Les traditions se perdent, les métiers aussi. Ceux qui détiennent véritablement un métier, souvent appris sur le tas, ne courent pas les rues et les quelques jeunes issus des centres de formation professionnelle bricolent tout au plus. Le déficit accumulé est tel qu’il est difficile de dénicher un maçon, un plombier ou un électricien qui maîtrise son sujet comme il se doit; quant à en trouver un bon c’est une autre paire de manches ! Si le bâtiment grince, avance cahin-caha, et demeure incapable de réalisations de qualité ou de réalisations tout court, c’est tout simplement que les métiers de ce secteur n’attirent plus grand monde et ne suscitent guère de vocations. Coffreurs, maçons, manœuvres, ferrailleurs, plâtriers, peintres, choisissent presque à l’unanimité l’ouvrage individuel plus rémunérateur et moins astreignant (ce qui reste à démontrer !). A la sécurité de l’emploi, ils marquent une préférence nette pour un travail certes plus rentable mais aléatoire.Le constat est effrayant : si notre pays forme à la pelle des universitaires qu’il a du mal à injecter dans ses différents circuits économiques, les métiers basiques ou manuels constituent la portion congrue de notre système d’enseignement. La formation au rabais est l’autre volet de ce problème qui, s’il perdure, nous dirigera tout droit vers l’importation de main-d’œuvre qualifiée et autre. Remarquez qu’avec le baril d’or noir qui ne cesse de grimper, on peut se le permettre !Après avoir fait le bonheur de l’économie française et participé grandement à la reconstruction post Guerre mondiale, la deuxième du nom, de l’ex-puissance coloniale, voilà notre pays en position de faiblesse, incapable de satisfaire ses propres besoins en ouvriers. Le paradoxe est tel que presque plus personne ne veut de ces métiers jugés, à tort, peu valorisants et qui pourtant rapportent gros car très demandés. Les services d’un manuel, même à la qualification discutable, valent en effet, leur pesant d’or. Et bientôt, pour une petite réparation et si l’on a le malheur, comme mézique de ne pas être doué pour le bricolage, il va falloir faire appel aux services d’un Chinois ou d’un Philippins. Prémices d’une décadence, programmée au passage à vide temporaire ? Seul l’avenir proche pourra décoder cette énigme.
M. R.
