Benachenhou et Temmar d’accord sur le diagnostic des blocages

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Experts en économie, Abdelatif Benachenhou et Abdelhamid Temmar ont successivement animé hier à la salle IHC de Boumerdès où se poursuit l’université d’été du FLN, des conférences sur la croissance et les réformes économiques en Algérie.Les deux haut commis de l’Etat ont relevé à quelques nuances près, l’existence de diverses formes de blocage retardant l’insertion de l’Algérie dans le cadre d’une politique de développement durable.le débat sur la croissance est faible, alors que même les ressources financières du pays sont, dit-on, globalement satisfaisantes.Cette remarque est d’emblée formulée par Abdelatif Benachenhou, précisant que le taux d’épargne avoisine actuellement en Algérie 50%. L’épargne se trouve dans les caisses de l’Etat, mais aussi dans les différents secteurs et les ménages.Il va sans dire, a-t-il signalé, qu’une bonne partie de ses ressources financières provient de l’augmentation du prix du pétrole et de la maîtrise des dépenses publiques. Mais il y a une situation paradoxale : le débat économique reste marginal, alors qu’en théorie tout développement en matière financière devrait aller de pair avec l’accroissement des investissements.ce n’est pas le cas chez nous, à l’heure actuelle on observe, dit-il, une croissance insuffisante des ressources humaines indispensables pour tout développement économique, s’ajoutant à une faiblesse des grands projets d’investissement. Plus explicite, il fera remarquer que les insuffisances en matière d’éducation et de formation — reconnues, dit-il, par le ministère de tutelle — ont entraîné la faible productivité de l’administration et d’autres entreprises économiques.Face à ces militants de l’ex-parti unique, qui l’écoutaient sans broncher comme une masse estudiantine de l’université, le conférencier mettra en relief le potentiel considérable de développement des ressources naturelles, dont la mobilisation reste à consolider.Dans ce chapitre, il relèvera que la question des hydrocarbures a été partiellement réglée par la nouvelle loi promulguée en l’an 2000 et mise en application quatre années plus tard. Mais le problème de croissance agricole reste posé. Selon les statistiques de l’an 2000, plus de 72% de nos fellahs n’ont bénéficié d’aucune formation. Seulement 1% ont un diplôme de l’enseignement supérieur, et 23% ont suivi le cursus du lycée.Et il s’interrogera plus loin, comment peut-on aspirer à une économie modernisée, alors que 71% des surfaces agricoles étatiques ou privées n’ont pas de titre de propriété ? Et d’autres superficies sont laissées en jachère, a-t-il ajouté.Poursuivant son diagnostic, il parlera également de ce sous-développement inquiétant des infrastructures, notamment dans les secteurs des transports et de l’eau. Réseau routier encore défaillant, ici et là, et manque criant d’eau potable à l’Ouest et dans d’autres agglomérations rurales ou semi-rurales. Situation paradoxale au moment où l’on dispose de liquidités financières, a-t-il répété en plaidant pour une politique des prix et équité sociale. Il s’agit selon lui, de rendre la propriété publique plus efficace dans une économie de marché. Et d’éviter surtout, les déséquilibres dans l’allocation des ressources budgétaires qui jouent contre le développement des ressources humaines. Digression : l’équation du développement ne se résout guère avec l’utilisation de l’argent disponible. Elle est plus que complexe. Le retard du décollage est imputé, selon ses explications, à notre politique économique qualifiée d’ambivalante par les partenaires d’outre-mer. “Les partenaires étrangers disent que ce pays-là ne cesse de nous envoyer des signaux contradictoires”, a-t-il rappelé. Tantôt on parle de facilitation des investissements, tantôt on se dit qu’on est capables de s’en sortir tout seul. “Il faut faire, assénera-t-il l’examen de nos capacités et potentialités pour mettre fin à ces hésitations”. Car les investisseurs étrangers qui ne connaissent actuellement qu’Alger et le désert — avatar de l’expression coloniale Paris et le désert français — se tournent vers d’autres marchés, particulièrement ceux du bloc de l’Europe de l’Est, a-t-il analysé. Et il conclut en insistant sur la nécessité d’améliorer la gouvernance des banques publiques — qui reste timide — et les réformes douanières.Ex-premier argentier du pays, Abdelatif Benachenhou aura laissé, enfin, l’assistance sur sa faim concernant la question des réformes bancaires.Lui succédant, Adelhamid Temmar fera lui un exposé succinct sur les différents types d’économie libérale mis en application à partir des années 1970.Il plaidera pour une économie de marché alliant l’efficacité à la sauvegarde de l’équilibre social, à travers un réseau national de solidarité. Dans la même optique, il expliquera que la globalisation — au lieu de mondialisation — peut profiter aux pays qui sauront s’adapter avec les nouvelles conjonctures économiques internationales, en sachant exploiter leurs ressources humaines et naturelles. Et l’Algérie est capable, selon lui, d’adhérer dans de meilleures conditions à l’OMC. D’autant qu’elle partage sa vision avec d’autres importants pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud.

Salim Haddou

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