Accidents mortels de la circulation en Algérie : “C’est possible de diminuer l’hémorragie !”

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En dépit de sévères mesures incitatives à plus de prudence dans la circulation automobile, notamment en ce qui concerne la limitation de vitesse, parfois en des endroits où celle-ci contraint à rouler telle une limace, tant les embouteillages y sont constants, le nombre d’accidents de la circulation ne cesse d’endeuiller des familles sur les routes et chemins de l’Algérie.

La mort à l’affût

Outre l’excès de vitesse et le non-respect de la réglementation routière, la défaillance mécanique, l’état détérioré des routes, “la non-amélioration urbaine” et tant d’autres facteurs, sont à l’origine de l’hémorragie. Faut-il alors implanter des ralentisseurs à chaque 200 mètres sur nos routes et autoroutes ? Ce serait des bouchons généralisés, dans nos villes comme en rase-campagne, tels ces cauchemardesques embouteillages qu’engendrent chaque jour les multiples “dos d’âne“, inopportuns en un si grand nombre pour une si petite distance, comme c’était le cas – c’en est plus un depuis l’élimination, dernièrement, de certains d’entre eux – à Taboukert (20 km à l’est de Tizi-Ouzou). Il y a quelque temps, le site Internet “reflexiondz.net», avait publié un bilan des accidents de la route où il est fait état de 4 282 morts et 60 876 blessés pour l’année 2009. Les morts comme les blessés. Pour certains, deviennent inévitablement handicapés et paralysés à vie, pour constituer des charges insurmontables et insupportables, aussi bien aux membres de leurs familles – pour ceux qui ont la chance d’en avoir encore – qu’aux services des caisses d’assurances sociales de l’Etat dans leurs prises en charge. Un propriétaire d’un petit fourgon de transport collectif assurant la desserte sur la ligne Azazga-Tizi-Ouzou (37 km), exprimera tout son “dégout” du fait de l’existence d’arnaques impunies, dans la commercialisation de la pièce détachée, même chez ces revendeurs réputés ne commercialisant que “la pièce d’origine”. Une anecdote dans ce sens ; il y a quelque temps, ce transporteur avait acheté une pièce détachée “d’origine” chez un revendeur de réputation et de confiance, après avoir usé un lot de pièces dites “Taïwan” en un temps record. Cette pièce (pompe d’injection), soi-disant d’origine, comme c’est mentionné sur son emballage, s’avérera, sitôt placée, d’une efficacité quasi nulle, ou d’origine Taïwan. “Je constatais ce fait à chaque fois que je tentais de doubler ; en essayant en effet, d’accélérer pour doubler par exemple, même sur une chaussée plate, la vitesse n’augmentait guère. Elle pétera au bout d’une période très en deçà de la durée attendue. A qui peut-on faire confiance dans pareils cas de figure ? C’est vraiment désolant !», s’est offusqué notre interlocuteur, qui foisonne d’exemples en la matière, car, selon lui, “des gens qui n’ont rien à voir avec le métier, hormis le dessein de s’enrichir au détriment des malheureux voyageurs, transporteurs et autres usagers, s’improvisent du jour au lendemain importateurs de la pièce détachée, pour peu qu’ils trouvent un fort appui et monnaient les services sans rechigner”. En mai 2009, se souvient-on, un chauffeur d’un bus de transport de voyageurs, venant de Bouzeguene, “Itri n’Svah” en l’occurrence, entamait, dans la ville d’Azazga, la descente d’une pente pour se diriger vers la station locale de transport (gare) lorsqu’il sentit le “fléchissement” des freins de son mastodonte. “Said ! Vite dégage les gens ! Said ! vite… !” Il était 10 heures environ, la descente aboutissait, à quelque 150 mètres plus loin, à une voie médiane à double sens, grouillant de monde et de véhicules à cette heure-là d’un jeudi. L’intrépide Saïd, le receveur, moins de 18 ans, sauta, tel un diable, dans la chaussée et se mit à courir, devant et devançant le bus, en criant : “Dégagez, dégagez !», pendant que le chauffeur, agrippé à son volant, klaxon à fond, attendait son heure. Traversant, à roues libres, la voie “sans encombre», notre chauffeur sera seulement secoué de frayeur après le fracas du pare-choc de son bus sur le bord du trottoir légèrement élevé comme par miracle, à cet endroit, et qui, heureusement, fit ralentir le car, vide, avant de buter du “nez“ sur un mur bétonné d’une boutique à la porte blindée, qu’il détériora. Dieu merci, plus de peur que de mal, hormis les petits dégâts sans gravité. L’intrépidité du jeune Saïd Kessaci et le sang froid du machiniste au volant, avait évité la tragédie. La cause était, malgré un contrôle technique régulier et les multiples vérifications journalières d’avant chaque départ du bus, la défaillance de la pièce détachée, chèrement achetée, à l’origine, “d’origine», mais sitôt installée, s’avéra en quelques semaines de la pure contrefaçon… d’origine. Le même jour, dans l’après-midi, à titre de rappel toujours, sur le même tronçon pentu, un camionneur dont la benne de son engin portait une charge de sable encore “frais», dépassant, telle une colline, ses ridelles, vécut le même phénomène du lâchage des freins que celui du bus du vaillant jeune Saïd. S’étant rendu compte juste à temps, le chauffeur vire à droite son “lourdaud“ camion sur un arbre séculaire qui, heureusement, le stoppa net. Un verre d’eau dans un café à côté ramena notre chauffeur à ses esprits, pour remercier Dieu de lui avoir évité le drame, des drames, tant l’artère grouillait de piétons, comme de véhicules aussi.

Un technicien en parle

Arezki Boukendour, un technicien spécialisé dans le contrôle technique des véhicules, gérant d’une agence dûment équipée, la SOCTA de Oued-Aïssi (Tizi-Ouzou), nous fera savoir qu’il existe parfois des véhicules neufs qui nécessitent un contrôle total, tant ils présentaient des défauts aussi bien dans les systèmes de freinage que de la suspension, ce qui constitue un véritable danger et pour le potentiel acheteur et pour le public, juste après sa mise en circulation sans contrôle, car le propriétaire demeurant confiant à partir du moment que son véhicule est, dans son esprit, payé neuf, donc n’admet pas que celui-ci pourrait présenter un quelconque défaut, et ce, sont là parfois, des erreurs qui reviennent, malheureusement, très chères à la société. Pour notre technicien, “le contrôle technique automobile, réalisé rigoureusement et accompagné de l’application des textes réglementaires, constituerait, de mon point de vue, un garant dans la prévention de la sécurité routière ; l’objectif principal des pouvoirs publics étant de réduire autant que faire se peut le taux de mortalité sur les routes, en mettant en œuvre, justement, un contrôle dont doivent se préoccuper, en premier lieu, quantitativement et, surtout, qualitativement, les agences en la matière”. Selon M. Boukendour, l’opération de vérification de l’état d’un véhicule s’effectue à l’aide d’équipements adéquats et fiables, universellement utilisés et dont les tests sont réalisés par un personnel qualifié pour chaque agence dûment agréée. Pour déterminer la “vétusté“ des véhicules en circulation, depuis 2003 la SOCTA de Oued Aïssi rend publiques annuellement ses statistiques sur les taux de “défauts alarmants” dans les systèmes de freinage et de la suspension. Ces principaux éléments de défaillance dans un véhicule sont d’évidentes causes d’accidents de la circulation. Des comptes rendus en la matière sont remis chaque an par ce technicien à l’ENACTA-Alger (Etablissement national de contrôle technique automobile). Même si les véhicules de tourisme ne sont pas encore soumis au contrôle dans leur ensemble, estime M. Boukendour, “on constate, dans les statistiques de 2008 que 51,61% de voitures légères, toutes catégories, ont moins de 10 ans, alors que celles ayant plus de 20 ans étaient à un taux de 13,51% sur le nombre d’autos contrôlées au sein de son agence. Dans les mêmes statistiques, il relève un taux de 56,15% pour des véhicules de tourisme, 24,33% pour ceux de transport de marchandise, 9,85% pour les taxis et 9,65% pour ceux de transport en commun de personnes (TCP). Les véhicules TCP de moins de 10 ans représentaient 72,18% dans les mêmes statistiques – ce qui est “très encourageant», pense M. Boukendour &ndash,; celui de véhicules de transport de marchandises est de 58,14 %, les véhicules de tourisme 46,80%, quoique cette catégorie d’automobiles mise en circulation en 2007 et en 2008 ne sont pas encore contrôlées, d’où la déduction de ce technicien pour dire que la wilaya de Tizi-Ouzou détient un parc automobile plus au moins récent, invitant les pouvoirs publics à œuvrer pour l’amélioration du parc de véhicules taxis, en accordant des facilités nécessaires, sachant que cette corporation joue un rôle prépondérant pour le citoyen et l’encouragement du tourisme dans la région. Un taxi en état vétuste présente approximativement 10 fois plus de danger par rapport à un véhicule de tourisme, en raison notamment de ses déplacements incessants. Pour notre interlocuteur, le nombre de véhicules roulant à essence représente un taux de 34,10% et ceux au diesel 65,90%. Les véhicules de tourisme sont d’un taux de 43,10% et les taxis essence de 43,65%, alors que la majorité des taxis sont équipés d’une installation GPL, ce qui favorise la protection de l’environnement, sachant que cette énergie est moins polluante et contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nécessité est donc pour l’Etat d’encourager les propriétaires de véhicules à rouler au gaz, tout en leur accordant son intérêt, notamment par la réduction du coût de l’installation GPL, pour l’ensemble des véhicules d’occasion. Toujours dans le cadre du contrôle technique, notre interlocuteur estime utile de communiquer les résultats, même par marque, de véhicules fiables. Il cite l’exemple de Chevrolet qui présente un taux plus faible en déséquilibre de freins (3,16%) sur l’ensemble des véhicules contrôlés par son agence, tout âge confondu. Dans ses statistiques élaborées pour l’année 2008 (23,64% des véhicules contrôlés), ce technicien a relevé qu’il y a des marques, telles Dacia ou Hyundai (fourgon H1), dont les véhicules neufs ne présentent aucun défaut de freinage ou de suspension. Cependant, d’après lui, il existe certaines autres marques qui présentent quand même à l’état neuf des défauts de freinage et de suspension (dissymétrie), quelle que soit la date de leur mise en circulation. Il estime qu’un taux approximatif de 15% des véhicules légers contrôlés dans son agence méritent une interdiction temporaire de circuler en raison du taux élevé de défaillance (24%) qu’ils présentaient dans leur système de freinage. Il suggère dans ce contexte d’imposer un contrôle de qualité en vue de réduire jusqu’à 50%, voire plus, le taux d’accidents de la circulation. Dans cette optique, il faudrait néanmoins faire admettre aux agences habituées aux “contrôles de complaisance», de cesser les tricheries en rapportant les résultats réels des tests effectués concrètement pour chaque véhicule, de ne pas actionner d’autres éléments de commande de l’automobile pour que celle-ci obtienne des “tests satisfaisants“, de mettre un terme à ces contrôles sur le même essieu du véhicule pour obtenir toujours une “efficacité de freinage“ avant de mettre l’engin, avec tout son danger, sur la voie publique, d’arrêter la délivrance de PV de complaisance (vierges et sans anomalies), tout en remettant à l’ENACTA des copies où sont portés réellement les défauts détectés, d’arrêter la pratique de contrôler un seul véhicule et rapporter les mêmes résultats sur toute une flottille d’autos appartenant à une entreprise donnée. L’obligation de soumettre leurs véhicules périodiquement au contrôle technique doit être de mise pour les propriétaires auxquels les vrais résultats doivent être rapportés dans la totale transparence. M. Boukendour préconise par là même de recourir, par les services concernés, à des “sanctions“ à l’endroit de conducteurs qui, par exemple, positionnent au maximum leur siège de pilotage vers l’arrière, ceux portant une capuche sur la tête, un portable à l’oreille, des lunettes de soleil en hiver, certains camionneurs se prenant pour des “maîtres à bord“, tant ils se sentent en totale sécurité avec la “dominance“ qu’ils affichent à travers leurs bolides sur la voie publique. Par ailleurs, il faut signaler que certains transporteurs, sur des lignes suburbaines notamment, adjoignent, par profit, des strapontins dans l’exigu couloir de leurs minibus ou fourgons aménagés (18 à 30 places généralement), alors que ces véhicules n’ont qu’une seule porte (à l’avant) et pour l’accès à bord et pour la descente des voyageurs. Ceci constitue non seulement de la gêne, notamment pour les femmes, et impose des positions inconfortables (promiscuité) pour les 5 ou 6 personnes obligées d’occuper ces sièges pliants, mais surtout un danger réel en cas d’éventuel accident, coup de frein brusque, ou autres incident ou incendie potentiels. Prié de donner son avis sur ce sujet, M. Boukendour estime que des sièges de ce type ne doivent pas être tolérés par les contrôles des mines. Le Ministère des transports a son mot à dire là-dessus pour interdire par exemple ces dangereux et inconfortables “fauteuils” dans des minibus, et ce, qu’ils aient une ou deux portières ; le problème c’est la promiscuité et l’insécurité en cas d’accident.

Antar Boufatis

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