La virtuosité au bout des doigts

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L’art ne s’accommode guère d’approximation, du travail peu soigné, voire bâclé. L’art exige de la rigueur, du sacrifice et de la modestie, tremplin incontournable pour prétendre tutoyer la perfection. Tel est le credo de M. B qui franchit enfin, le pas pour gratifier à satiété son public d’une œuvre d’orfèvrerie que l’on écoute sans parcimonie. Les épris de la bonne musique en sont ravis et applaudissent l’initiative de cet artiste pointilleux et appliqué. M. B. cisèle le verbe, le toise, le façonne et l’embellit, avant de l’habiller non sans art d’une mélodie aux saveurs recherchées. Le tout orchestré avec une finesse et une maîtrise digne de ces maîtres auprès desquels il a toujours puisé ses inspirations. M. B ne chante pas, il sculpte, M.B ne fait pas de musique, il dissèque. Sa virtuosité n’échappe guère aux connaisseurs de la chanson kabyle chaâbie. Quadragénaire, né à Tagt-Azouz, M. B. a su allier avec une abnégation cartésienne les études et la musique. Son brillant parcours universitaire et sa fonction (accessoirement chirurgien) sont assurément les raisons de la sortie tardive de son album. La musique n’a jamais été son gagne-pain mais un sacerdoce, une passion qu’il affectionne avec amour mais aussi et surtout avec application. Très tôt, il s’est évertué à gratter une guitare de fortune.

Dès son succès à la sixième, il reçoit une guitare sèche en guise de cadeau.

Depuis, « Le gaucher » — qu’il est — n’a jamais cessé de travailler et de perfectionner la maîtrise du mandole, de la voix et de l’écriture.

Son adolescence fut la source de ses premiers textes sculptés à la manière et à l’aune de ses inspirateurs en l’occurrence, El Hadj M’hamed El Anka, Dahmane El Harrachi, El Hasnaoui, Cheikh Arav, Ezzahi, Hssissen, El Ankis… Quelques années plus tard, il est sollicité dans sa région pour animer des mariages et des spectacles à l’université…Son opiniâtreté et sa passion ont fait de lui un virtuose reconnu du mandole dans les environs d’Ath-Douala, vivier au demeurant, intarissable d’artistes de renom : Matoub, Cherif Hamani, Zedek Mouloud…

Mouh Bouhanik nous propose 7 titres dans son premier album intitulé « Yemma », que l’on écoute avec délectation tant cela nous rappelle la superbe musique d’antan. De « Yemma », titre à la fois poignant et émouvant sur la disparition de la mère adorée à « Hamelagh-kem » chanson dédiée aux cœurs meurtris en passant par « Tamughl-im », hymne à la beauté de la dulcinée ; les nostalgiques de la belle chanson ne peuvent que savourer ce produit de bonne facture. La thématique de cet opus est aussi éclectique qu’originale.

L’album sorti chez Zennadi Production est disponible chez les bons disquaires où on peut également l’écouter sur les ondes de la Chaîne 2 et Beur fm. Une émission lui a été consacrée par l’animateur vedette Kamel Tarwiht sur BRTV et sera rediffusée ces jours-ci à la demande des téléspectateurs. Des artistes de cette qualité redorent heureusement le blason de la chanson kabyle qui a tendance à friser ces dernières années, la lie de la médiocrité. A ce titre, nous disons merci l’artiste, merci Mouh Bouhanik.

Thin Hinan A.

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