“A notre époque, on jouait pour les couleurs du club”

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Rubrique animée par Hamid Oukaci

La Dépêche de Kabylie : Pour commencer, comment êtes-vous venu au monde du football ?

Mustapha Rafai : Comme tout jeune de mon époque, j’ai commencé à taper dans la ballon dans mon quartier à la Haute ville, on jouait entre copains dans des terrains vagues ou au stade de tennis qui est devenu actuellement le stade du 1er Novembre ; je pratiquais aussi le football à l’école primaire ; au début, nous avions un enseignant français qui nous laissait une demi-heure chaque jour pour s’adonner à notre sport favori, ensuite M. Rabah qui était notre prof. d’arabe a formé une équipe de football scolaire, et c’était une opportunité pour nous, de jouer plusieurs matchs contre des établissements de la ville de Tizi Ouzou.

Comment aviez-vous intégré la JSK ?

Juste après l’indépendance, la JSK a ouvert un secrétariat du club à la ville de Tizi Ouzou, donc je me suis rendu là – bas, avec Karamani pour signer au club, à l’époque, je me suis inscrit en 1re année cadet, mais j’ai joué directement en junior, avant même la fin de la saison 62-63, j’ai disputé quelques matchs amicaux avec les seniors. La saison suivante soit celle de 63-64, l’entraîneur Hassoun m’a intégré en équipe seniors malgré mon jeune âge, car, j’étais en 2e année cadet, je veux juste rajouter un point sur ce sujet en rendant un vibrant hommage au défunt Hassoun, qui a eu le courage de faire monter tous les jeunes en l’espace de deux années, d’ailleurs, durant la saison 64-65, on était considéré comme la plus jeune équipe du championnat national, et c’est justement, cette même équipe qui a fait accéder la JSK dans l’élite du football national.

Quelle était l’ambiance qui régnait au sein du groupe à votre époque ?

Tout simplement extraordinaire, on vivait dans une vraie famille, on se respectait mutuellement, le plus important pour nous, était de gagner et faire plaisir à nos supporters, on aimait les couleurs du club, et on était prêt à mourir pour les défendre ; sans oublier l’entente qui régnait au sein des joueurs parce qu’on se connaissait très bien, étant donné qu’on a joué ensemble à l’école, dans le quartier et dans les catégories jeunes de la JSK.

Malgré cette force, mais vous avez mis du temps pour accéder en Nationale Une. Quelles en sont les raisons à votre avis ?

Je dirais simplement qu’on manquait d’expérience durant les premières années, car étant jeunes et des fois, on ne savait pas comment gérer certains matchs, il y avait aussi — il faut le dire — des méthodes extra sportives que tout le monde connaît, qui ont freiné notre accession, mais avec le temps, nous avions su comment se surpasser et franchir ces obstacle afin de mettre la JSK sur orbite.

A qui revient le mérite de cette performance ?

A mon avis, toute la famille de la JSK partage ce mérite, grâce aux sacrifices de tout le monde, à commencer par les joueurs qui ont défendu dignement les couleurs du club, sans contrepartie, en passant par les dirigeants et les entraîneurs qui se sont succédé ; pour ces derniers, je veux citer les noms de Allouche en catégorie jeunes, Hamoutène en seniors ensuite Said Hassoune qui a formé la plus jeune équipe du championnat national. Juste après, on a enregistré la venue de liner qui a porté un plus pour le club, avant que Defnoune ne vienne nous entraîner aussi, Ben Fedda qui est venu d’Alger et qui a finalisé le travail en faisant accéder la JSK. A l’époque de Ben Fedda, l’équipe a pris de la maturité et il a su comment nous motiver et nous responsabiliser sous sa houlette, d’ailleurs il était très proche de nous, en s’installant à Tizi Ouzou avec sa famille, je me souviens qu’on faisait des entraînements à 5 heures du matin en hiver, soit dans la forêt ou dans les rues de la ville alors que tout le monde dormait.

Durant votre carrière, quelle était la rencontre qui vous est restée en mémoire ?

Vous savez à notre époque, chaque fois, on jouait de grands matchs mais je dirais que le rencontre que nous avions joué contre le MSP Batna sur son terrain fétiche, restera l’une de nos meilleures performances, tout d’abords parce que l’équipe locale était imbattable sur ses bases et surtout la pression terrible du stade de Batna qui était archicomble. Je me souviens aussi du geste de fair-play du joueur batnéen, en l’occurrence, le capitaine d’équipe Melaksou — que je salue au passage —, après l’agression de l’un de nos joueurs, l’arbitre a laissé jouer la rencontre, avant que Melksou n’intervienne auprès de son entraîneur pour faire sortir l’agresseur. A la fin de la rencontre, nous avons gagné par deux buts à zéro grâce à la grande performance de notre gardien de but Boubekeur.

Quels sont vos meilleurs souvenirs avec la JSK ?

En réalité, j’avais beaucoup de bons souvenirs durant les douze années que j’ai passé avec la JSK. N’oubliez pas, que j’ai commencé à jouer dès l’âge de 16 ans avec des joueurs de l’âge de mon père, à l’image de Amar Haouchine les frères Koufi, Tahar Abbes, Hacene Baidi, et c’était un honneur pour moi, ensuite il y avait les deux accessions historiques et enfin ma convocation en équipe nationale durant l’ère du duo Zouba et Ben Tifour.

Et vos mauvais souvenirs ?

J’avais deux mauvais souvenirs qui m’ont vraiment marqués, le premier c’était lors, d’un match de championnat contre Boufarik, où mon père était agressé, je me souviens qu’il se faisait soigner dans les vestiaires ; Durant la mi-temps, les dirigeants de la JSK sont venus pour me parler, afin que je ne voie pas mon père dans cet état ; le deuxième mauvais souvenir, c’était lors d’un match du championnat à Chlef où on a été agressé, j’étais même lynché et hospitalisé dans un état comateux, alors que mes coéquipiers sont sortis escortés par la Gendarmerie jusqu’à la sortie de la ville.

En quelle année, aviez-vous quitté la JSK ?

J’ai mis fin à ma carrière durant la saison 1972-1973, malgré que j’ai été encore jeune et je n’avais même pas bouclé mes 27 ans, j’ai préféré laisser ma place propre parce que j’ai remarqué qu’il y avait beaucoup de changements au sein du club, d’ailleurs, la majorité des joueurs de ma génération ont quitté le club à cette époque-là.

Mais, vous n’avez pas quitté définitivement le monde du football ?

Effectivement, l’année d’après, j’ai obtenu mon diplôme d’entraîneur 1er degré, j’ai pris en main les juniors de la JSK, avant de revenir sur les terrain comme entraîneur-joueur à l’ASTO en 1974-1975, ensuite, j’ai pris plusieurs responsabilités comme président de ligue de hand-ball en 1978 et président de ligue de football de 1980 à 1983, j’ai entraîné aussi la formation de Draâ Ben Khedda, ensuite j’ai quitté définitivement le monde du football, avant de revenir en 1991, comme membre du bureau de la JSK ; entre temps, j’exerçais toujours comme fonctionnaire à la wilaya et à l’APC de Tizi Ouzou où j’ai pris ma retraite en 1995.

Quelle est la différence entre la JSK de votre époque et celle d’aujourd’hui ?

Je vous signale d’abord, que je suis un membre actif de l’assemblée générale du club donc, je suivais toujours ses résultats, quoique je n’y me rendais pas souvent au stade. Pour revenir à votre question, je dirais tout simplement que la différence réside dans l’état d’esprit et la mentalité des joueurs, car à notre époque, on jouait pour les couleurs en se défonçant à fond sur le terrain, sans penser à rien, contrairement aux joueurs actuels qui ne pensent qu’à leurs carrières.

Un dernier mot pour conclure ?

Tout d’abord, je souhaite que le JSK puisse reprendre sa place d’antan et son aura pour être toujours parmi l’élite du football national voir même Africain. En ce qui concerne l’équipe nationale, je souhaite qu’elle fasse un parcours honorable lors de la Coupe du monde et enfin, je profite de cette opportunité pour saluer tous mes anciens coéquipiers et tous ceux que j’ai croisés sur les terrains.

H. O.

Pour vos contactes itranddk@yahoo. fr

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