l’air d’oublier les voyageurs qu’ils transportent et ceux qui partagent leur route !», nous raconte Salima, 38 ans, secrétaire juridique. Salima nous raconte que son mari ne lui a pas permis de reprendre le volant après son accouchement qu’à travers moult négociations.

Son mari pense que la femme devient fable une fois maman et que ses réflexes en pâtissent particulièrement. «Déjà que les réflexes ne sont pas le fort des femmes !», dira souvent le mari de Salima à haute voix. Notre interlocutrice nous explique que si ses réflexes étaient intacts auparavant, maintenant qu’elle est maman et responsable d’une autre âme que la sienne sur la route, elle double de vigilance et de vivacité. Elle reste lucide tant que ses mains touchent le volant. Elle s’interdit même la musique à haut volume, alors qu’elle s’en donnait à cœur joie auparavant, pour mieux se concentrer sur la route et ce qui s’y passe. Histoire de détecter les pépins à temps et pouvoir y faire face efficacement.

Les femmes sont souvent pointées du doigt dès qu’elles sont impliquées dans un accident alors qu’elles peuvent être étrangères à la faute qui l’aurait provoqué. Leur prudence est perçue comme un manque d’assurance, donc, motif à hésitations. Ce qui rend la conduite plus dangereuse selon eux. «Je pense que les hommes ont moins de mal avec le volant que les femmes. Elles sont tellement paniquées face au volant qu’elles finissent par nous transmettre leur terreur, finissant par nous déstabiliser à notre tour. Je n’ai rien contre les femmes qui conduisent. Je trouve même cela très bien.

Mais il faudrait un minimum de maîtrise pour prendre le volant. Et ne la retrouve pas chez nos chères conductrices. Tout ce qui compte pour elles c’est malheureusement la marque et la couleur de leurs véhicules et son assortiment à la couleur de leurs cheveux. Elles sont plus soucieuses des apparences que de ce qui se passe sur la route», critique Sid Ali, 25 ans, transporteur de voyageur. Sid Ali nous raconte avoir un ami qui s’est fait percuter par derrière par une femme qui roulait en gardant les yeux sur son sac à main sur le siège passager. Elle y cherchait quelque chose mais semblait bien oublier sa conduite. La porte arrière de son ami était bien amochée et la femme a fini par sortir son portable de son sac à main ! C’est son portable qu’elle cherchait ! elle portait des talons hauts de 20 cm minimum ! Comment voulez-vous conduire en sécurité avec des gens comme ça. Elles se permettent souvent d’emmener avec elles des enfants. Si c’étaient les miens ils ne mettraient jamais les pieds dans un véhicule conduit par une femme pareille. Sid Ali qui se veut moins discriminateur dans ses propos, avoue que les hommes aussi ont bien des tares à se reprocher mais qu’ils sont responsables d’accident beaucoup moins graves que ceux provoqués par les femmes. Il se reprend très vite en attirant l’attention sur le fait que les hommes réussissent plus les examens d’obtention du permis de conduire. Sid Ali qui avoue avoir passé trois fois l’examen du code de la route, dit avoir passé avec succès ceux du créneau et de la conduite. Les femmes, par contre, ont souvent plus de chance dans l’examen du code de la route et peuvent souvent refaire l’un ou l’autre des examens du créneau et de conduite.

Elles semblent juste un peu plus perfectionnistes et plus prudente que les hommes. Elles ne s’aventurent aux acrobaties que quand elles sont prêtes. C’est une question de maîtrise. Les femmes aiment maîtriser avant de guider. C’est aussi simple que ça. Elles sont bien nombreuses à se faire leur place sur la route. Elles s’imposent et défient toute personne mettant en doute leur maîtrise de la conduite. Si la femme au volant est souvent sujette aux railleries des hommes, ils sont bien nombreux à avouer qu’elles sont loin d’être nulles en voiture. Ils leurs trouvent d’ailleurs bien des atouts. Ces femmes seraient plus prudentes que les hommes. Elles font moins de vitesse, moins d’accidents mortels ou pas du tout. Elles seraient plus mâtures et attentives et moins têtes brûlées. «La Bêtise ne fait pas de distinction d’âge ou de sexe. Seulement, ce qui me sort souvent de mes gants, c’est de voir que les femmes aussi, sensées être plus raisonnables griller allègrement les feux rouges et que je vois ensuite fouiller dans leur sac à main alors que le feu vient de repasser au vert. Seulement, j’avoue qu’autour de moi, il n’existe que des femmes qui excellent dans la conduite, à commencer par ma femme et mes deux filles. Mes sœurs aussi conduisent raisonnablement. Je suis bien fier d’elles. Depuis que ma vue a tendance à diminuer, c’est sur elles que je compte pour mes moindres déplacements. La cadette de mes filles, passionnée d’engins, veut s’initier à la conduite de camions. Je lui ai suggéré d’attendre la fin de sa licence. Elle a passé son permis de conduire quand elle a eu son bac, je lui ai proposé de passer la catégorie poids lourds à l’obtention de sa licence», nous confie Issad, 58 ans, menuisier. Hormis quelques critiques ça et là, Issad défend bien les femmes au volant mais comme on n’est jamais bien servis que par soi-même, on laisse la parole à Baya, 54 ans, esthéticienne : «Je conduis depuis plus de 20 ans et je n’ai jamais eu de problèmes. Les rares fois où mon véhicule a été touché, ce n’était souvent pas de ma faute. Je n’ai jamais eu d’accident de ma vie. Hormis quelques égratignures, les quelques véhicules que j’ai successivement possédés sont restés intacts. Je conduis calmement et avec beaucoup d’assurance. Je respecte le code même si cela ne fait pas plaisir à tout le monde. Je ne fais pas attention à tout ce que je reçois comme insultes et toutes les tentatives de «décollage» qui se font derrière moi quand je conduis en fonction des signalisations de limitation de vitesse.

Je fais aussi tout pour ne pas gêner les autres conducteurs sur la route. Il est rare que je perde mon sang-froid au volant, notamment la nuit. Le meilleur conducteur c’est celui qui sait se fondre dans la route en respectant le code de la route. Si on était tous respectueux de ce code, nous aurions moins de problèmes sur nos routes. Je ne vois pas pourquoi différencier les comportements des femmes et hommes sur la route. Ils sont pareils tous les deux. Souvent je croise des femmes au volant je me demande comment elles ont eu leurs permis ! C’est aussi valable pour les hommes.

Il y en a qu’il faut mettre dans le même panier», nous explique Baya. Notre interlocutrice a bien raison. Il y en a des hommes qui ne méritent pas leurs permis de conduire. Ce sont ces mêmes hommes qui critiquent souvent d’ailleurs la conduite féminine. Ignorant les moindres règles de conduite les plus élémentaires, ils se permettent de critiquer les femmes et leur reprocher leur prudence trop prononcée sur la route. L’accélérateur, elle le connaît aussi. Seulement, la femme semble préférer l’utiliser avec bien plus de modération que les messieurs. Les femmes roulent d’ailleurs plus en ville que sur l’autoroute. Et en ville, pour les messieurs qui semblent l’oublier des fois, la vitesse est limitée.

Les femmes conduisent bien moins que les hommes aussi, à l’exception de certaines femmes dont le métier requiert de nombreux déplacement en véhicule. Elles sont aussi une bonne partie à ne rouler que pour le plaisir de le faire. elles sont aussi nombreuses à être contraintes à prendre le volant. «Je conduis avec plaisir. J’adore conduire. Cela me libère de toutes mes angoisses. Seulement en ville, j’ai du mal à le faire avec plaisir. La ville est bondée de véhicules. Il y a des bouchons à ne pas en finir dans toutes les artères. On se dispute des chemins étroits avec des dizaines de fourgons de transport voyageurs sur chaque ligne. Si ce n’était pas mon petit que je dois aller chercher à la crèche, je ne toucherai le volant que le week-end pour sortir en dehors de la ville ou pour aller au village. Je ne conduis que par nécessité», nous raconte Hayet, 34 ans, maman d’un petit garçon de 18 mois qu’elle a du mal à traîner dans les fourgons et autres bus.

«Quand le petit est à la crèche, je gare mon véhicule et je fais mes courses à pied. Je me déplace en fourgon ou en bus. Je préfère cela à tout le stress que la conduite en ville me procure. Je suis tellement fâchée des fois que je réponds même aux provocations des autres conducteurs. Comme je n’aime pas les histoires, je préfère les éviter. La semaine dernière, j’ai été vulgairement insultée par une jeune fille au volant d’un 4X4. Elle voulait impérativement intégrer la file où j’étais. Nous étions à l’arrêt. Dans sa hâte de doubler à tort et à travers, elle a fini dans la mauvaise file. Je n’ai pas cédé devant son insistance.

Elle n’avait qu’à conduire normalement et se rabattre au bon moment au lieu de zigzaguer au détriment des autres conducteurs. Elle s’est, quand même engagée au détriment de mon pauvre petit véhicule. Voyant son entêtement, j’ai dû la laisser passer. Comme récompense, j’ai eu droit à une insulte d’un vulgaire difficilement descriptible. J’ai aussi du mal à faire avec les nombreux minibus qui roulent en ville. Les arrêts de fourgons improvisés ça et là à même les trottoirs et même des bus qui font leurs arrêts en pleine route, sans même se rabattre correctement des fois.», se plaint Hayet. Elles sont, par contre bien nombreuses à rester zen en toute circonstance. D’un calme stoïque, elles ne clignent même pas des yeux quoi qu’il arrive.

Qui a dit que les femmes sont peureuses au volant ? Ceux-là mêmes qui la trouvaient nulle en conduite. Qui n’a jamais entendu au détour d’une conversation ou sur la route, le cliché associant les femmes à une mauvaise conduite. Un soupçon de perspicacité et un brin d’analyse des comportements sur la route, nous indiquerait que si certaines femmes peuvent être nulles en conduite, elles le sont autant que certains hommes. Si ces derniers se prennent pour des as du volant, certaines femmes sont prêtes à les détrôner.

Samia A. B.

Partager