On ne peut parler de la commune de Ahnif sans évoquer Thamellaht. Ce village dont est issue le Aârch n Yimellahen constitue un repère historique non seulement pour les habitants de cette commune mais aussi pour ceux des communes avoisinantes.
Etymologiquement, parlant, Thamellaht nous renvoie à “l’Melh” qui signifie sel. Effectivement, la dénomination repose bel et bien sur l’existence de deux grands bassins d’extraction du sel.
Et pour mieux nous infoirmer sur l’histoire de ce village, nous nous sommes rapprochés d’un des membres de la commission histoire et archéologie du village de la wilaya de Bouira ; natif de ce même village, Kaci Alem en l’occurrence, nous a éclairé sur plusieurs aspects ayant trait au passé prestigieux de ce bourg.
Du point de vue géographique, Thamellaht relève de la commune de Ahnif dans la daïra de M’chedallah à quelque 40 km à l’est de la ville de Bouira.
Selon notre source, c’est au début du deuxième siècle que les houtama qui habitaient les régions du Sahel ont débarqué dans cette localité eu égard à sa situation géographique stratégique ainsi qu’aux richesses minières qu’elle referme. Deux grandes sources en eau potable ont été découvertes, la première située au sud du village et la seconde du côté ouest.
Ce qui a attiré plusieurs familles à s’y installer pour former par la suite, une sorte de cité où, aux environs de l’an 1600, a eu lieu la construction d’une mosquée à deux étages, une épicerie, deux moulins à blé et cinq huileries. Et comme à l’époque l’agriculture et les échanges commerciaux étaient les seuls créneaux d’activité les habitants de Thamellaht reposaient leurs activité commerciale sur deux phases. La phase hibernale :
Ils accueillent dans leur village les citoyens des localités avoisinantes qui affluent à la recherche de l’huile d’olive et autres produits agricoles, tels que le blé et l’orge.
La phase estivale est connue par le déplacement des habitants de ce village vers d’autres destinations à l’effet d’écouler les grandes quantités du sel extrait et traité.
Et par la même occasion, faire leurs emplettes en différents produits saisonniers non disponibles dans leurs localité.
Imellahen et la période coloniale
L’invasion de l’Algérie par le colonialisme français en 1830 n’a pas laissé Imellahen rester dans l’expectative et subir dans le silence les désagréments de la présence de l’étranger ; bien au contraire, ils ont riposté avec ardeur et courage et ont rejoint Cheikh El Mokrani pour combattre à ses côtés. L’oued Sahel fut alors le théâtre de plusieurs combats menés contre le colonialisme.
Au fil du temps, ce village enregistre une extension pour voir naître d’autres bourgs à l’image de Tilsray, Ighil N At Ameur, Tamezyabt, Ighil n At Rayou, Bour Lmal et Ighzer Oumezyab. La décentralisation du village-mère fut une idée stratégique qui va dans le sens de s’organiser en plusieurs fronts contre l’occupant. Au début du déclenchement de la guerre de la révolution, l’adhésion des villageois à la cause nationale a été faite d’une manière naturelle. La structuration du bon nombre de ces derniers au sein de l’association des Oulémas de Ben Badis a été une préparation pour un engagement dans la lutte armée. L’endroit, vu sa situation géographique, n’a pas échappé aux yeux du colonialisme dans lequel il a renforcé ses troupes. Nonobstant la présence des soldats français, Thamellaht a été le lieu privilégié des Moudjahidine et fut leur poste de commandement où des réunions s’y tenaient régulièrement. Selon toujours notre source, ce village a eu l’honneur d’accueillir à plusieurs reprises la visite du colonel Amirouche qui s’y rendait en raison de la discrétion et la vigilance dont jouissent les habitants. La riposte du colonialisme a été des plus coriaces car non seulement il a torturé et emprisonné les civils mais aussi a détruit quatre villages.
Durant cette dure épreuve, Thamellaht a sacrifié pour le recouvrement de la souveraineté nationale ses meilleurs enfants et 100 martyrs sont tombés au champ d’honneur. Au sein même de ce village qui constitue un transit pour les combattants, plus de 500 chahids issus des différentes wilayas ont trouvé la mort durant les différentes embuscades et autres batailles. Celle de “Taferkout», pour ne citer que celle-ci, où plus de 150 maquisards sont morts en une journée sous les balles assassines du colonialisme français.
Ce qui importe de rappeler est que ce village n’a pas connu l’engagement des hommes uniquement. Les femmes, elles aussi, ont apporté leur aide et soutien à la Révolution. Hadjila Ainouche en est la parfaite illustration de l’engagement des femmes. Cette héroïne qui était à la tête d’un groupe de combattants est tombée au champ d’honneur dans la ville de Sour El Ghozlane.
L’art, la culture et le sport chez Imellahen
Thamellaht à donné naissance à des hommes et à des femmes épris de leurs terres et qui ont porté sa culture très loin pour atteindre d’autres continents. On ne peut parler de ce village sans avoir une pensée pour feu Salah Sadaoui, auteur de “yechreq yitij, yuli wass”. Cet artiste, dont son parcours en est témoin, a chanté l’Algérie durant les années de braise. Il a véhiculé à travers ses textes la culture algérienne en général et kabyle en particulier. Son œuvre composée de plusieurs chansons demeure immortelle.
Son frère aîné Hamou Sadaoui, qui lui a délayé le passage a été un artiste peintre et auteur-compositeur de plusieurs pièces de théâtre.
Il a été pour rappel, l’initiateur de la troupe théâtrale du FLN qui a porté haut la cause nationale durant la guerre de la Révolution dans les différents festivals internationaux. Comme on ne peut parler aujourd’hui du sport en général et des arts maritaux sans évoquer le maître feu Saïd Bahous.
Lui qui a ancré dans son village et toute sa commune l’esprit de la pratique sportive, à son retour de France avec comme arme dans les bagages les arts martiaux. 3e Dan de Karaté ceinture noire de judo et 1G Dan de l’Aïkido, Ammi Saïd demeure un exemple pour la jeunesse de Thamellaht.
Aujourd’hui, ce bastion du courage, de bravoure, d’engagement et de nationalisme est délaissé par les siens. Même si les habitations ont été abandonnées, l’histoire est toujours là pour apporter son témoignage sur le vécu de cet endroit et les affres subies par ses habitants.
C’est ce qui laisse les bonnes volontés à s’y rendre souvent pour effectuer des tâches et autres actions de volontariat dans le but de garder ce joyau du nationalisme comme repère aux générations à venir.
M. Smail
