Il était un des initiateurs du dialogue interreligieux : Mohamed Arkoun n’est plus

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Convaincu des vertus du dialogue entre le monde musulman et occidental, Mohammed Arkoun a toujours refusé les oppositions simplistes entre cultures d’Islam et d’Europe. (…) Il restera dans les mémoires comme celui qui a contribué à faire le mieux en France et en Europe connaître l’Islam des lumières » Pour ce qui est de cette incompréhension de l’islam en Europe, Mohamed Arkoun l’attribue en ces termes à cette attitude du Vieux continent à lorgner vers l’Atlantique en prenant possession de la Méditerranée.

Né à Taourirt-Mimoun, petit village de Kabylie, qui a vu naître également Mouloud Mammeri et tant d’autres hommes illustres, Le professeur Mohamed Arkoun, grand islamologue et « passeur » entre les religions, est mort au cours de la soirée du mardi à Paris, à l’âge de 82 ans, Il était professeur émérite d’histoire de la pensée islamique à la Sorbonne et un des initiateurs du dialogue interreligieux.. Après avoir fréquenté l’école primaire de son village, il avait fait ses études secondaires chez les Pères Blancs à Oran, puis avait étudié la littérature arabe, le droit, la philosophie et la géographie à l’Université d’Alger. Convaincu des vertus du dialogue entre le monde musulman et occidental, Mohammed Arkoun a toujours refusé les oppositions simplistes entre cultures d’Islam et d’Europe. (…) Il restera dans les mémoires comme celui qui a contribué à faire le mieux en France et en Europe connaître l’Islam des lumières » Pour ce qui est de cette incompréhension de l’islam en Europe, Mohamed Arkoun l’attribue en ces termes à cette attitude du Vieux continent à lorgner vers l’Atlantique en prenant possession de la Méditerranée. Mieux : cet enfant des Ath – Yenni considère que  » Les acteurs sociaux musulmans ont fait un usage tellement envahissant et idéologique de l’islam que les observateurs extérieurs sont presque obligés de faire la même chose. Que des gens pressés reprennent ce discours, soit, mais je n’accepte pas que les “historiens patentés de l’islam » dans les grandes universités occidentales adoptent cette même approche idéologisée, c’est-à-dire non analysée”. A propos de la laïcité dont il est un des défenseurs, Arkoun en a beaucoup réfléchi y compris pour le monde musulman, mais dans le cadre de la nécessité qu’il rappelle, de devoir prendre en compte les spécificités de cette culture dans son histoire. Son plaidoyer pour la laïcité n’est pas dépourvu d’une critique envers celle-ci, du fait des formes particulières qu’elle a empruntées dans l’histoire et les contradictions qu’elle a aussi engendrées, qu’il voudrait voir dépassées, et qui se résume selon lui, à une incompréhension de l’autre culture :  » Je m’efforce depuis des années, à partir de l’exemple si décrié si mal compris et si mal interprété de l’islam, d’ouvrir les voies d’une pensée fondée sur le comparatisme pour dépasser tous les systèmes de production du sens – qu’ils soient religieux ou laïcs – que tentent d’ériger le local, l’historique contingent, l’expérience particulière en universel, en transcendantal, en sacré irréductible. Cela implique une égale distance critique à l’égard de toutes les « valeurs » héritées dans toutes les traditions de pensées justes et y compris la raison des Lumières, l’expérience laïque déviée vers le laïcisme militant et partisan.” Cette défense de la laïcité s’accompagne ainsi d’une critique d’une certaine tradition historique, plus particulièrement la française. Si la laïcité peut s’exporter, ni son histoire, ni ses formes ne le peuvent. Il pense en effet que “la pensée laïque dans son cadre institutionnel le plus avancé en est encore au stade du refus, du rejet, de la condamnation à l’égard d’une grande tradition de pensée et de civilisation. Au lieu de reconnaître la fécondité intellectuelle du débat que l’islam, grâce, si je puis dire, à son décalage historique, réintroduit dans une société qui n’a pas épuisé la confrontation des modes religieux et laïque de production du sens, on voit se multiplier des campagnes de dénigrement contre le retour des « ténèbres du Moyen Age ». Mohamed Arkoun décède en laissant derrière lui, une bibliographie riche qui servira vraisemblablement aux chercheurs et étudiants de documents de référence en matière de réflexion sur l’islam et les autres religions.

Ferhat Zafane

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