Vassilios Moutsoglou, son Excellence l’ambassadeur de Grèce en Algerie, revient dans l’entretien exclusif qu’il nous a accordé sur les difficultés rencontrées à traiter le phénomène de l’immigration clandestine auquel toute la zone Europe fait face. “La Grèce est très gênée par le phénomène de l’immigration clandestine”. Le diplomate évoquera également, avec la Dépêche de Kabylie, les opportunités d’échanges entre l’Algerie et la Grèce, l’immigration clandestine, la circulation des personnes et la délivrance des visas, la crise économique qui frappe le pays Hellénique et le plan d’austérité du FMI. Vassilios Moutsoglou exprime à la même occasion toute son admiration pour la région de Kabylie dont il garde un bon souvenir.
La Dépêche de Kabylie : Excellence, vous avez visité la wilaya de Tizi Ouzou et vous en n’avez pas caché votre admiration. Quel souvenir gardez-vous de la capitale du Djurdjura en particulier, et de la Kabylie en général ?
Vassilios Moutsoglou : Je garde un très bon souvenir. Le Kabylie est une région méditerranéenne de l’Algérie, avec des montagnes et des vallées, très semblable géographiquement à la Grèce. La ville de Tizi Ouzou est une très belle ville algérienne et européenne en même temps, avec des paysages magnifiques. Les habitants étaient très sympathiques, très chauds, très hospitaliers ; ma femme et moi-même nous sommes sentis comme chez nous.
La culture algérienne et grecque se rencontrent dans plusieurs aspects, la Kabylie présente justement une illustration parfaite de ce que peut-être ce rapprochement, qu’en pensez-vous ?
Vous avez raison de point de vue que tous les deux peuples partagent la même culture méditerranéenne qui s’est développée pendant des siècles, avec des rapports économiques et culturels. Le festival de danse folklorique de Tizi Ouzou de 2008, dans lequel un groupe, venu de Grèce a participé constitue un manifestement éloquent de ce rapprochement qui peut se développer davantage.
De manière générale, comment jugez-vous, Excellence, les relations bilatérales entre l’Algérie et la Grèce ?
Sur le plan politique, elles sont excellentes. Il n’y a aucun problème entre nos deux pays qui partagent plusieurs vues sur les questions internationales qui les intéressent.
Même si ces relations se caractérisent par l’entente et la compréhension des deux côtés sur le plan politique, cela ne s’est malheureusement pas traduit par d’intenses échanges économiques. Quelles sont les raisons d’un tel état de fait ?
Vous avez raison. Les échanges économiques aussi bien que culturels entre les deux pays ne sont pas à un niveau reflétant la capacité qui existe, même que l’Algérie est notre deuxième partenaire économique dans l’Afrique du Nord en ce qui concerne autant les exportations que les importations. Du côté de la Grèc, on doit faire mieux et les opérateurs économiques grecs doivent travailler plus dur en cherchant des échanges avantageux pour les deux parties. Certes, la Grèce n’est pas un pays producteur de marchandises, elle s’est plutôt orientée vers les services et les produits agricoles, mais en tout cas, elle peut faire mieux, comme c’est le cas avec les pays européens, du Balkan, du Moyen-Orient, la Turquie et la Russie, qui sont à un bon niveau.
Le montant des investissements directs grecs en Algérie reste minime alors que notre pays est considéré comme le deuxième partenaire économique de la Grèce dans le monde arabe, y a-t-il des initiatives prises pour justement booster la coopération dans ce domaine ? Peut-on connaître l’état d’avancement des négociations annoncées entre les deux pays dans des domaines tels que le tourisme, le transport… ?
Les investissements directs concernent les entrepreneurs et leur jugement en ce qui concerne les avantages offerts par les pays accueillants. L’Algérie offre beaucoup d’avantages ; il y a des sources d’énergie, des capitaux, un grand marché des terrains, un bon climat, un peuple intelligent et travailleur. Avant la crise économique récente, les entrepreneurs grecs ont montré un grand intérêt pour investir en Algérie. Ces derniers sont venus ici, ils ont invité des opérateurs en Grèce. Récemment, le business forum arabo-hellénique a eu lieu et il y avait un nombre d’opérateurs algériens qui sont venus y assister. Par ailleurs, je pense qu’après la crise économique, la situation sera meilleure.
une récente enquête, nous a permis de constater que la Grèce fait partie, désormais, des destinations prisées par les Algériens notamment en Kabylie, comment expliquez-vous ce fait ?
Certainement, la Grèce comme une destination touristique est très populaire dans tout le Monde. Elle combine culture, vacances près de la mer et de la montagne. Les Algériens sont les bienvenus.
Le dossier de la circulation des personnes entre les deux pays, ou entre le sud et le nord de la Méditerranée, peut-on connaître le volume de ces échanges entre l’Algérie et la Grèce ?
En 2009, notre ambassade a accordé 1 837 visas aux Algériens, soit 60% des demandes acceptées. Cela dit, on doit faire attention aux exigences objectives pour obtenir le visa. Pour cette année, nos services ont enregistré une baisse de la moitié du nombre de demandes de visas. C’est dû,; en partie, au Ramadan qui a coïncidé cette année, avec la saison estivale et surtout la contrainte du visa de transit.
Ces dernières années, le phénomène de l’immigration clandestine a pris particulièrement de l’envergure en Grèce, le durcissement des textes est-il, à votre avis, un moyen efficace pour lutter contre ce phénomène ?
Le phénomène de l’immigration clandestine pose un problème très sévère pour la Grèce.
Avec une population de 10 millions, la Grèce a accueilli environ 1,5 million d’immigrés, et sa capacité d’accueillir plus, est épuisée. La lutte contre ce phénomène en Grèce est très difficile comme le peuple grec dans sa majorité est un peuple très tolérant et possède une hospitalité naturelle. Mais les ressources sont limitées. Les potentiels émigrés illégaux doivent comprendre que rester en leur pays et mieux pour eux et pour leur pays, que d’aller chercher leur sort ailleurs où les conditions sont défavorables. Il est clair que le nombre d’immigrants clandestins qui débarquent en Grèce a pris une courbe ascendante. 700 Algériens ont été arrêtés pour ce motif cette année, contre 350 seulement en 2009. Vous voyez que l’écart est important
La Grèce traverse en ce moment une situation peu reluisante, estimez-vous, Excellence, que le plan des restructurations mis en œuvre et l’austérité recommandée par le FMI pourront permettre à votre pays de remonter la pente et redresser son économie ?
Le problème actuel de la Grèce, est l’attaque subie par des marchés spéculateurs, qui exigent des taux d’intérêt démesurés. La Grèce a pris toutes les mesures nécessaires, aussi bien sur le plan de l’économie réelle qu’aux finances, pour affronter cette épreuve. Ceci a entraîné une austérité sévère au peuple grec. Mais nous sommes sûrs que finalement la Grèce va redresser son économie. Pendant les 35 dernières années, qui ont suivi la restauration du régime démocratique, la Grèce a marqué un développement spectaculaire et s’est transformée d’un pays sous-développé à un pays dont le revenu par habitant égal la moyenne des Etats-membres de l’Union européenne, et comme le constate tout voyageur qui visite notre pays, réparti plutôt d’une façon juste. Ces conditions d’une société ouverte à tous, de développement social et d’une hausse des revenus sont réalisées principalement par le travail acharné et une programmation et préparation minutieuse, bien que l’endettement et les fonds européens aient assisté sur cette direction. Toutefois, la Grèce détient mondialement une des premières positions en tant que marine marchande et possède une industrie de tourisme et de services lui permettant d’accueillir annuellement une et demi fois sa population en termes de nombre de touristes. Ainsi, toutes les conditions sont là pour une réussite finale.
On vous laisse le soin, Excellence, de conclure…
Je profite de l’opportunité que vous me donnez pour dire que notre pays, la Grèce, reste une excellente destination touristique, offrant toutes les conditions d’un bon séjour. Cependant, je dois souligner que le phénomène de l’immigration clandestine nous gêne énormément. Un jeune ne peut, au vu de la situation économique du pays, partir chercher du travail ou travailler clandestinement, c’est difficile. Nous sommes ouverts pour le tourisme mais non pas à l’immigration clandestine. L’Algérie est un pays voisin, très amical et les Algériens sont un peuple très proche au peuple grec. Nos liens et notre coopération vont durer même dans des temps difficiles.
Omar Zeghni
