Ainsi, le choix et l’établissement de nouveaux quartiers et de zones d’habitat seront soumis aux Plans d’aménagement et d’urbanisme (PDAU) dont sont censées être dotées toutes les villes et agglomérations. Il s’agit, comme le souligne le ministre Noreddine Moussa dans sa réponse le mois passé aux députés, de favoriser une mobilité des populations du Nord vers les Hauts-Plateaux et vers le Sud de façon à créer une équité en matière de chances de développement. Cela contribuera également, selon la vision du Schéma national de l’aménagement du territoire (Snat), à atténuer la charge démographique sur les régions côtières. Dans le cadre de la politique de soutien de l’État aux couches défavorisées, le ministre a aussi insisté sur l’importance de poursuivre l’effort entrepris dans la réalisation de l’habitat rural et de logement social. Cependant, pour combattre la fraude et le trafic dans les programmes d’habitat soutenus par l’État, le ministre fait état de l’élaboration d’un fichier national qui recensera l’ensemble des bénéficiaires.
Il faut dire, dans ce contexte, qu’un retard est enregistré dans ce domaine vu le nombre d’unités de logement déjà livrés depuis le lancement du premier plan quinquennal (PSSR) en 1999. Les pouvoirs publics ont fourni des effort considérables dans la satisfaction d’un besoin social primordial, mais les résultats sont en deçà des attentes. Le déficit, hérité de la colonisation, en logements et en habitat décent, est une donnée connue dans l’histoire contemporaine de notre pays. Cependant, à lui seul, ce déficit historique n’explique pas l’acuité et la permanence de la crise qui s’étend maintenant sur presque un demi-siècle. La problématique du logement et de l’habitat dans notre pays jette à la figure des gestionnaires et des responsables leur impuissance à gérer dans la rationalité et l’harmonie l’ensemble des segments de l’économie nationale : territoire, urbanisme, environnement, infrastructures de desserte, équipements publics, agriculture, zones industrielles, mobilité des populations, politique de l’emploi,…
Car, c’est connu depuis que l’homme s’est constitué en société, l’habitat – en tant que “nid’’ regroupant la cellule familiale, nucléaire ou élargie –, ne se crée et se fixe qu’autour des zones de production et de consommation, autrement dit ce sont le travail et l’emploi qui fixent les individus dans des espaces qui seront appelés par la suite des habitats. La répartition géographique de la population et sa mobilité inscrite dans l’espace et dans le temps charrient indubitablement des activités et des comportements spécifiques aux zones et espaces occupés.
Dilemme : offre/demande
Au cours du quinquennat 2005-2009, le programme du gouvernement a tablé sur la réalisation d’un million de logements. Les nouveaux chiffres donnés par le ministre de l’Habitat vont plus loin et se situent dans les 1,6 million d’unités tous programmes confondus. Mais au-delà du nombre d’unités d’habitations à réaliser – sous toutes les formules : sociale, promotionnelle ou rurale, imaginées par les autorités du pays –, jusqu’à quand la problématique du logement continuera à être appréhendée en termes exclusivement quantitatifs au détriment d’une vision globale qui intégrerait toutes les données du problème ? Multiplier le nombre d’unités de logements au rythme de la progression géométrique que connaît la démographie dans notre pays paraît un travail d’Hercule qui épuiserait toutes les én ergies nationales sans pouvoir satisfaire un jour la demande en la matière. En plus de l’impératif de diversifier les formules d’acquisition de logements par les ménages – en faisant intervenir des crédits immobiliers et d’autres formes de soutien –, il importe aussi de se pencher sur la manière dont se pose le problème du logement en Algérie et sur les raisons d’une demande astronomique concentrée en milieu urbain. Il y a lieu, dans le cadre du nouveau plan d’investissement public que compte lancer le gouvernement à partir de 2010 de réfléchir sérieusement à la problématique du logement, non seulement sur le plan technique (normes, matériaux et coûts, règles parasismiques,…), mais aussi sur le plan social et économique et dans une perspective d’aménagement du territoire rejoignant les réflexes de prospective générale que sont censés développer les gestionnaires et les décideurs du pays. C’est en quelque sorte la vision développée par le ministre devant l’Assemblée nationale lorsqu’il a insisté sur le souci de respecter le plan d’aménagement du territoire et les règles d’urbanisme. Depuis l’indépendance du pays, les gouvernants successifs ont lancé des programmes de constructions de logements sous différentes formules (logements sociaux, clefs en main, évolutifs, auto-construction, logements promotionnels, LSP, AADL, FNPOS, habitat rural…) faisant la jonction avec les programmes d’urgence conçus par le “Plan de Constantine’’ et lancé par les autorités coloniales à la veille de l’indépendance de l’Algérie. Des anciens petits villages coloniaux, situés généralement au milieu de vignobles ou de vergers d’agrumes, se sont vu pousser des excroissances anarchiques le long des routes et des pistes pendant les années soixante donnant lieu à des quartiers longilignes sans aucune esthétique et sans les infrastructures et équipements nécessaires qui en feraient des cadres de vie décents. Ce sont souvent des opérations menées à la hâte suite à une pression sociale grandissante qui ne vient pas de la simple démographie galopante des années 1960 et 1970, mais surtout de la grande mobilité de la main-d’œuvre algérienne se caractérisant par un exode rural massif. Le dépeuplement des campagnes était une conséquence directe du désintérêt des pouvoirs publics pour l’arrière-pays qui avait payé le prix fort pour l’indépendance du pays et de la politique d’industrialisation qui avait ciblé les banlieues des grandes villes.
Une répartition spatiale bancale
La projection du schéma d’aménagement du territoire s’articule autour de l’espace, de la répartition des population et de la gestion des ressources de façon à obtenir un développement rationnel, harmonieux et intégré qui s’appuie sur les vocations des sites et des régions, valorise les potentialités et domestique les contraintes. Bien que les structures administratives et les services techniques chargés de ce volet important de l’économie nationale aient été installés depuis longtemps, au même titre que tous les autres services ayant simultanément les attributs techniques et de puissance publique, l’action et l’efficacité sur le terrain laissaient à désirer particulièrement à l’ombre de la rente pétrolière, pendant les décennies 1970 et 1980 du siècle dernier, où aucune espèce d’imagination ou de créativité n’était exigée des cadres et techniciens qui étaient chargés de l’administration spatiale de l’économie nationale et des équilibres naturels basés sur la gestion rationnelle des ressources. L’une des grandes dérives de développement que l’Algérie des années 2 000 a héritée du processus de construction nationale après l’Indépendance est, aux yeux des aménagistes et des économistes, le déséquilibre de la répartition spatiale de sa population, des ses investissements et de sa gestion des ressources, ce dernier terme étant entendu ici dans son acception la plus large qui recouvre aussi et surtout le capital foncier. Même si la terminologie moderne impose son lexique – aménagement du territoire, développement durable, sauvegarde de la biodiversité – qui fait florès au sein des bureaux d’études et des départements techniques de certains ministères, les préoccupations relatives à la gestion des territoires ont accompagné les différents plans de développement des pays avancés et de beaucoup d’autres pays dits émergents. L’Algérie, qui s’est dotée depuis les années 1970 de structures administratives inhérentes à l’aménagement du territoire, s’est rapidement laissé griser par la rente pétrolière qui a permis une urbanisation effrénée et anarchique, suivie de pôles industriels autour de certains grandes villes. Cette situation a drainé des populations de l’arrière-pays montagneux et steppique au point que l’exode rural est devenu une réalité avec laquelle il faut compter dans tous les autres programmes de développement et particulièrement ceux inhérents à la construction de logements. Lorsque le programme d’habitat rural a été lancé au début des années 2 000, un certain flottement avait prévalu quant à la destination précise de ces infrastructures. Ce n’est qu’avec les projets de proximité de développement rural (PPDR) lancés en 2003 que le lien entre l’emploi, la source de revenu et l’habitat a été sérieusement pris en charge. En effet, dans certaines zones, pour n’avoir pas pris en considération ce paramètre, de jolis logements ruraux ont été transformés en résidence secondaire pour des propriétaires établis dans les grandes villes ou ont été loués à des exploitants de la région qui les ont transformés en étables ou hangars. La politique des projets de proximité a permis à des foyers ruraux établis dans des chaumières ou autres bâtis vétustes de bénéficier d’une maison décente dont le montant de soutien était de 500 000 DA révisé à la hausse, 700 000 DA, depuis deux ans.
En quête d’un nouvel équilibre
La politique du ministère de l’Habitat en matière d’équilibre régional basé sur une occupation rationnelle de l’espace rejoint les contraintes et les projections des différents secteurs dans leur souci de s’adapter et de se soumettre aux orientations du plan d’aménagement du territoire. En tout cas, tous les indices montrent un engorgement de la partie Nord du pays. La concentration des activités économiques y a créé des problèmes de circulation presque insurmontables (le nombre d’accidents de la route est dans ce cas un des indices majeurs) d’autant que le réseau du chemin de fer n’a subi aucun changement depuis l’époque coloniale, se réduisant presque à l’unité maghrébine ligne Oujda-Tunis. D’autres problèmes d’infrastructure et d’équipement annoncent une asphyxie prochaine de la bande littorale (AEP, décharges publiques, réduction drastique de réserves foncières pour les programmes d’équipement,…). La devise d’“équilibre régional” arborée pendant des années – sous couvert de plans quadriennaux et de plans spéciaux – est, on en convient aujourd’hui, un slogan creux qui ne servait que de façade politique à des clientèles qui se disputaient le lobbying dans les hautes sphères du pouvoir. Aujourd’hui, la politique nationale du logement semble bénéficier d’un regard et d’une stratégie plus rationnels au vu des nouvelles orientations du ministère de l’Habitat révélées au cours de la séance des questions orales à la dernière session de l’APN. Il y est fait état de la construction de 1,6 million d’unités dont 35 % ont été réalisées dans les zones rurales et 13 % dans la région sud du pays. Le reste du nouveau parc logement étant situé dans la région Nord.
Amar Naït Messaoud