Pour les Imazighen, Yennayer est d’abord, une porte qui s’ouvre sur le nouvel An et appelée ’tabburt useggwass’ (la porte de l’année). Sa célébration s’explique par l’importance accordée aux rites et aux superstitions de l’époque dont certaines subsistent encore de nos jours. La période en question attire particulièrement l’attention car la saison correspond à l’approche de la rupture des provisions gardées pour l’hiver. Il convient donc de renouveler ses forces spirituelles en faisant appel aux rites. À cette époque de l’année, le rite doit symboliser la richesse. Ainsi, pour que la nouvelle année entamée soit plus fructifiante et la terre plus fertile, il convient de se purifier et de nettoyer les lieux. On obéit également aux lois rituelles tel que le sacrifice d’un animal (Asfel) sur le seuil de l’année, comme on le fait encore de nos jours sur les fondations d’une nouvelle bâtisse. Le rituel asfel symbolise l’expulsion des forces et des esprits maléfiques pour faire place aux esprits bénéfiques qui vont nous soutenir l’année durant.
Si les moyens le permettent, seront sacrifiés autant de bêtes qu’il y a de membres de famille. La tradition a retenu le sacrifice d’un coq par homme, une poule par femme et les deux ensembles pour les femmes enceintes afin de ne pas oublier le futur bébé. A défaut de viande, chaque membre de famille sera représenté par un oeuf surmontant une couronne de pâtes. Le dîner ce jour làsera servi tard et se doit d’être copieux, ce qui aux yeux des Imazighens augurera une année abondante. La viande de l’animal sacrifié y sera servie conformément au rite. Certains ne pouvant se permettre un tel sacrifice, servent de la viande sèche, comme acedluh, gardée pour de pareilles occasions : un Yennayer sans viande fût-elle sèche n’en était pas un ! Lors du dîner, une cérémonie est prononcée afin de préserver les absents et de faire que l’année soit bonne.
Les absents ne seront pas les oubliés du repas : des cuilléres disposées par la mère symbolisent leur présence et une proportion symbolique leur sera laissée dans le plat collectif, sensé rassembler toutes les forces de la famille. Après le repas, il convient de vérifier si tout le monde a mangé à sa faim. C’est la maîtresse des lieux internes (la grand-mère ou la mère) qui pose la question aux enfants pour savoir s’ils ont mangé à leur faim : la réponse est necca nerwa (oui nous avons mangé et sommes rassasiés). La maîtresse des lieux n’oublie pas non plus les proches ou les voisins, lesquels, lui rendent également des aliments différents : il n’est pas de coutume de laisser balader des ustensiles vides le jour de laawachar (jour béni). La fête garde de sa saveur pendant les quelques jours qui suivent l’événement. Les nouveaux ustensiles rangés après la dernière célébration vont redescendre de tareffit (étagère), on prépare lesfenj (des beignets), tighrifin (crêpes), et tous autres plats et gâteaux rappelant une saveur rare fût-elle importée. Seront également au rendez-vous, les fruits secs amassés ou achetés le reste de l’année, figues sèches, amandes, noisettes, dattes, etc. Un autre rite est pratiqué : le carnaval. Les enfants se masquent à l’aide d’une courge évidée, percée de trous pour les yeux et la bouche ; on colle des fèves qui seront des dents et des poils de chèvre pour la barbe et les moustaches. Ils vont par petits groupes à travers les ruelles et font des collectes.
H.N.