Un  »road-movie » plonge Venise dans l’univers des réfugiés palestiniens

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Avant de quitter les territoires palestiniens pour s’installer à l’étranger, Ahmad, cinéaste (Mahmoud Massad), accepte un dernier travail: auditionner des acteurs pour le nouveau Théâtre national palestinien, en cours de construction grâce à des fonds européens.Il part alors à la recherche de talents avec une journaliste, Bissan (Areen Omari), et son caméraman, surnommé Lumière (Youssef Baroud), dans les camps de réfugiés palestiniens disséminés en Jordanie, en Syrie et au Liban. Au cours des auditions, Ahmad demande aux candidats de jouer ce qui est l’essence même de leur présence dans les camps: l’attente. »Nous autres Palestiniens avons le sentiment de ne pas contrôler notre destin. L’espoir d’une solution surgit parfois puis disparaît et nous recommençons alors à attendre. Attendre fait partie intégrante de nos vies », estime Rashid Masharawi, qui se refuse cependant à sombrer dans le pessimisme. »Je passe moi-même beaucoup de temps à attendre. Par exemple je me suis retrouvé une fois coincé pendant deux mois à Gaza avec le couvre-feu. Mais on ne peut pas rester triste pendant deux mois: on rit quelquefois, on fait des plaisanteries et on essaie de passer notre temps de la façon la plus agréable possible », confie-t-il en anglais dans un sourire à l’Hôtel Excelsior sur le Lido.Même si « Attente » comporte des scènes difficiles, comme cette visite poignante du cimetière des victimes des massacres de Sabra et Chatila au Liban, l’humour n’est jamais loin.Ainsi quand Bissam fait des essais de son pour la caméra de Lumière, elle récite de façon mécanique des phrases milles fois répétées lorsqu’elle était journaliste et qui se sont vidées de leur sens : « L’Union européenne a exprimé son espoir d’une solution prochaine… Les Etats-Unis se réjouissent de la signature d’un accord… Le Premier ministre palestinien pense que la crise peut être résolue… »La cause des réfugiés touche Rashid Masharawi dans sa chair. « Moi-même je suis un réfugié. Ces trois dernières années, je n’ai pas pu rentrer chez moi à Ramallah (Cisjordanie). J’ai essayé plusieurs fois, que ce soit en passant par la Jordanie ou Gaza, mais ça n’a pas marché. J’ai utilisé tout ce temps passé à attendre de rentrer chez moi pour faire ce film », raconte-t-il, rappelant qu’actuellement il y a environ quatre millions de réfugiés palestiniens. « Être un cinéaste palestinien est un acte politique en raison de ce que l’on voit dans nos films (l’occupation, les barrages sur les routes…) Mais en fait nous n’essayons pas de faire de la politique, nous essayons simplement de raconter nos histoires ou d’expliquer notre vie », dit-il. »Le cinéma et les arts représentent un bon moyen pour communiquer, raconter des histoires et voir l’Autre », conclut-il. Le film de Rashid Masharawi, coproduit notamment par la chaîne franco-allemande Arte, a été présenté à Venise dans le cadre de la section parallèle Giornate degli autori (Journées des Auteurs), équivalent vénitien de la Quinzaine des réalisateurs cannoise, et sera en compétition au festival de Toronto (Canada).

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