Malgré le processus de récession qui a affecté l’économie mondiale depuis 2008 -processus qui n’arrive pas à être complètement jugulé deux ans après son enclenchement-, l’Algérie s’attelle à des stratégies de financement de son développement économique, de façon à mieux exploiter ses ressources financières issues des excédents des recettes énergétiques et d’autres ressources qu’offre le “balbutiant’’ marché financier algérien.
Les experts n’excluent pas des incidences de la crise économique mondiale sur l’Algérie, mais ils les renvoient à une échéance incertaine.
Les explications de ces incidences se concentrent surtout sur l’observation de la structure de l’économie algérienne dont les recettes sont basées presque totalement sur l’exportation des hydrocarbures, et, dans la même logique, sur le dur constat du recul de la consommation mondiale de pétrole et des aléas pesant sur la valeur du dollar ; deux réalités qui donnent des appréhensions aux décideurs politiques et gestionnaires économiques du pays.
Dans le cadre de loi des finances 2010, il y a lieu de savoir que le déficit budgétaire est de 3615 milliards de dollars. À cette donnée, se greffe une autre information donnée par le département des Finances : le fonds de régulation des recettes- conçu pour recevoir les excédents de la fiscalité pétrolière- n’a pas encore été alimenté cette année.
Ayant tiré la leçon de problèmes posés par les financements bancaires exclusifs (lenteur des procédures, déficits de spécialisation qui pénalise le suivi des projets, critères de solvabilité des candidats au crédit qui prennent rarement en compte la faisabilité et le retour sur investissement des projets à financer,…), les pouvoirs publics ont été amenés à concevoir un fonds d’investissement qui puisse accompagner financièrement les entreprises chargées des projets de développement.
Cette procédure paraît répondre surtout au souci de mener à bon port le nouveau plan d’investissements publics 2010-2014.
Le Fonds national d’investissement (FNI) a été officiellement mis en place à partir du 1er mars 2009. Ce nouvel instrument d’accompagnement financier des entreprises est issu de la restructuration de la Banque algérienne de développement (BAD), structure chargée traditionnellement de la gestion des prêts extérieurs destinés au développement des infrastructures et équipement publics.
En s’inscrivant dans “la dynamique de soutien financier à l’investissement», comme le souligne le ministre des Finances, Karim Djoudi, ce Fonds doté de 150 milliards de dinars est chargé d’après le ministre, “d’apporter les ressources financières supplémentaires et de répondre aux attentes des investisseurs par une approche nouvelle”. Jusqu’en 2009, les crédits bancaires mobilisés pour financer l’économie se montent à 2600 milliards de dinars, soit une croissance annuelle de 15%. C’est en complémentarité de ces crédits que le FNI sera mobilisé avec, il est vrai, quelques avantages comme la possibilité de prêts consensuels à des taux réduits, mais aussi une possibilité de garantie par l’Etat.
Le ministre des Finances précise que ce sont des financements à long terme destinés à encourager les investissements directs étrangers (IDE) ainsi que les investissements nationaux. À moyen terme, le FNI pourra intervenir pour un seuil minimal de 1 000 milliards de dinars.
Rigidité des règles prudentielles
Il y a lieu de noter selon l’observation d’un expert, le Dr Lamiri, P-dg de l’INSIM, qui révélera que les financements bancaires sont dédiés, entre 40 à 45%, à des entreprises publiques à capacité réduite de remboursement, et entre 5 et 9 % aux petites et moyennes entreprises. Les PME se trouvent ainsi pénalisées par un système de financement que les règles prudentielles entraînent vers une inexplicable rigidité. Le professeur canadien André Joyal, de l’Institut de recherche sur la PME, a, quant à lui, mis en exergue le rôle que peuvent jouer les petites et moyennes entreprises dans la résistance à l’effondrement des économies nationales dans le contexte actuel de la crise mondiale.
Pour ce faire, l’État, en tant qu’instance de régulation et d’encouragement, est censé assumer magistralement son rôle. “L’Etat doit être meilleur dans son fonctionnement, facilitateur, partenaire efficace des entreprises», estime-t-il.
Le gouvernement s’est penché sur l’identification des divers et nombreux blocages qui se sont mis au travers des grands flux d’investissements que notre pays est en droit d’attendre dans une conjoncture exceptionnellement propice sur le plan des finances publiques et de l’équilibre des grands agrégats économiques. Le traitement des dossiers par l’ANDI (Agence nationale du développement de l’investissement) ne semble pas donner tous les résultats escomptés. Et pour cause, le passage au crible de cette Agence des différents dossiers qui atterrissent sur son bureau se limitait à faire valoir les avantages (fiscaux, douaniers, taux d’intérêt des crédits,…) accordés par l’Etat aux candidats à l’investissement. De nombreux projets validés par cette institution qui travaille pour le compte de l’Etat n’ont pas pu voir le jour des années après leur validation en raison des lenteurs, entraves et dysfonctionnements qui caractérisent les autres institutions chargées d’encadrer l’investissement (banques, caisses de garantie, services de la wilaya pour ce qui a trait au foncier industriel,…).
Ce n’est qu’en 2009, que les attributions et missions de l’ANDI ont été revues et étendues de façon à suivre les projets sur le terrain et faire jouer la coercition lorsque le bénéficiaire des avantages fiscaux ne respecte pas ses engagements en matière de réalisation des investissements projetés.
En tout cas, face à tous ces aléas, le gouvernement a initié un nouveau code des investissements qui est à l’état de gestation, mais qui est censé casser les barrières qui s’opposent aux investissements nationaux et étrangers massifs.
Le phénomène de l’économie informelle qui ronge depuis des décennies le reste des autres activités relevant de l’économie structurée a aussi été appréhendé par le président de la République comme un facteur de blocage de l’investissement Ainsi, outre les mesures et réglementations destinées à lutter contre le blanchiment d’argent, la contrebande, la contrefaçon et la corruption, le président Bouteflika mettra en exergue » les réformes en cours qui ont permis une meilleure bancarisation de l’économie, la réduction de la pression fiscale, la libéralisation du commerce extérieur, la convertibilité commerciale de la monnaie nationale, la simplification des formalités douanières”. Ce sont des facteurs, assure Bouteflika, “qui doivent concourir à l’assèchement des activités dans la sphère informelle”. En tout cas, avec le nombre de personnes qu’il emploie-environ un millions trois cent mille- et l’éventail des activités qu’il embrasse, le secteur de l’informel ne peut laisser indifférents ni les pouvoirs publics, ni les vrais acteurs de la vie économique légalement installés, ni les services des Impôts et Caisses sociales pour qui le manque à gagner se chiffre en centaines de milliards de dinars (évasion fiscale) ni, à plus forte raison, l’opposition politique et les monde syndical.
Les IDE et les nouvelles idées de partenariat
Le ministre des Finances a révélé l’année dernière, que la moyenne du rythme des investissements directs étrangers en Algérie est de 1 milliard de dollars par an. Ce paramètre, tout en révélant l’ampleur des investissements d’un pays et son degré d’attractivité ne constitue pas, aux yeux de certains partenaires économiques nationaux, une condition sine qua non pour se lancer dans des opérations d’investissement dans leur propre pays.
La crise financière internationale est aussi à l’origine du recul des IDE, dans plusieurs pays du monde et dans le bassin méditerranéen en particulier.
Cependant, plus que le milliard de dollars dont a fait état le ministre des Finances, dans des conditions idéales du climat d’investissement, l’Algérie pourrait accueillir, selon des experts, des IDE de l’ordre de 5 à 6 milliards de dollars/an.
Comme a eu à le déplorer le président de la République lui-même, dans la phase actuelle, ce sont plutôt les opérations purement commerciales (représentations en Algérie de firmes de construction automobile, de fabrication de médicaments) qui font l’actualité de l’investissement en Algérie.
Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a déjà avoué que les “IDE ne viennent pas en force’’, mais, précise-t-il, “ceci ne signifie pas que la politique de l’État a échoué”.
Les nouvelles orientations économiques induites par la loi de finances complémentaire 2009 et leurs confirmations dans les textes officiels postérieurs, ont pour entre autres objectifs, de donner une autre configuration aux investissements étrangers en les situant dans un partenariat 49%-51% (part d’actionnariat revenant respectivement au partenaire étranger et à son associé algérien) avec de nouvelles règles portées par le nouveau code des marchés (préférence nationale), les mesures fiscales relatives au rapatriement des dividendes, la suspension du crédit automobile et d’autres dispositifs développés par les deux lois de finances de 2010.
S’agissant spécifiquement des transferts d’argent- dividendes exonérés de toute imposition- effectués par ces entreprises vers leurs pays d’origine, il ont été qualifiés, bien tardivement, de ‘’fuite de capitaux’’. Des analystes ont, depuis quelques années déjà tiré la sonnette d’alarme quant à cette fuite considérable de capitaux qui pénalise l’Algérie. Un article de la loi de Finance complémentaire 2009, considère les bénéfices transférables des succursales et autres installations aux sociétés-mères établies à l’étranger comme dividendes qui doivent être soumis à une taxe de 15%. Les sociétés étrangères exerçant en Algérie sont censées, d’après la nouvelle loi, créer une filiale ou une succursale, ou bien une autre entité professionnelle au sens fiscal.
La révision de certaines clauses de l’accord d’association avec l’Union européenne fait également partie de cette volonté des pouvoirs publics algériens de donner une place honorable aux investissements étrangers en dehors de la stricte sphère commerciale. Concernant cette dernière, du fait des dégrèvements fiscaux graduels dont bénéficient les produits importés du territoire l’Union, un manque à gagner de 2 milliards de dollars se dégage en défaveur du Trésor public algérien.
Amar Naït Messaoud