Il y a neuf ans, Bab El Oued était inondé : La goutte qui a fait déborder… la vase

Partager

Dans la matinée du 10 novembre 2001, des pluies diluviennes, d’une rare violence, se sont abattues sur Bab El Oued. Conséquence : près de 800 morts et un nombre, non encore établi à ce jour, de disparus. L’orage, qui n’avait duré que quelques minutes, devait “ressusciter” un oued, à l’origine de l’hécatombe, qui était endormi depuis des lustres. Charriant dans sa folie des milliers de tonnes de boue. A la rue des Trois-Horloges, la plus touchée par les spectaculaires inondations, les gens n’ont pas tourné la page facilement sur le jour le plus long de leur existence. Ils se sont juste soumis à la volonté de Dieu. Le bilan de la catastrophe de Bab El Oued est effarant et il l’est d’autant plus que les causes de la tragédie ayant fait, selon le dernier bilan rendu public hier, 757 morts à l’échelle nationale dont 706 pour la seule capitale, sont loin d’être d’origine pluviométrique mais bien plus, aggravées par un cumul de déficits et de laisser-faire dans les pratiques anarchiques de la gestion de l’espace urbain. La maffia du foncier, l’attribution anarchique de terrains à bâtir, la destruction des zones boisées, la détresse des populations ayant fui le terrorisme et élu domicile sur les berges des oueds quand ce n’est pas sur leur lit, l’absence de toute réglementation en matière de planification de l’espace urbain sont autant de facteurs ayant été propices à l’hécatombe de Bab El Oued. La responsabilité de l’Etat est entière, et tous les justificatifs avancés par le ministre de l’Intérieur ne font qu’appuyer cette thèse : c’est l’irresponsabilité cumulative d’une situation de non-Etat qui est à l’origine de l’ampleur de la tragédie. Or, s’il faut rester dans cette logique de responsabilités isolées, une enquête montre que la dilapidation des biens fonciers a atteint des proportions alarmantes au temps de la gestion des APC par les DEC. A cette véritable politique de l’autruche d’un pouvoir qui se rejette la balle et se cache dans ses inepties, plus grave encore et qui se surajoute à ces sédiments d’une politique à tout-va qui obéit à la seule loi de la jungle : le bulletin spécial des services météorologiques transmis à temps aux autorités n’a pas été pris en compte. Pourtant, affirment des experts en la matière dont un spécialiste algérien en risques majeurs, le bilan aurait été moins lourd si le plan ORSEC avait été déclenché à temps. Ils révèlent, par ailleurs, l’absence d’une carte nationale des risques de catastrophes naturelles par wilaya et d’une structure nationale de gestion des catastrophes. Ils rappellent que le décret de 1985 portant sur l’organisation du plan ORSEC existe bel et bien mais qu’il a été depuis, mis dans un tiroir. Les ravages commis depuis l’Indépendance et qui sont allés en s’amplifiant par les  » intempéries  » du pouvoir ont été ainsi mis à nu comme pris en flagrant délit, par des intempéries naturelles qui, dans un Etat responsable, n’aurait pas provoqué l’hécatombe à Bab El Oued.

Ferhat Zafane

Partager