Bouira Centre d’aide au travail et Ferme pédagogique : Une institution modèle

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Ce ne sont ainsi pas moins de 12 jeunes filles et 58 jeunes hommes qui se côtoient à longueur de journée, dans les différentes salles et ateliers du centre d’aide au travail.

Atteints d’handicaps lourds pour certains, les pensionnaires, encadrés par les éducateurs du centre, ont été au fur et à mesure initiés à l’éveil de leurs facultés. La plupart des jeunes femmes fréquentant ce centre sont atteintes de trisomie.

Durant près d’une décennie, le Centre régional pour la prise en charge des enfants victimes du terrorisme a accueilli plusieurs dizaines de petits pensionnaires, avant d’être réaffecté en 2008, sur décision présidentielle, pour devenir le Centre d’aide au travail.

Un centre spécialisé qui accueille une catégorie sociale très sensible, à savoir des handicapés mentaux âgés de 18 ans et plus, afin de leur permettre une meilleure insertion dans la vie active.

Pour cela, et après sa visite en 2008 à Bouira, M. Djamel Ould Abbès, ministre de la Solidarité nationale de l’époque, le décret exécutif n°02/08 de février 2008 portant sur la création du Centre d’aide par le travail destiné à cette catégorie avait été publié.

D’une superficie de 9 700 m2, ce Centre situé à quelques mètres de la RN 33 menant vers Haizer, dispose d’une ferme pédagogique de 4 hectares.

D’une capacité d’accueil de 60 places avec un régime internat et demi-pension, le CAT a été mis en service en août 2007, après consultation et présélection des personnes handicapées, de plus de 18 ans.

Pour ce faire, c’est une commission de psychopédagogues qui étudie et sélectionne les dossiers des personnes amenées à devenir pensionnaires de ce centre.

Une sélection préalable qui permet d’assurer un épanouissement certain à cette frange de la société ayant eu généralement un parcours tumultueux avant de se retrouver dans ce centre.

Il faut dire que rares sont les pensionnaires qui ont eu la chance de passer auparavant par un centre médico-pédagogique pour bénéficier d’un apprentissage sociologique élémentaire.

Une étape indispensable et nécessaire pour l’insertion et le côté relationnel entre ces pensionnaires issus de plusieurs wilayas du pays.

Cap sur l’épanouissement des pensionnaires

Pour permettre un épanouissement maximum aux pensionnaires sur le plan social, ledit centre emploie en plus des 5 éducateurs, 15 personnes faisant fonction d’éducateurs qui viennent prêter main-forte aux 4 éducateurs spécialisés.

Cela dit, les besoins des pensionnaires ne s’arrêtent pas là et pour répondre à leurs exigences, un staff de psychologues : deux orthophonistes, deux pédagogues et une clinicienne se relaient autour de ces jeunes adultes.

La formation et l’intégration par le biais du travail dans les domaines agricole et de l’élevage contribuent en plus de la production et de la commercialisation de permettre une certaine autonomie pour ces jeunes handicapés aussi bien sur le plan financier que socioprofessionnel.

Les multiples ateliers au sein de ce centre proposent des formations en menuiserie et travail du bois, réalisation d’objets en plâtre (rosaces, gorges, corniches ……), des cours de poterie et de dessins sur poterie, de coutures et autres activités manuelles.

Egalement une classe d’éveil, encadrée par des psychopédagogues et qui permet d’évaluer le niveau de chaque pensionnaire.

Ces cours dispensés facilitent ainsi la tâche aux encadreurs qui suivent avec attention, le développement et l’éveil de certains sujets et inculquent des notions de base pour les autres handicapés n’ayant pas acquis les rudiments d’une vie sociale et ce, en l’absence de scolarité.

Produits cherchent acquéreurs

Ce ne sont ainsi pas moins de 12 jeunes filles et 58 jeunes hommes qui se côtoient à longueur de journée, dans les différentes salles et ateliers du centre d’aide au travail.

Atteints d’handicaps lourds pour certains, les pensionnaires, encadrés par les éducateurs du centre, ont été au fur et à mesure initiés à l’éveil de leurs facultés.

La plupart des jeunes femmes fréquentant ce centre sont atteintes de trisomie. Un handicap contraignant mais qui ne les empêchent pas de suivre avec assiduité les cours de couture dispensées par les encadreurs.

De très beaux ouvrages y sont ainsi confectionnés. Idem pour l’atelier de menuiserie et de travail sur bois dans lesquels sont fabriqués des banquettes. L’atelier du plâtre produit quant à lui, des objets d’ornement en plus des corniches, carreaux de plâtre et autres rosaces.

Toutefois en interrogeant M. Merdji, le directeur de ce centre sur l’écoulement des produits confectionnés, un léger malaise se fera ressentir.

Les produits ne sont pas vendus et ce, en l’absence du véritable statut du centre, qui fonctionne toujours sous l’appellation officielle du Foyer d’accueil d’orphelins victimes de terrorisme.

De ce fait, un foyer pour orphelins victimes du terrorisme ne pouvant prétendre à une quelconque vocation commerciale, les productions en bois, en plâtre et de couture attendent patiemment que le ministère de la Solidarité nationale entame les procédures nécessaires pour régulariser le statut de ce centre.

Une ferme pédagogique en quête de matériel

En 2008, 4 hectares de terres agricoles appartenant à une EAC (exploitation agricole collective) ont été affectés pour les besoins de la ferme agricole pédagogique aux pensionnaires.

D’ailleurs, et toujours au sujet des besoins des locataires en matière de terres pouvant accueillir leurs activités agricoles, il avait été décidé au cours de la visite de M. Ould Abbès, l’augmentation de cette superficie à 10 ha.

En outre, puisque ce centre dispose d’un internat, le ministre avait longuement insisté afin que les pensionnaires ne pouvant être reçus par leurs familles, bénéficient du régime d’internat.

C’est actuellement chose faite pour 55 jeunes hommes qui résident dans ce centre. Pour cela, il existe de somptueux dortoirs, composés de 5 chambres et dans lesquelles sont disposés 4 lits.

En plus de la chambre de l’éducateur et d’un salon assez coquet. Les jeunes femmes, quant à elles, résidantes toutes dans la wilaya de Bouira, bénéficient du régime de demi-pension. La ferme pédagogique dispose de trois grandes serres dans lesquelles poussent toutes sortes de légumes.

Cette année, 400 m2 ont été consacrés à la culture de la courgette, 400 m2 de tomates et de poivrons tandis que 400 m2 ont été réservés à la plantation d’arbres fruitiers : 300 oliviers, 100 abricotiers, 100 pruniers et 100 poiriers. Lors de la dernière saison céréalière, ce sont presque 3 hectares de terre qui ont été emblavés et qui ont permis la récolte de 1 160 kg de blé.

Mais pour ce faire, il a fallu que le DAS de Bouira fasse jouer ses relations personnelles afin de trouver une âme charitable pour emblaver les terres.

En effet, cette ferme ne dispose toujours pas de tracteur agricole ni du matériel nécessaire pour entretenir cette superficie. On se souvient pourtant que lors de la dernière visite du wali, dans cette ferme, le P/APC de Bouira s’était gentiment proposé pour prêter un tracteur aux fins de labourer les champs. Une proposition qui n’a malheureusement pas été concrétisée.

Pour cette saison 2010-2011, et concernant la récolte maraîchère, il est prévu des semis de carottes, choux-fleurs, navets, tomates, poivrons et piments. C’est toutefois le planning élaboré par l’administration du centre.

Paroles de psychologue : « Chaque cas est un cas »

Dans le centre d’aide au travail/ ferme pédagogique, les pensionnaires sont tous des cas nécessitant une prise en charge particulière.

C’est ce que nous affirmera une psychologue qui a eu à analyser, diagnostiquer puis traiter les différents pensionnaires en affirmant que « chaque cas est un cas ».

Les exemples ne manquent pas mais le plus flagrant demeure le parcours de Kamel B., un autiste âgé de 18 ans et originaire de Tizi Ouzou.

Ce dernier, après avoir fréquenté le centre de Douera, est arrivé à Bouira dans un état de mutisme total. Entièrement renfermé sur lui-même, il ne parlait pas, juste en émettant quelques grognements en guise de communication.

Son environnement familial n’étant pas en mesure de lui permettre un épanouissement, c’est dans l’enceinte du centre d’aide par le travail de Bouira qu’il échouera après avoir fréquenté différents centres pour handicapés à Sétif et à Douera.

Des séjours qui lui auront été favorables car ayant bénéficié d’une prise en charge précoce, le jeune Kamel se révèle être un artisan de première qualité.

En effet, ses doigts de fée ébahissent encore le personnel du centre. Mais à force de séances avec les psychologues, Kamel a brisé peu à peu le mur du silence dans lequel il évoluait jusque-là.

Petit à petit, il deviendra sociable en émettant quelques sons distincts. Son labial avait évolué et il enchaîne maintenant quelques syllabes comme « Papa », « Mama ».

Auparavant irascible et n’acceptant aucun contact physique avec son entourage, il est devenu un des pensionnaires les plus populaires du centre.

Inutile de préciser que pour sa famille, la satisfaction et la joie sont au rendez-vous lorsqu’il retourne chez lui durant les vacances.

Un autre pensionnaire est également très apprécié par le personnel du centre, il s’agit d’un jeune homme d’Adrar qui lors de son arrivée au centre était très timide et jamais il ne soufflait mot.

Depuis son état s’est relativement amélioré et il réussit à communiquer avec ses camarades et même son comportement dans le milieu familial a progressé de manière remarquable. Pour les filles, toutes atteintes de trisomie 21, les progrès sont aussi visibles même si ces dernières sont plus renfermées.

Le retard intellectuel des trisomiques étant constant, les acquisitions pédagogiques se limitent souvent aux rudiments de la lecture et de l’audition, mais l’enfant trisomique est particulièrement sensible au conditionnement.

Même avec quelques lacunes, comme le manque de certains matériels pédagogiques adéquats à chaque pensionnaire, les psychologues et l’ensemble du personnel du centre ne lésinent aucunement sur les efforts et ce sont des jeunes adultes épanouis qui retrouvent en ces lieux, une nouvelle vie.

Hafidh Bessaoudi

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