Bouira : Un sacrifice pour le bonheur des enfants

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Cela fait un peu plus d’une semaine maintenant depuis que les foires de moutons et béliers ont été improvisées ici et là à travers les territoires de la wilaya.

Même la grisaille et la flotte enregistrées ces derniers jours ne découragent pas les maquignons décidés, en se frottant les mains, à capitaliser “l’opportunité abrahamique”. Comme chaque année, le Bouiri, à l’instar de ses concitoyens d’autres régions du pays, constate que le prix du mouton a encore grimpé jusqu’à mettre en péril sa mensualité.

Et comme chaque année, découragé par l’entêtement ovin à maintenir la dragée haute, ce commun des Bouiris, décidera de faire sienne la générosité religieuse affirmant que “La toukelifou nefsoune illa wusâaha” (Nul n’est contraint d’aller au-delà de ses forces). Mais c’est compter sans la frustration prévisible des…enfants. Il finira donc, souvent à la dernière minute, par céder face aux regards insoutenables de chérubins réclamant leur “gentil petit mouton”.

Du coup, les économies du papa, toutes les économies, sont mobilisées pour faire la joie “n warrac” (des enfants). Le père finira donc par céder, après avoir lâché histoire de s’armer de courage : après tout, “H’yini lyum, q’telni ghedwa” (Laisse-moi vivre aujourd’hui, tue-moi demain) !

Il n’a pas besoin d’aller loin pour trouver la bête : partout, à commencer devant chez lui, des troupeaux de moutons à vendre bêlent. Il commence par tâter, sans grand espoir, le terrain de la bourse. Premier constat : impossible d’aller en dessous des 20 000 dinars pour une bête ne pesant pas plus qu’une dinde et, qui plus est, sans cornes, cette excroissance conique et dure est exigée par les enfants. Ne perdant toujours pas espoir, le père de famille continue sa prospection. Il ira dans le grand souk à bestiaux. Là il aura sans doute plus de choix. Pas vraiment, du moins pas de choix s’agissant des prix. Il finira par s’arrêter devant un troupeau de moutons jugés moyens, pas le gabarit : le prix. Ce mouton moyen est d’autant plus intéressant qu’il est pourvu de quelques centimètres de cornes. Mais les économies du père de famille sont loin de satisfaire la voracité du marchand exigeant pas moins de 35 000 dinars pour un petit “izimer” à peine cornu. Encore un petit tour dans ce micmac de souk. Il finira par tomber sur un autre “mouton moyen” que le maquignon cèdera moyennant 30 000 dinars. Avec un peu de chance, il réussira peut être à convaincre le marchand de soustraire 2000 dinars. Mais il n’y compte pas trop. De toute façon, au point où il en est 1000 ou 2000 dinars de plus…

Le soir même, et quel que soit le prix à payer, le père rentre chez lui avec la bête au bout de la ficelle. Les enfants les attendaient depuis déjà un moment. Ils sautent sur la bête. Le père laisse faire. Ce bonheur vaut tous les sacrifices, doit-il se dire.

Salas O. A.

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