Entretien avec Dalil Makhloufi, président de l’association Tagmats de Lyon : “Nous avons une culture, et une identité à défendre”

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Animateur radio et militant amazigh, Dalil Makhloufi, appelé communément Dalil amazigh, est aussi président de l’Association Tagmats de Lyon. Cette Association, très active, par ailleurs, même en Kabylie, organisera ce soir un grand hommage à Matoub Lounès. Dans cet entretien, Dalil évoque plusieurs sujets liés principalement aux activités et aux projets de son association…

La Dépêche de Kabylie : Vous êtes responsable de l’Association Tagmats de Lyon, pouvez-vous la présenter à nos lecteurs ?

Dalil Makhloufi : Tout d’abord, je tiens à remercier la Dépêche de Kabylie de nous avoir permis de nous exprimer mais en même temps d’honorer la mémoire de Lounès Matoub à chaque fois que l’on évoque son nom dans votre journal. L’association Tagmats a été créée en 2003 par moi-même et mes amis, Ali Belkadi, Louiza Prévost et Kaci Keffil pour combler un manque au niveau culturel dans la région lyonnaise. Notre association s’efforce avec peu de moyens d’organiser des évènements qui nous sont chers à savoir Yennayer, le Printemps Amazigh, la Journée de la femme et un hommage à notre symbole Matoub Lounès.

Tagmats s’es distinguée en 2006 en réussissant à convaincre le maire de donner le nom d’une esplanade Lounès Matoub à chasse-sur-rhône dans la région lyonnaise en mettant en avant le combat universel de Lounès Matoub, son statut de laic et de démocrate… l’esplanade Lounès Matoub voit le jour et un monde fou se rend dans la commune le 18 novembre 2006… Des invités de marque dont la sœur du rebelle étaient présents, une conférence et un concert ont eu lieu. J’espère d’ailleurs qu’à l’avenir Matoub aura une place digne de son rang dans son propre pays et pourquoi pas le stade de Tizi Ouzou…

Quelles sont, au fait, les activités de votre association ?

Concernant notre programme, cet événement s’inscrit dans le cadre et la journée de la tolérance et de la solidarité pour non seulement honorer la mémoire du poète mais aussi pour continuer la restauration des stèles de Matoub qui ont été saccagées dans nos villages kabyles. Nous avons concocté un programme très riche avec le film documentaire de Youcef Lalami Matoub la voix du peuple, suivi d’une conférence de Mohamed Benchicou qui viendra présenter son livre mais aussi parler de la relation entre Lounès et les journalistes…

Enfin, en soirée un concert en hommage au rebelle avec Akli D, Aldjia, Ratiba, Rachid Allioui et Karim Slaim que je remercie pour leur disponibilité car ils viennent chanter bénévolement pour cette cause. Je tiens à le dire de grands noms de la chanson kabyle, qui rendent hommage sur scène à Lounès ont refusé de venir ou alors ont fait la sourde oreille… sans parler d’un grand média berbère qui nous a censuré… c’est malheureux!

Quel est le lien véritable avec la Kabylie ?

L’association Tagmats essaie d’activer en France en organisant des conférences-débats, des rencontres littéraires mais en proposant chaque semaine des émissions culturels avec des interventions à la radio, des interviews de personnalités, écrivains, chanteurs, journalistes.

la chanson à texte est sa priorité et l’émission berbère sans frontières est devenue incontournable pour celles et ceux en quête de vérité…

Nous donnons également des cours de poésie et de guitare chaque semaine avec Kaci et Samir. Nous activons aussi dans la mesure du possible en Kabylie avec nos propres moyens afin d’aider des jeunes artistes, peintres ou autres qui n’ont pas accès aux médias ou qui sont marginalisés et livrés à eux-mêmes.

En 2008, de retour de Kabylie, nous avons décidé de récolter des fonds et de lancer un appel pour les stèles de Matoub qui sont à l’abandon ou qui ont été saccagées par les ennemis de la démocratie. Nous avons lancé une revue annuelle qui s’appelle “Tagmats” dont les bénéfices serviront à restaurer les stèles en souffrances… Draâ El Mizan, Tizi N’tleta et Bounouh ont déjà été rénovées malgré des blocages et parfois des intimidations…. D’autres vont venir c’est une question de temps et de moyens.

Des projets d’avenir ?

Pour moi le lien avec la Kabylie est l’amour que je porte à cette région, à nos montagnes et à cette culture ancestrale qui n’a rien à envier aux autres ! J’estime que tout Amazigh où qu’il se trouve a le devoir d’aider avec les moyens dont il dispose cette région qui a tant donner pour les libertés et la justice….

Nous avons de nombreuses idées en tête, notamment d’aider des villages à se doter d’une bibliothèque, de salles de sports etc…

Car nos jeunes sont laissés à l’abandon et ne voient de solution que l’exil, c’est dommage dans un pays si riche…

Vous avez construit une stèle commémorative à la mémoire de Matoub Lounès et Ali Zammoum, parlez-nous un peu de ces deux personnages ?

Ce sont de grands symboles dans notre région et dans l’Afrique du Nord…

Ali Zammoum est un grand révolutionnaire qui a beaucoup donné pour l’indépendance, la Déclaration de la révolution a été rédigée chez lui en 1954 mais c’est aussi un homme de principe et de valeurs, qui a aidé énormément de gens, d’artistes, il est d’ailleurs à l’origine du retour de Kateb Yacine en Algérie !

Cette stèle est aussi une façon de lui rendre hommage car c’est lui même qui avait financé la construction de la statue de Matoub qui a été saccagée à Tizi N’tleta et donc on a décidé de le mettre aux côtés de celui qui est l’idole du peuple, Matoub Lounès qui a lui aussi tout donné pour sa culture, sa langue et ses montagnes…

Je lance un appel à tous mes frères de Kabylie et d’ailleurs d’être solidaires plus que jamais, mettre de côté tout ce qui nous a divisé et se mettre autour d’une table pour enfin nous réconcilier et avancer pour le bien de la Kabylie.

Un mot pour conclure…

J’espère juste que nos compatriotes continueront dans le chemin de Mammeri, Taos Amrouche, Mohya, Brahim Izri, Haroun, Bessaoud, Matoub et tant d’autres. Qu’ils continueront à être vigilants sur la situation dans la région et à dénoncer les agissements de certains. Nous avons une culture, une identité à défendre. Le terrain a été laissé aux charognards. Merci beaucoup à la Dépêche de Kabylie de nous avoir soutenus et d’être fidèle à notre Rebelle.

Merci aussi à tous nos partenaires et tous ceux qui nous ont soutenus pour cet hommage…

M. Mouloudj

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