Boulezazène (Melbou) / Les villageois doivent s’organiser

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Le village de Boulezazène, un des plus anciens de la commune de Melbou, souffre à ce jour, d’un manque flagrant et criand en matière d’infrastructures de base. L’état des routes, l’alimentation en eau potable ainsi que les espaces de loisirs pour les jeunes et les moins jeunes sont défaillants quand elles ne sont pas tout simplement inexistants.

Une investigation sur le terrain nous a permis de relever certains points de vue des citoyens mais surtout de décrire leur mode de vie, leurs aspirations et leur chagrin.

Sans eau potable depuis 5 ans

On déplore en effet le confort depuis plusieurs décennies. A commencer par le problème de l’eau potable. Ce précieux liquide demeure, à ce jour, inexistant depuis 5 ans de cela. Cette situation met la population dans une grande difficulté notamment en cette période de canicule. Les habitants sont désormais inquiets de passer encore un Ramadhan sans eau. ‘’C’est maintenant la cinquième année que nous sommes privés de cette matière vitale sans déranger qui que ce soit. Hormis quelques réclamations de la population au début de la pénurie (mars 2006). Même si un grand projet a été arraché pour notre village, sa gestion a été catastrophique que ce soit par l’APC ou par la population. Le facteur de temps n’a jamais dérangé’’, peste un habitant. Et d’ajouter : “Il y a trop d’hypocrisie dans cette affaire. D’abord, de la part des autorités qui ne se sont pas donné la peine de régler ce problème à temps. Et d’autre part, des citoyens qui continuent à compter sur leurs propres moyens ou sur les voisins pour régler ce déficit. C’est un silence complice dont ils ne mesurent pas les conséquences : bientôt ils demanderont un hôpital pour soigner les effets des sources et forage illicites’’. Ayant pourtant bénéficié d’un important projet d’alimentation en eau potable, le village ne boit toujours pas à sa soif, et ce depuis plus de 5 ans. Lancé en 2008, le projet n’est encore pas achevé pire, les travaux sont à l’arrêt « jusqu’à nouvel ordre ». Hormis les deux réservoirs d’eau qui sont réalisés en haut du village, la distribution de l’eau n’est encore pas faite. Cela va certainement prendre du temps puisque les branchements, n’ayant pas servi depuis de longues années, devront être changés.

“S’il vous-plaît, dites aux autorités que je suis fatigué des va-et-vient que je fais matin et soir pour remplir une bouteille d’eau, chez mes voisins. Je veux de l’eau dans ma cuisine. Je ne peux plus me déplacer’’, lance une femme d’El collège.

Ainsi, pour le réseau routier, l’état des routes laisse à désirer et comme disent les habitants de ce village : “Entre un nid-de-poule et un autre nid-de-poule, il y a un nid-de-poule’’.

Quand les travaux d’aménagement de la déviation de la route nationale N°43 ont débuté les habitants pensaient que le 1,5 km qui reste du tronçon Boulezazène-M’saâda allait être pris en charge et mettre fin à leurs 26 ans d’attente, hélas, rien de cela n’est arrivé. L’APC a prétexté que le budget concernait uniquement le tronçon pont d’Assif Aguerioun- Tiksert qui fait office de déviation de la route nationale N°43. ‘’ L’APC est restée passive aux attentes des citoyens en ce qui concerne cette affaire : ils auraient pu décrocher une extension Boulezazène-M’saâda, c’était une occasion en or pour développer notre région’’, lance un autre habitant, visiblement mécontent. Pour l’assainissement, les promesses de changer la fosse septique dudit village ne sont pas faites par les autorités. Pour rappel, la fosse en question, desservant tous les rejets domestiques des habitants, est saturée et déborde à ciel ouvert, créant par cela un danger sur la santé des riverains et à l’environnement.

Des idées sur le développement économique et social

L’activité économique est un sujet tabou : c’est une affaire personnelle concernant chaque citoyen, c’est comme si l’on demandait à quelqu’un de nous montrer sa fiche de paie.

Dans ses dires, un habitant, avait proposé des idées très originales sur les possibilités d’un développement économique et social. “On a essayé de me contacter après les élections mais, je refuse de coopérer….J’ai proposé une berge d’Oued pour Boulezazène et la création d’une nouvelle cité sur un terrain forestier vu le développement démographique que connait la région. Cela permettra le développement du tourisme et de l’agriculture dans ce village’’.

Certains estiment que le problème de Boulezazène est dû au manque d’assiettes de terrain et que tout est forestier, le reste est privé. Pour d’autres, ceci n’est pas une excuse. ‘’C’est un problème d’intelligence, de volonté et de sincérité. Les terrains forestiers appartiennent à l’Etat, donc ils peuvent être cédés à l’APC. Les terrains privés peuvent servir la collectivité pourvu que cesse l’égoïsme. L’ouverture d’une piste par un terrain privé transforme des terres abandonnées et inutiles en terres productives et utiles. Le désenclavement est dans l’intérêt de tout le monde. Un jour nous ne trouverons pas où mettre une pierre. Aussi, les autorités doivent penser aux moyens nécessaires pour mettre en valeur les trésors naturels dont jouit notre région’’.

Sport et loisirs : un rêve qui date depuis des décennies

Le manque de structures de loisirs laisse les plus éveillés penser à une véritable inconscience collective. “Que font nos enfants pendant les vacances et leur temps libre ? Jouer au ballon !? Non, c’est insuffisant. Ça ne développe rien ça ! Nous sommes en 2010. L’éducation est désormais très complexe et le hasard n’est pas permis. Le sport, l’art, l’informatique les langues sont indispensables pour les enfants. Où en sommes-nous dans tout ça ? Nous voyons des aires de jeux, des salles d’activité des associations sportives et éducatives se multiplier comme des champignons ça et là mais chez nous rien n’a été fait. Les parents doivent changer de mentalités et chercher de nouvelles méthodes à mon avis’’, nous dira un père de famille.

Pour ce sujet, un habitant de Boulezazène pense qu’il y a un manque d’organisation. Selon lui, il y a eu des tentatives d’organisation sous forme d’associations, dans le passé mais les luttes partisanes, le manque d’expérience et surtout les égoïsmes individuels ont eu raison de celles-ci. La solution serait, selon lui, “dans la création d’associations spécialisées et la formulation d’objectifs clair et réaliste et surtout le choix des groupes et la limite du nombre de ces éléments’’.

‘’Je suis encore du même avis : Le P/APC travaille seul et ne cède rien pour notre village. Ils ont implanté une salle d’activité à Tassefsaft, un très petit village où même son école primaire est sur le point de fermer alors que la priorité est à Boulezazène. Au début, les services de l’APC ont déclaré qu’il n’y a pas de terrain pour programmer une salle d’activité au profit de nos enfants. Nous lui en avons cité un à côté de l’école primaire et ce n’est qu’aujourd’hui que le projet a vu le jour’’. Pour rappel, Boulezazène vient de bénéficier d’un important projet de réalisation d’une salle d’activité et qui sera implanté à proximité de l’école primaire, dont les travaux son déjà lancés. Pour un autre, c’est le contraire qui se passe. ‘’Le jour où ils sont venus aménager l’aire de jeu on les a empêchés de passer. C’était les militants d’un autre parti. Résultat : l’air est dans un piteux état !’’.

C’est, en fait, la cohésion sociale qui fait défaut. Le village n’a jamais connu une aussi forte démographie que ces deux dernières décennies. Il y a eu une arrivée en masse de familles venant de quartiers, villages et communes limitrophes. Ceux-ci, regroupés selon leur appartenance familiale ou tribale formant une sorte de micros communautés, se sont renfermés sur eux-mêmes communiquant peu et mal, se jetant même le préjudice à certaines occasions. Cet état des faits auxquels s’ajoutent l’individualisme et l’égoïsme personnel ont accentué l’intolérance et la concurrence empêchant ainsi toute chance d’émergence d’une quelconque organisation efficace. Nous devons commencer par s’accepter, communiquer et faire confiance.

De son côté un autre interlocuteur estime que les choses sont simples : “Quand nous avons voulu célébrer le Printemps berbère, nous l’avons fait et à plusieurs reprises. C’est tout le monde qui s’y est intéressé. Toutes les barrières sociales étaient tombées et la cohésion était totale hormis quelques détails. Dommage, il ne fallait pas s’arrêter là. Il fallait organiser les choses à chaud. Donc, il suffit de rééditer cette expérience pour réactiver les choses’’.

Santé : L’AMG fermé depuis une année

Au moment où on demande l’amélioration des salles de soins ailleurs, les habitants de ce village réclament, l’ouverture de l’antenne de médecine générale (AMG), qui, à ce jour, demeure fermée, et ce depuis une année. L’infirmière, chargée d’y assurer des soins, a cessé d’y travailler pour des raisons qu’ignorent les habitants qui demandent, entre autres, des éclaircissements. Il importe de signaler que cette unique infrastructure de santé dans la région, accueillait un grand nombre de patients, issus des hameaux éloignés qui trouvent des difficultés à se déplacer au chef-lieu communal ou à Souk El Tenine. “Cette salle de soins est très fonctionnelle, et occupe une place importante, en matière de soins prodigués particulièrement aux personnes âgées et les femmes. On s’y rend pour des premiers soins, des injections et autres services. Aujourd’hui, sa fermeture nous pénalise tous. Au lieu d’assurer des journées de consultation chez des généralistes et des spécialistes, comme c’est le cas dans le passé on la ferme ? Pourquoi ?’’ Déclare avec amertume, un habitant.

A quand l’ouverture de la mosquée ?

On réclame par ailleurs l’ouverture de la mosquée du village. Achevée et fin prête, elle n’attend que l’arrivée de l’Imam. Il importe de rappeler que ladite structure fonctionnera uniquement en période du mois sacré faute de moyens de transport pour se déplacer au chef-lieu communal. Des mesures nécessaires ont été prises par l’association religieuse du quartier, pour assurer, entre autres, une bonne organisation. Enfin, si les opinions divergent quant aux raisons de cette situation, elles convergent toutes vers la même direction. En ce qui concerne la solution : il est urgent de mettre de côté toutes les considérations personnelles et de s’unir pour l’intérêt collectif, et surtout pour l’avenir des nouvelles générations. « Il faut tout un village pour élever son enfant », dit le proverbe.

Reportage réalisé par Mounir Outemzabt

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