Etude La colline oubliée œuvre et résonances / Entre le roman et le grand écran

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Présenter l’œuvre ou son auteur, serait un anachronisme aberrant, cependant, porter l’attention du lecteur sur certains détails s’avère parfois très enrichissant et révélateur et dote le roman d’une profonde dimension qui remettrait toute lecture précédente en cause.

Exposé dans un décor en parfaite adéquation avec les coutumes et les traditions les plus honorables, l’histoire dans ses soubassements, terre les fragments les plus inattendus et les plus subversifs, lesquels, toute réflexion faite, constituent la visée finale de l’auteur. Pour ne pas s’attarder sur des détails connus de tous, tantôt par le biais de la lecture, tantôt par celui du cinéma, penchons-nous sur le personnage de Mokrane Auguste, qui s’est vu pris dans les filets d’un amour impossible, celui de Davda, épouse de son propre cousin ! L’auteur a voulu, par la trame romanesque, faire choisir l’exil à cet amoureux sans espoir, tradition oblige. Jusqu’à ce point, l’histoire dans le roman de Mammeri sied parfaitement avec sa réalisation cinématographique. Or, la dernière séquence de l’histoire, là où Mokrane s’apprêtant à quitter le village, donne rendez-vous à Davda, à un moment et dans un endroit on ne peut plus symboliques, à savoir le sommet du village, lieu où l’on voit se rencontrer le cimetière -la culture berbère ayant toujours gardé une place de prédilection au mythe des ancêtres-, la Djemâa, siège du haut conseil de chaque village, et la mosquée, emblème du religieux et du sacré ; le moment de leur rencontre n’est pas non plus des moins adaptés, si l’on suit de près la thématique de l’auteur, moment où le muezzin appelle à la prière de l’aube… La douloureuse séparation et puis ce baiser, ultime et unique fruit d’un amour sans lendemain, sauf si on décide de prendre en considération l’aube, avec ce qu’elle représente comme espérance et ouverture. A souligner le courage de l’auteur, qui a osé briser le silence qui confine ces «aspects de la vie kabyle» ceux là qu’on a décidé de taire afin de préserver ou de sauver -au sens propre- la face d’une tradition ancestrale, en évitant tout simplement d’en parler. L’auteur en a parlé non pour l’exhiber, le chanter sur tous les toits, mais pour dire la douleur et l’amour coupable, sans préjugés. La représentation sémiologique du lieu et du moment de ce baiser forfait, remet par contre, en question tout le culte que la société traditionnelle voue au sacré. En effet, il remet d’emblée en cause, la religion et la tradition réunies. Cette séquence qui fait du roman ce qu’il est, le mettant en avance sur son temps, aurait crée un large débat, si elle avait quitté l’intimité du papier et rejoint celui du cinéma, plus ouvert et plus accessible. Ne reprochons pas au réalisateur l’omission de ladite scène, car, n’oublions pas que les acteurs, étant issus d’une Kabylie toujours à cheval sur ses principes ne peuvent réaliser un tel tournage. Il reste quand même à souligner que sa non présence dans le film va jusqu’à dénaturer celui-ci

BYL

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