Sortie de son album musicothérapeutique

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Après une longue absence de presque quinze ans, le chanteur Ahcène Djerbal dit Ahcène l’oiseau revient sur la scène artistique avec un nouvel album émouvant sorti dans les bacs le 5 mai 2009. Cette nouvelle production, qui s’inscrit dans le genre Chaabi kabyle fera sûrement plaisir à ses milliers de fans qui l’ont tant attendu mais aussi incité à revenir en mettant sur bande de belles chansons dont il leur faisait toujours la confidence lors des fêtes et galas. Le chanteur a gagné l’estime de son public car il véhicule, par la chanson, à la fois la sagesse, la moralité et la pudeur ainsi que le désir de dire ses sentiments et de les exprimer en chansons. D’aucuns lui reconnaissent qu’il était le précurseur de la chanson sonorisée dans son village où, depuis les années 1971, il faisait rêver les jeunes et les moins jeunes lors des fêtes familiales. Doté d’un style personnel incontestable, Ahcène l’oiseau s’inspire des anciens cheikh du Chaabi kabyle tels que Ahcène Mezani, Mohand Said Oubelaid et Akli Yehiaten qu’il interprète avec un timbre vocal très distinct sans compter l’intemporalité de ses œuvres personnelles puisées d’un terroir profond ce qui les rend perpétuellement très demandées même si elles ne sont pas trés diffusées sur les ondes de la radio ou de la télévision, elles demeurent accessibles au grand public car ils les chante à chaque fois que l’occasion se présente.

Depuis le début de sa carrière artistique, Ahcène L’oiseau a toujours voulu suivre un chemin atypique que ce soit dans le Chaabi ou la variété kabyle où la force du verbe ainsi que que la métaphore « lmaana bwawal » reste l’une des plus grandes vertus de la chanson populaire algérienne en accordant autant d’importance au verbe (leklam) qu’à la musique.

Qui est Ahcène L’oiseau ?

Ahcène L’oiseau de son vrai nom Ahcène Djerbal est issu du village d’Ait-Hague appartenant à l’Aârche Nath Irathen; Ce village, qui a enfanté le talentueux Doucène Mohand Rachid dont les chansons retentissent toujours sur les ondes de la chaîne II ainsi que Djellal kamal qui a fait ses débuts avec lui comme bras droit, sans oublier Doufene Rachid l’auteur compositeur et créateur du groupe Tissas. Son nom d’artiste « l’oiseau » il l’a hérité « digne et fier » de son père tombé en martyrs au champs d’honneur durant la révolution algérienne. Ce nom enchanteur lui a été collé depuis ses débuts dans la chanson les années 1970 où il était encore tabou de chanter mais sa passion musicale dépassait tous les préjugés car on ne peut pas empêcher l’oiseau de chanter! Il a marqué, rien que par la chanson dans les fêtes familiales, des centaines voire des milliers de jeunes issus du village et la région avec ses beaux airs de fête au début des années 1970 jusqu’à 1990 inaugurant le spectacle vivant dans les villages-une véritable révolution à l’époque- où les plus beaux jours des fêtes artistiques acoustiques sonorisées avaient commencés surtout durant les fêtes familiales et les concerts organisés de temps à autre pour les célébrations.

L’album du courage et de l’espoir…

Ahcène l’oiseau n’a pas beaucoup enregistré; après son premier album sortie les années 1990, il revient avec un nouvel opus sorti il y a moins d’un an et le peu que l’on puisse dire est que ce CD est le fruit du grand courage de l’artiste atteint d’une insuffisance rénale aiguë mais il garde beaucoup d’espoir; Aujourd’hui la maladie l’handicape un peu vu la lourdeur du traitement qui lui est imposé mais ne l’empêche pas de pratiquer sa passion musicale avec beaucoup de courage et de détermination enregistrant les six titres de l’album entre deux séances d’hémodialyse.

Dans ce nouvel album le chanteur traite des sujets liés à la société comme l’amour (Ussan nni, Tezzemdyi immigarru) où il décrit l’amour inaccessible dans un village kabyle où les traditions sont fortes et le retour en songe vers les beaux souvenirs du passé comme remède, décrivant les jours heureux et plein de bonheur passés avec une bien aimée mais aussi la souffrance engendrée par la séparation. La trahison et l’immoralité dans la société sont également évoquées par l’auteur compositeur notamment dans la chanson(Axxi laabad nelweqta). Le chanteur n’omet pas de traiter l’actualité en parlant du mouvement citoyen de 2001 (Achal igaghlin ditri) en rendant hommage aux martyrs du printemps noir sans oublier de citer Matoub Lounès qui, dit-il, est le premier à ouvrir la liste et tomber au nom de la liberté.

Achal igeghlin ditri

Di la Kabylie

Feldjal im itilelli

Yiwen delwennas

Ighedren sersas

Widak urnugad rebbi

Mais le thème majeur abordé par l’artiste est justement sa maladie, qu’il traite sans tabous décrivant l’enfer de la machine infernale de purification du sang et la difficulté de trouver une greffe dans un pays où le don d’organe est encore tabou.

A travers « Llah llah aqlagh nehlek », cette chanson émouvante, le chanteur pousse un soupir et un cri au nom de tous les dialysés qui souffrent de cette maladie qui consiste en la perte du fonctionnement des reins et qui nécessite un traitement lourd avec ses gestes évasifs comme la pose de cathéler mais aussi l’hémodialyse cette machine qui purifie le sang et dans laquelle il est contraint de passer trois fois par semaine durant quatre heures.

Allah allah aqlagh nehlek

Yella rebbi aghisellek

Allah allah aqlagh neffud

yella rebbi aghyefk afud

Attane netgezzal yewaar

Ayatma uyisgan ara

Ayemma udmiw yekgser

dgi urdegwri ssifa

Aqli cuvagh amesmar

Sister tezwyi ssura

En exorcisant toutes ses souffrances et en les racontant, le chanteur se fabrique surement une forme de musicothérapie qu’il adopte afin d’apaiser ses souffrances par la musique d’ailleurs il est bien conseillé par les médecins d’écouter de la musique pendant les séances interminables d’hémodialyse.

Aujourd’hui l’oiseau continue toujours à chanter et à nous enchanter malgré sa maladie dont la lourdeur se sent un peu dans sa voix mais il ne perd pas son diapason car il nous prouve encore une fois qu’en dépit de sa maladie, il est capable de nous donner de la joie et de la bonne humeur car l’espoir d’une greffe qu’il souhaite vivement, reste toujours vivace, en attendant il se fait une thérapie par la musique, comme disait Beaumarchais : Tout finit par des chansons

Djillali Djerdi

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