Ils sont là par tous les temps, à demander l’aumône. Alors qu’ils étaient rares, il y a peu, les mendiants «locaux» se font de plus en plus remarquer par leur nombre et ne cachent plus leur misère, étalée au grand jour, au vu et au su de tous. Ils disputent le moindre recoin, resté encore vacant, aux femmes venues d’ailleurs, pour harceler eux aussi, les âmes généreuses. Comme tous ceux de leur condition, à travers le territoire national, les démunis, pris en charge durant le mois de carême, sont abandonnés à leur triste sort. L’Aïd a sonné le glas de la bombance et les replonge dans leur vie misérable. Les habitudes du mois sacré n’ont malheureusement plus cours et ne durent pas éternellement. Les restaurants «errahma» où des repas chauds sont distribués en abondance, chaque soir, ont fermé leurs portes à la veille de l’Aïd. Les couffins alimentaires distribués par les mairies, parallèlement à la soupe populaire, ne sont plus que de l’histoire ancienne. L’unique sac de semoule et les cinq litres d’huile qu’on leur a «offert» avec force publicité sont épuisés depuis longtemps, alors que les bouches demandent toujours à être nourries. S’ils doivent plagier le chacal de Mouloud Feraoun, nos démunis souhaiteraient plutôt, «une éternité pour le Ramadhan. Habitués à être nourris gratuitement et «décemment», ils doivent désormais réapprendre à voler de leurs propres ailes. Ceux dont les bras sont encore vigoureux, peuvent à l’occasion effectuer de menus travaux rémunérés, leur permettant de survivre. Qu’en est-il alors des malades, des handicapés ou tout simplement des chômeurs, face à la flambée des prix ? «Qu’ils montent ou qu’ils baissent, les prix n’ont aucune influence sur notre quotidien. De toutes façons, nous n’avons rien à dépenser», déplore un père de famille, sans travail. «Le pain est déjà cher pour nous. Quant au lait, il faut d’abord le trouver», indique son voisin, accolé aux barreaux de la place, observant le marché des fruits et légumes, en contrebas. «On se contente de regarder tant que c’est gratuit», ironise-t-il. En attendant le mois de carême de l’année prochaine, ils doivent retourner à la situation qui est la leur, durant onze mois. Comme si la Rahma ne devait avoir cours qu’un mois sur douze. En l’absence de chiffres sur les démunis, le nombre de mendiants qui hantent la ville et les villages, continue de monter en flèche.
A. O. T.
