Climat d’investissement et partenariat avec l’étranger : Encore du pain sur la planche

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En conférant l’année dernière, de nouvelles missions à l’Agence nationale du développement de l’investissement (ANDI), le gouvernement entendait assainir le dossier des projets candidats au soutien de l’Etat. Ce soutien concerne principalement les différentes catégories d’incitations fiscales (TVA, fiscalité appliquée aux régions du Sud,…) auxquelles ouvrent droit certains projets d’investissement.

L’ANDI, qui est issue de l’ancienne APSI (Agence de promotion et de soutien à l’investissement), a vu, pendant plusieurs années, son rôle s’amenuiser un peu plus chaque jour, au moins pour deux raisons : les bureaux d’études (généralement de comptabilité) chargés de présenter l’ossature des investissements projetés par un candidat au soutien de l’État se limitent à adapter les ‘’desiderata’’ de ce dernier aux différentes brèches de soutien permises par le code des investissements (dégrèvements fiscaux, douaniers, exonération de la TVA,…) ; ensuite, du fait que l’Agence n’était pas habilitée à suivre le parcours que prendra cette intention d’investissement. De ce dernier problème, découlent deux handicaps : l’impossibilité d’accompagner le candidat dans le fouillis bureaucratique qui l’attend au niveau des banques, du foncier ou des autres équipements publics que requiert son action d’investissement, ainsi que le non suivi de la concrétisation ou non dudit investissement. Combien de faux investisseurs ont utilisé juste l’exonération de la TVA appliquée à certains véhicules utilitaires importés pour verser dans un mercantilisme de bas étage en revendant le matériel ainsi acheté à un prix fort, du moins qui leur permettra de s’accaparer du montant de la TVA.

Les pouvoirs publics ont, dans ce cas de figure, bien cerné le problème en octroyant à l’ANDI, par le truchement d’un arrêté interministériel, plus de prérogatives et en élargissant son champ d’action jusqu’à pouvoir suivre et contrôler les projets d’investissement qui ont bénéficié via l’Agence, des soutiens de l’État. Dorénavant, un état des lieux annuel de l’avancement du projet devra être présenté à l’Agence. L’investisseur est tenu de déposer un document –établi préalablement par l’Agence sur la base de renseignement fournis par le porteur de projet- dans la limite des délais fixés dans le cadre du dépôt des déclarations fiscales annuelles au titre de l’IRG (impôt sur le revenu global) et de l’IBS (impôts sur le bénéfice des sociétés). Tout changement dans la conduite ou le contenu du projet doit être signalé à l’Agence. Ainsi, entre celle-ci et le service des Impôts, une relation étroite s’établit du fait que les moyens de coercition et de sanction en cas de défaillance (non respect de la formule initiale du projet) relèvent précisément des services fiscaux lesquels, une fois avertis par l’ANDI, actionneront leur machine répressive pour annuler les avantages fiscaux dont avait bénéficié l’investisseur.

Cette nouvelle étape institutionnelle rejoint et accompagne également une autre mesure importante prise par le gouvernement en avril 2009. Il s’agit de la mise en place d’un Fonds national d’investissement (FNI). Ce Fonds est mis en place à partir du 1er mars de la même année. Il est considéré comme un nouvel instrument d’accompagnement financier des entreprises. Le FNI est issu de la restructuration de la Banque algérienne de développement (BEA), structure chargée traditionnellement de la gestion des prêts extérieurs destinés au développement des infrastructures et équipement publics. En s’inscrivant dans “la dynamique de soutien financier à l’investissement», comme le souligne le ministre des Finances, Karim Djoudi, ce Fonds doté initialement de 150 milliards de dinars est chargé “d’apporter les ressources financières supplémentaires et de répondre aux attentes des investisseurs par une approche nouvelle”.

Des IDE basés sur les transactions commerciales

Jusqu’en 2009, les crédits bancaires mobilisés pour financer l’économie se montent à 2600 milliards de dinars, soit une croissance annuelle de 15%. C’est en complémentarité de ces crédits que le FNI sera mobilisé avec, il est vrai, quelques avantages comme la possibilité de prêts consensuels à des taux réduits, mais aussi une possibilité de garantie par l’Etat. Le ministre des Finances précise que ce sont des financements à long terme destinés à encourager les investissements directs étrangers (IDE) ainsi que les investissements nationaux.

Par ailleurs, le souci des autorités algériennes en matière d’investissements, surtout étrangers, trouve sa justification dans la conjoncture mondiale de crise qui réclame plus d’imagination et moins d’approximation dans le développement d’une politique attractive.

Cependant, le gros des investissements étrangers réalisés au cours de ces dernières années, l’ont été dans le domaine de la pure transaction commerciale dans le sens des exportations vers l’Algérie. Il y a lieu de noter que 1 665 sociétés étrangères- soit 52 nationalités-exercent en Algérie l’activité d’import-export.

La politique nationale d’investissement, particulièrement son côté partenariat avec l’étranger, a fait l’objet de sévères critiques de la part du président de la République Elles ont été exprimées publiquement en 2008, face aux maires regroupés à Alger. Quelques semaines après, une mesure a été prise par le Chef du gouvernement ; elle concerne l’établissement d’une taxe qui grèvera les dividendes réalisés par les entreprises étrangères exerçant en Algérie. Les transferts d’argent- exonérés de toute imposition- effectués par ces entreprises vers leurs pays d’origine ont été qualifiés, bien tardivement, de “fuite de capitaux’’. Des analystes ont, depuis quelques années déjà tiré la sonnette d’alarme quant à cette fuite considérable de capitaux qui pénalise l’Algérie. La loi de finances de l’année 2009 avait pris en charge cette mesure de fiscalisation des dividendes des sociétés étrangères. Un article de la loi de finances considère les bénéfices transférables des succursales et autres installations aux sociétés-mères établies à l’étranger comme dividendes qui doivent être soumis à une taxe de 15 %. Les sociétés étrangères exerçant en Algérie sont censées, d’après la nouvelle loi, créer une filiale ou une succursale, ou bien une autre entité professionnelle au sens fiscal.

L’Algérie enregistre une moyenne des investissements directs étrangers de l’ordre d’un milliard de dollars par an, entre 2002 et 2008. Pour l’année 2009, un bond a été enregistré en la matière selon l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA), institution du Groupe de la Banque mondiale chargée de promouvoir le secteur privé.

Les IDE sont considérés par les analystes comme un critère sur le degré d’attractivité d’un pays (politique fiscale, secteur bancaire, foncier, facilitations administratives,…). Pour certains acteurs locaux, à l’image d’Issad Rabrab, patron de Cevital, les investissements étrangers ne constituent pas une condition obligatoire pour se lancer dans des opérations d’investissement dans leur propre pays. Dans des conditions idéales du climat d’investissement- où les banques, les dispositifs et règlements fonciers, l’accompagnement en infrastructures publiques …etc, joueraient le jeu)- l’Algérie pourrait capter des volumes en IDE autrement plus importants, qui seraient, selon certains experts, de l’ordre de l’ordre de 5 à 6 milliards de dollars.

Loin des potentialités réelles du pays

Le fossé entre les potentialités d’investissement et la réalité du terrain est illustré dans un rapport que la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement a établi sur l’investissement dans le monde en 2008. L’Algérie se retrouve dans la position de huitième en Afrique en matière d’attractivité pour les investissements étrangers. Ces derniers étaient de 1,6 milliard de dollars en 2007 en direction de l’Algérie, selon l’institution onusienne. L’Algérie vient bien après le Nigeria (12,5 mds de $), l’Égypte (11,6 mds de $), l’Afrique du Sud (5,2 mds de $), la Maroc (2,6 mds de $), la Libye (2,5 de $) et le Soudan (2,4 de $). Pour toute l’Afrique, les IDE représentaient 53 milliards de dollars en 2007.

Pour l’année 2008, l’Observatoire international des investissements étrangers (ANIMA) fait état d’une chute des investissements étrangers en Algérie de l’ordre de 40 %. Certaines défections sont celles enregistrées pour les intentions d’investissement émanant des pays du Golfe. On parle même de 5 projets complètement abandonnés.

En présentant l’année dernière son guide intitulé « Investir en Algérie », Jean Marie Pinel, P-DG du cabinet d’audit et de conseil KPMG Algérie estime que la baisse du nombre des intentions d’investissement confiées à son cabinet par des candidats étrangers a une relation avec la crise mondiale, comme elle peut aussi s’expliquer par les nouvelles réglementations algériennes afférentes aux investissements étrangers.

Il est à signaler que depuis 2005, les investissements directs étrangers en Algérie ont créé quelque 250 000 emplois.

Amar Naït Messaoud

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