Commémoration Aniversaire de la naissance de Krim Belkacem / Il y a 88 ans rugissait le lion du Djebel

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Le 9 juin 1954, Krim rencontre à Alger Mostefa Ben Boulaïd, puis Mohammed Boudiaf et Didouche Mourad, qui parviennent à le convaincre de la nécessité d’une troisième force.

Krim Belkacem est né le 14 septembre 1922 à Aït Yahia Moussa en Kabylie. Il fréquente l’école Sarrouy à Alger et y obtient son certificat d’études. Il entre dans l’armée en devançant l’appel de sa classe, le 1er juillet 1943. Il devient un excellent tireur. Le 26 novembre 1944, il est nommé caporal-chef au 1er Régiment de tirailleurs algériens. Démobilisé le 4 octobre 1945, il revient vivre à Draâ El Mizan où il occupe le poste de secrétaire auxiliaire de la commune. Krim Belkacem adhère au PPA et commence à implanter des cellules clandestines dans douze villages autour de Draâ El Mizan, armé d’une vieille mitraillette Sten. Les autorités françaises se rendant compte de son influence sur la population le convoquent le 23 mars 1947 pour «atteinte à la souveraineté de l’État». Après avoir pris l’avis du PPA, il prend le maquis (sous le pseudonyme de Si Rabah) avec Moh Nachid, Mohand Talah Messaoud Ben Arab. Des menaces et des mesures de rétorsion sont exercées sur son père qui refuse de livrer son fils. En représailles, il dresse une embuscade contre le caïd (son propre cousin) et le garde-champêtre. Le garde-champêtre est tué. En 1947 et 1950 il est jugé pour différents meurtres et condamné à mort par contumace. Il devient responsable du PPA-MTLD pour toute la Kabylie et à la tête des 22 maquisards qui composent son état-major il multiplie les contacts directs avec les militants et la population, il réussit à entraîner au moins 500 éléments dans son maquis à la veille de l’insurrection de novembre 1954. Son plus proche collaborateur est Amar Ouamrane de trois ans de son aîné. Le 9 juin 1954, Krim rencontre à Alger Mostefa Ben Boulaïd, puis Mohammed Boudiaf et Didouche Mourad, qui parviennent à le convaincre de la nécessité d’une troisième force. Il ne rompt pas pour autant avec les messalistes, puisque deux de ses représentants (Ali Zamoum et Aït Abdesslam) participent en juillet 1954 au congrès d’Hornu, Belgique. Il passe un accord avec les cinq responsables du «groupe des 22», rompt avec Messali en août 1954, sans tenir au courant les militants de son initiative. Devenu le sixième membre de la direction intérieure du FLN (les, six chefs historiques), Krim est le responsable de la zone de Kabylie au moment du déclenchement de l’insurrection. Krim encourage Abane Ramdane à accélérer les préparatifs de la réunion-bilan appelée à doter la Révolution d’un programme cohérent et de structures unifiées : le congrès de la Soummam qui se tient dans sa zone le 20 août 1956 et au terme duquel il devient l’un des membres les plus influents du CNRA et du CEE. Il s’installe dès lors avec le CEE à Alger mais continue à suivre de près le fonctionnement de sa wilaya. Durant l’été 1955, la résistance du FLN en Kabylie est de plus en plus virulente, or depuis l’insurrection, le MNA est devenu l’ennemi avéré du FLN. Les autorités civiles et militaires françaises vont utiliser stratégiquement à leur profit ces rivalités sanglantes.

1956-1962

A l’automne 1956, fut tentée, par les services secrets de SDECE, en Kabylie, chez les Iflissen, l’opération Oiseau bleu, connue sous un autre nom la Force K. Elle consistait dans la création de contre maquis clandestins destinée à lutter contre Krim et ses hommes. Les services secrets ont recruté 300 hommes, les armes et les munitions leur sont livrées : 200 armes de guerre arrivent en janvier 1956, et 80 en février-mars. Or, Krim réussit à déjouer avec intelligence cette opération qui va tourner à son avantage. Le chef de cette opération le capitaine Hentic découvre avec stupéfaction que les hommes recrutés ont été rapidement coiffés par Krim qui profitait, grâce à la Force K de la naïveté des Français. Le FLN a donc pu recevoir des armes de guerre qui lui ont servi à exécuter leurs rivaux MNA et tout le personnel pro-français dont les cadavres, après mise en scène macabre, étaient présentés comme des maquisards FLN. L’armée française se rend enfin compte qu’elle a été bernée. Il faut effacer cette humiliation. Le 11 octobre, la 27e DIA et le 3e RPC de Bigeard lancent l’opération Djenad avec 10 000 hommes afin d’anéantir les hommes de la Force K, mais c’était trop tard. La plupart ont eu le temps de rejoindre les rangs de Krim Belkacem avec armes et bagages. La Force K a été immédiatement prise en main par le FLN. Krim Belkacem n’a pas laissé passer l’occasion d’utiliser le paravent d’un prétendu maquis MNA pour se faire approvisionner en armes et en munitions par la France. Krim Belkacem écrit une lettre au Gouvernement général : «Monsieur le Ministre, Vous avez cru introduire, avec la Force K, un cheval de Troie au sein de la résistance algérienne. Vous vous êtes trompé. Ceux que vous avez pris pour des traîtres à la patrie algérienne étaient de purs patriotes qui n’ont jamais cessé de lutter pour l’indépendance de leur pays et contre ·le colonialisme. Nous vous remercions de nous avoir procuré des armes qui nous serviront à libérer notre pays.» Cette sanglante mystification, réussie par Krim, a coûté à l’armée française plus de 250 fusils de guerre. Sous le couvert de la Force K le FLN avait éliminé en plus tous les militants du parti rival et ceux qui s’étaient placés du côté de la France. Depuis cette affaire Krirn Belkacem jouit d’un prestige immense et son nom prend une dimension quasi mythique. Novembre – décembre 1956, krim Belkacem a pour mission de créer à Alger la Zone autonome d’Alger (ZAA), avec ses compagnons du CCE : Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi et Benyoucef Benkhedda, pour superviser la guérilla urbaine dans Alger, il s’attribua les liaisons avec toutes les wilayas, ce qui faisait de lui le chef d’état-major de la zone algéroise et le stratège de la lutte armée. Après la capture de son collègue Ben M’hidi durant la bataille d’Alger, il quitte précipitamment la capitale (5 mars 1957). Accompagné de Benkhedda puis de Bentobbal, il rejoint la Tunisie par la voie du maquis. A la réunion du CNRA au Caire (20 août 1957), il œuvre à l’élimination de Benkhedda et de Dahlab du CEE et à l’isolement d’Abane. Krim constitue désormais, avec Bentobbal et Boussouf, le noyau dur des chefs sans lesquels rien ne peut se faire ou se défaire. A la formation du GPRA (19 septembre 1958), Krim est au faîte de sa puissance: il est vice-président et ministre des forces armées. A la fin de l’automne, il est pourtant visé personnellement par la tentative de coup d’État des colonels Lamouri, Naouaoura et Aouacheria (que Boumédiène, appelé à la rescousse, matera). Dans le deuxième GPRA janvier 1960-août 1961), il garde la vice-présidence mais passe aux affaires étrangères. Enfin dans le troisième, il cumule vice-présidence et ministère de l’intérieur et c’est à lui qu’est confiée la délégation aux négociations d’Evian et c’est lui qui signe, du côté algérien, les accords du même nom. Dans la course au pouvoir qui suit le cessez-le-feu, Krim s’oppose à Ben Bella et à l’État-major général. Lorsque se crée le groupe de Tlemcen (11 juillet 1962), il réplique en s’installant à Tizi-Ouzou pour organiser la résistance au coup de force ben belliste (25 juillet 1962). Mais il est dépassé par la rapidité des événements et leur complexité. Après la victoire de Ben Bella et de l’État-major, il se retrouve écarté de la vie politique, se consacre aux affaires et s’installe un moment en France.

1963-1984

Après le coup d’État du 19 juin 1965, il repasse dans l’opposition. Accusé d’avoir organisé au mois d’avril 1967 un attentat contre Boumédiène, manipulé et trahi par une partie de son entourage, il est condamné à mort par contumace. Selon sa fille Karima, médecin, dans un entretien accordé à El Moudjahid (le 25 mars 1998), Krim renonça définitivement à la politique au mois d’août 1967 : «Le 4 août 1967, raconte-t-elle, il entassa précipitamment toute sa famille avec quelques effets dans la Volkswagen familiale et roula toute la nuit jusqu’au Maroc. Le lendemain, il est condamné par contumace». Commence alors un exil amer. En 1968, il crée avec des amis dont Slimane Amirat, les colonels Amar Ouamrane et Mohand Oulhadj, le Mouvement pour la Défense de la Révolution Algérienne (MDRA), parti clandestin destiné à lutter contre le régime de Boumédiène. Deux ans plus tard, le 18 octobre 1970, on le retrouve étranglé avec sa cravate dans une chambre d’hôtel à Francfort, probablement avec la complicité des services secrets algériens de l’époque à leur tête Kasdi Merbah aux ordres de Boumédiène[1]. Il fut enterré dans le carré musulman de la ville allemande jusqu’au 24 octobre 1984, date à laquelle, réhabilité il repose au Carré des Martyrs à El Alia, à Alger. Les vieux routiers de la révolution algérienne racontent qu’il était à l’époque, plus jeune colonel au monde.

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