L’Algérie à la première place pour le développement rural

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Pour créer de l’emploi en milieu rural par des activités spécifiques à cet espace constituant l’arrière-pays montagneux ou steppique, le gouvernement algérien a eu recours a plusieurs formules et dispositifs lesquels, jusqu’à un passé récent, ont eu des résultats mitigés. Cela est d’autant plus justifié que le lancement de ces programmes a eu lieu pendant la période chaude du terrorisme qui écumait les campagnes algériennes.

L’exode rural continuait à saigner les villages et bourgades isolés à tel point que des hameaux entiers se sont vidés complètement de leurs habitants. Élisant domicile dans des ‘’ceintures de misères’’ à la périphérie des grandes villes, ils ont bradé cheptels et meubles pour donner une avance sur un loyer surenchéri à la faveur d’une demande subitement revue à la hausse. Bien avant le grand départ, les populations des campagnes, particulièrement celles se trouvant dans des zones enclavées loin des plaines où s’exerçait l’agriculture professionnelle, étaient largement exclues des bienfaits du développement. L’analphabétisme et l’éloignement par rapport aux centres de décision les ont condamnées à l’isolement et à une forme d’ostracisme desquels n’émergent que ceux qui ont su composer avec le clientélisme ambiant qui a installé des formes rituelles de corruption (soutiens de l’État détournés par les agents de l’État et d’autres notabilités).

Le monde rural, qui a payé un lourd tribut à l’indépendance du pays, se trouve ainsi marginalisé de facto. Lorsque le taux de chômage était, il y a quatre ans de cela, de 31% à l’échelle nationale, la campagne algérienne supportait, à elle seule, 60 à 70 % de ce fardeau.

Pire, certaines enquêtes détaillées, ont pu établir des taux proches de 80%. Les facteurs d’arriération sociale, constituant un véritable nœud de vipères, sont de plusieurs formes. L’enclavement est d’abord ressenti en tant que difficulté à communiquer avec la ville, et cela est inévitablement dû au manque d’infrastructures telles que les routes, les pistes et les chemins de fer.

Le diagnostic de la situation réelle du monde rural algérien est établi par plusieurs organismes : Le BNEDER (Bureau national des études de développement rural), l’ONS (Office national des statistiques), le CENEAP (Centre national des études en économie appliquée), et des analystes tel que le regretté Mohamed Boukhebza, Djilai Sari, Ahmed Henni,…etc. Outre la destructuration et la marginalisation des éléments constitutifs de la campagne algérienne, cette aire géographique, en tant qu’élément physique, a aussi été non seulement relégué en second plan dans l’ordre de priorité des axes de développement du pays, mais, pire, a été malmené, agressé et conduit à ses extrêmes limites en matière de gestion de ressources biologiques et hydriques.

Réhabilitation des territoires et su savoir-faire local

En raison de la diversité des facteurs de dégradation des milieux ruraux, épuisant les sols et faisant fuir les hommes, la stratégie de revivification de ces espaces ne peut être que multidimensionnelle et multisectorielle. Le département ministériel chargé de ce secteur, en l’occurrence l’ancien ministère délégué au développement rural dépendant du ministère de l’Agriculture, a mis en place, depuis 2003, un ensemble de dispositifs de soutien au développement rural qui s’articulent autour du PNDAR (Plan national de développement agricole et rural). La formule des PPDR (Projets de proximité de développement rural) a été initiée avec cette philosophie de la vision d’ensemble qui est censée toucher tous les domaines de la vie rurale pour permettre une stabilisation des populations, le retour des habitants expatriés dans des conditions sécuritaires particulières, la création de nouvelles conditions de vie basées sur le désenclavement, la protection des sols contre l’érosion, le soutien aux métiers artisanaux, le soutien au développement agricole (arboriculture, amélioration des sols, élevage), la mobilisation des ressources hydriques (puits, forages, retenues, captage de sources), l’installation des services sociaux (santé, école, centres culturels) et des équipements publics (électricité, gaz,). Dans ce genre de projets décentralisés confiés aux différentes structures des wilayas, le problème crucial soulevé demeure l’intersectorialité qui est mal assurée. La coordination, pour piloter ce genre de projets se basant sur une nouvelle conception du développement, a, en effet, du mal à se concrétiser sur le terrain. Hormis les actions de type agro-forestier et, dans une moindre mesure, la petite hydraulique, les autres actions ont connu pratiquement des retards dans toutes les wilayas du pays.

L’évolution de la vision des responsables de ce secteur a fait que ces projets de proximité ont été améliorés sur le plan organisationnel pour devenir, à partir de 2007, des PPDRI (projets de proximité de développement rural intégré).

Des résultats satisfaisants à capitaliser

Parallèlement à ces Projets de proximité, l’Algérie a commencé à mettre en œuvre, à partir de 2004, un autre projet d’envergure sous l’intitulé de Projet d’Emploi Rural II, cofinancé initialement à hauteur de 80% par la Banque mondiale. Les accords de prêt, portant sur 90 millions de dollars, ont été conclus à Washington en juillet 2003 entre le gouvernement algérien et la BIRD. Depuis que le gouvernement algérien a payé par anticipation une grande partie de la dette extérieure du pays, ce projet est pris en charge totalement par un financement national. La réalisation du programme, étalée sur cinq ans, est confiée à la Direction générale des Forêts (sous tutelle du ministère de l’Agriculture). Ce projet touche six wilayas de l’Algérie du Nord (Centre et Centre-ouest) : Chlef, Aïn Defla, Tiaret, Tissemsilt, Médéa et Bouira, et cible essentiellement les zones de montagne et le flanc Nord de la steppe qui reviennent à ces wilayas. C’est en 2002 que les études préliminaires ont été initiées. Il s’agit principalement des approches modernes du monde rurale mises en place par les dernières analyses sociologiques basées sur la méthode participative. Des enquêtes-ménages et des focus-groups (discussions dirigées avec les populations) étaient menées sur le terrain par des agents forestiers encadrés par des sociologues et démographes. Le but étant de faire un check-up détaillé des conditions de vie des campagnards et, surtout, de connaître leurs besoins et les grandes tendances qu’ils manifestent à l’égard du travail et des activités rurales.

Ce projet (PER II) fait suite à un projet du même genre, dénommée PER 1, initié à l’Ouest du pays (Tlemcen, Sidi Bel-Abbès, Mascara, Aïn Temouchent, Mostaganem) ayant eu la même typologie de financement et d’approche des populations rurales. Sauf qu’à l’ouest du pays, le projet a souffert de la conjoncture sécuritaire du milieu des années 1990. Mais, les résultats obtenus sont loin de toute espérance. Aujourd’hui, des vergers et des vignobles commencent à produire leurs fruits, des milliers d’emplois y ont été créées et des actions de conservation du sol de grande envergure (reboisements, corrections torrentielles y ont été réalisées).

Dans les wilayas du Centre, les actions du projet ont connu leur démarrage sur le terrain au cours de l’année 2005. Les travaux sont maintenant à la phase d’achèvement hormis certaines actions à restructurer. Une étude d’évaluation est en train d’être réalisée par le BNRDER, y compris sur support filmé, pour juger de l’impact social et environnemental des actions engagées dans le cadre du PER II.

Les travaux réalisés portent sur le développement agricole (arboriculture fruitière, amélioration des sols par des actions de défoncement et d’épierrage), la mobilisation des ressources hydriques (retenues, forages, fonçage de puits, captage de sources, aménagement de points d’eau), la protection et la conservation des sols (reboisement, fixation des berges, corrections torrentielles, travaux sylvicoles) et la promotion de la femme rurale (modules d’aviculture, de cuniculture, d’apiculture et artisanat). Pour les six wilayas concernées par le projet en question, le défi à relever est la stabilisation des populations dans leurs villages et bourgades et la création d’emplois permanents et saisonniers. En outre, les responsables du ministère de l’Agriculture et du Développement rural escomptent aussi, à travers le PER II, installer une pédagogie de la participation des populations à construire leur destin. En plus de la participation à la conception des programmes, les ruraux ont également participé à participer à la réalisation physique des travaux sur le terrain. Il en est ainsi par exemple des plantations fruitières dont ils ont bénéficié : ce sont les bénéficiaires eux-mêmes qui ont procédé à la plantation une fois que l’entreprise a ouvert les trous et fourni les plants.

Amar Naït Messaoud

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