Les vicissitudes de la vie

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2e partie et fin

Après avoir rejoint la forêt pour se mettre à l’abri, les cent frères continuent leur marche forcée, jusqu’à apercevoir au loin une fumée. L’aîné décide d’aller voir seul, peut-être qu’il trouvera de quoi manger. Sur les lieux dans une chaumière, il trouve une vieille femme en train de cuire de la galette. Quand il s’adresse à elle, elle sursaute, il la rassure et lui dit :- J’ai faim et mes frères aussi, c’est l’odeur de la galette qui m’a attirée.- Que fais-tu seule au milieu de cette forêt ?- Je me suis réfugiée ici, depuis qu’une jument a dévoré toute ma famille et les habitants de la cité.- Mais une jument n’est pas carnivore à ce que je sache !- Celle-là, l’est devenue !- C’est étrange, comment est-ce arrivé ?- La jument porte dans ses naseaux sept vers, qui lui rongent les tissus, quand ils se mettent à grignoter, elle devient folle et tue à coups de sabots !Pendant qu’elle lui raconte sa mésaventure, les galettes sont cuites. Elle prend une et l’offre au jeune homme. Il rit, et lui dit :- Cette galette je dois la partager en cent parts égales, chacun de mes frères devra manger une part !- Cette galette suffirait peut-être pour toi, mais jamais pour cent ! Mais si tu veux, je vais t’indiquer un endroit où tu pourras trouver de la semoule à profusion. Si tu m’en ramènes, je ferais cent galettes.L’aîné des cent frères suit les conseils de la vieille. Il lui rapporte la semoule demandée, elle lui prépare les galettes, et les lui remet.Arrivé à l’endroit où il a laissé ses frères, il trouve tout le monde en effervescence. Le plus petit de ses frères a été enlevé par un chacal. Aussitôt informé, il s’arme de sa massue et suit les traces du chacal, dès qu’il le trouve il le tue. Une fois tous les frères réunis, il remet à chacun une galette et leur dit :- Mangez avec parcimonie, je vais vous laisser sous le commandement de mon Puîné, moi de mon côté j’irai visiter la contrée pour vous chercher à manger et, une maison pour habiter.Après ces recommandations, l’aîné quitte ses frères et revient vers la vieille pour se renseigner plus amplement à propos de la jument. Il apprend que le quadrupède sévit dans un bourg et qu’il se désaltère à une source située à la sortie est. Il n’a qu’à se rendre là-bas, faire le guet et verra de ses propres yeux l’animal fabuleux à la tête d’une horde de chevaux.Nanti des indications voulues, l’aîné des cent frères se rend près de la source et attend. Fatigué, il s’assoupit un peu, quand tout à coup il est réveillé par des hénissements de chevaux. Caché derrière un buisson, armé de sa massue, il attend que la jument se mette à boire l’eau pour la frapper.- Dès qu’elle reçoit le premier coup, un gros ver lui sort du nez. La jument recule, se cabre et s’adresse à son agresseur : – Laisse-moi boire je t’en prie, c’est le seul moment de plaisir que j’ai !- Ne l’écoutant pas, le jeune homme lui donne sept coups de suite, et le miracle se produit. Tous les vers lui sortent du nez. Se sentant soulagée, la jument lui dit :- Je te remercie de m’avoir débarrassée de ces maudits vers qui me rongeaient et me rendaient folle. A présent tu es mon seigneur et maître. Commande et j’obéirai !Monté sur la jument, l’aîné des cent frères se rend chez la vieille, pour lui dire que la jument est domptée, et qu’elle peut désormais rentrer chez elle. Tout danger est écarté.C’est ainsi que la vieille et les cent frères réinvestissent l’ancien bourg auquel ils redonnent vie. Les habitants qui se sont enfuis reviennent chez eux rassurés. Après avoir vécu de longues années, l’aîné des cent frères les réunit un jour et leur dit : – Je suis atteint d’un mal qu’on nomme nostalgie, et je crois que vous aussi. Si vous êtes d’accord nous allons retourner auprès de nos parents, si nous avons de la chance, ils sont encore vivants !Approuvé à l’unanimité, tous les frères décident de la date du départ. Et, c’est ainsi qu’un jour, les cent frères arrivent chez eux, montés sur cent chevaux et chacun accompagné d’un cheval lourdement chargé. Ils entourent la demeure de leurs parents, qui n’en croient pas leurs yeux. Ce sont bien leurs enfants, qui sont devenus tous des hommes maintenant.Après de chaleureuses effusions, les bêtes sont déchargées et attachées.L’arrivée insolite de cent cavaliers et de cent chevaux chargés ne passe pas inaperçu. Les espions du roi les ont déjà repérés. Dans quelques instants il sera informé. Quand on lui dit qu’il s’agit des cent frères qu’il avait jadis condamnés à être enfermés dans des sacs et jetés à la mer. Submergé par l’ire contre ses sicaires, il demande leur mort sur le champ, pour ceux qui sont encore vivants. Pour parer au plus pressé, le roi, à la tête de son armée attaque les cent frères, mais ces derniers aguerris par les vicissitudes de la vie, ripostent avec fermeté. Au cours d’un combat acharné, l’aîné des cent frères tue le roi, ainsi que ses frères plusieurs soldats. Une fois les hostilités terminées, l’aîné des cent frères prend possession du palais. Comme le roi était inique envers ses sujets personne ne le pleura. C’est à l’unanimité que l’aîné des cent frères est désigné pour lui succéder. Marqué par la vie, en devenant roi, l’aîné des cent frères régna en homme juste durant de très longues années.

Benrejdal Lounes

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