Les maquignons sont dans l’impasse, ils ne savent plus quoi faire des troupeaux de moutons qu’ils ont…stockés, le temps de faire chauffer le tambour des prix au niveau des marchés à bestiaux.
Simplement ces maquignons qui écumaient les marchés et qui se sont constitués en de véritables réseaux pour avoir une mainmise totale et faire main basse sur cette activité étaient loin de s’attendre au fait que de nombreux éleveurs tant locaux que ceux venant des régions limitrophes ont «appris la musique » et ont fini par s’aligner sur le même procédé que les intermédiaires. ils ont retardé au maximum la vente des moutons pour noyer carrément les marchés à moins de deux semaines de l’Aïd, les citoyens voulant acheter un mouton destiné à l’immolation voient ainsi se présenter pour une fois à eux une aubaine de l’acquérir de première main et ignorent superbement le produit proposé par les maquignons bien connus au niveau des marchés à bestiaux.
Ces derniers subissent un pénible retour de manivelle et s’affolent, pris d’une panique grandissante au fur et à mesure que le temps passe et que l’Aïd approche sachant qu’au-delà de cette fête religieuse, les prix chuteront de moitié et que nos futés maquignons risquent d’y laisser une partie même de leurs capitaux.
C’est ainsi que ne tenant plus en place, ils quittent les marchés et se lancent à l’assaut des villes, villages et bourgades même les plus éloignés trimbalant leur cargaison…bêlante par chargements entiers dans l’espérance d’écouler quelques têtes. Retournement de situation, ces spécialistes de la spéculation se sont subitement. humanisés en proposant même leur produit avec des facilités de payement. leur arrogance et leurs airs hautains ont disparu pour faire place à une angoisse apparente sur des visages congestionnés, ils se font mielleux et presque suppliants, une métamorphose qui tire des sourires aux citoyens bien au fait de ce renversement de situation et ses raisons. Depuis le début de cette semaine, les citoyens assistent amusés et étonnés à un défilé de moutons à travers tous les centres habités par troupeaux entiers embarqués dans des camions, camionnettes qui se suivent, se croisent et se disputent les espaces au niveau des places publiques ou de terrains vagues transformés pour la circonstance en marchés à bestiaux. Ces revendeurs sont à deux doigts de changer de procédure et tenter d’écouler leurs embarrassantes et angoissantes marchandises à la criée comme poissonniers. Ces spécialistes de la spéculation qui avaient la bride au coup et qui font la pluie et le beau temps dans ce créneau se retrouvent ainsi par un concours de circonstances piégés par leur boulimie et risquent d’y laisser des plumes cette année. En effet, en plus de voir les clients se rabattre sur les éleveurs, les maquignons se verraient contraints de continuer à nourrir les bêtes non écoulées, avec l’aliment servant à l’engraissement rapide mais très cher. Changer la composante de la nourriture et la remplacer par le foin et la paille aurait pour résultat de voir les bêtes perdre du poids aussi rapidement qu’elles ont en pris.
Pour éviter des dépenses supplémentaires qu’ils ne rattraperont jamais après la fête de l’Aïd, il ne leur resterait comme initiative pour éviter une perte…sèche que de se reconvertir en…bergers.
Oulaid Soualah
