De notre envoyé spécial à Oran : Ali Boukhlef
Le Président a débuté son intervention, empreinte d’émotion, par un véritable mea culpa envers les enfants des harkis qui « ne doivent pas assumer les actes de leurs parents ». « Nous devons demander pardon aux enfants des harkis, à qui nous avions fait subir la haine qu’on véhiculait envers leurs parents », a dit le chef de l’Etat qui reconnaîtra que « cette grave erreur commise au lendemain de l’Indépendance » a porté préjudice « au pays ». Abdelaziz Bouteflika voulait « éviter une autre erreur », à travers ce clin d’œil. Ce n’est pas vis-à-vis de cette catégorie, mais plutôt des familles et des enfants des terroristes qui ne doivent pas, selon toujours l’orateur, payer à la place de leurs parents. « Ce sont tous des Algériens », s’écrient le président de la République pour dire qu’il n’y a pas d’autre solution à proposer aux Algériens. Devant un aréopage de personnalités oranaises, dont Belloumi, Hadj El Ghaffour, Cheb Mami et d’autres encore, et dans un stade Zabana plein comme un œuf, Bouteflika ne s’est pas empêché de dire ses « vérités » en appelant les Algériens à « pardonner ». « Je ne suis pas venu acheter vos voix. Je suis venu juste vous demander de pardonner à ceux qui ont déraillé et tué d’autres Algériens ». En disant cela, le Président se dit dans l’incapacité de le faire « à la place des gens qui ont souffert ». Sur un ton grave et qui a laissé perplexes les présents, il dira que « la charge est très lourde » pour pouvoir la supporter « seul ». « Je sollicite votre aide parce que le fardeau est très lourd pour moi. Je ne peux le porter tout seul. La décision n’est pas venue du sommet, mais émane des aspirations de ceux qui ont été touchés dans leur chair ». Et pour tenir un discours particulier aux Oranais auxquels il est « fier de ramener de l’eau douce » en inaugurant une station de dessalement de l’eau de mer, le chef de l’Etat s’est livré à une dissertation sur « la perte de l’identité nationale ». Non pas que la société s’est « occidentalisée », mais qu’elle a « perdu ses repères » et que les jeunes algériens ne « savent pas s’ils sont berbères, arabes ou musulmans ». Il dénoncera à l’occasion ceux qui veulent « importer le modèle afghan » et portent le « qamis », qui n’a rien à voir avec « le costume traditionnel algérien » et ceux qui « distribuent des tracts contre les femmes qui teintent leurs cheveux ». Bouteflika dit regretter que « les jeunes ne connaissent pas grand-chose sur la révolution de Novembre et les héros de notre pays », tout comme il exprimé sa désapprobation contre les jeunes « qui cherchent à aller ailleurs » alors que le pays a « versé son sang dans les écoles et les universités pour les former ». Abdelaziz Bouteflika a en outre appelé les Oranais à « voter massivement », le 29 septembre, même contre la charte. « Ne votez pas pour ou avec moi, mais sortez tous pour voter avec votre conscience. Si le projet ne vous convient pas, votez contre et vous êtes libres de le faire ». Cette phrase est devenue, en fait récurrente dans tous les discours du Président. Craint-il un fort taux d’abstention ? Peut-être, même s’il ne le dit pas clairement, Bouteflika a donné une partie de la réponse en insistant surtout sur la participation des citoyens au scrutin. Autre sujet qui revient dans les discours du chef de l’Etat, celui de l’hommage appuyé qu’il rend souvent à l’armée et aux services de sécurité. Il ne s’est pas empêché, à Oran, de dire que « les Algériens critiquent les généraux, mais leur font appel lorsqu’ils sont en difficultés ». « Il faut reconnaître que c’est l’armée qui a sauvé la République, aux côtés des services de sécurité et des Patriotes » ; a-t-il avoué, tout juste avant de finir son discours. Il dira aussi que « nous ne pouvons pas condamner ceux qui ont utilisé la violence pour sauver l’Algérie », allusion faite aux dépassements commis par les services de sécurité. Auparavant, Bouteflika a critiqué les « pays arabes » qui n’ont pas soutenu l’Algérie dans sa tragédie. Pire, le Président reproche à « nos frères » de fuir à « chaque fois qu’ils se trouvaient devant un Algérien ».
A. B.