On lui doit une œuvre prolifique romanesque dans laquelle l’Algérie, son histoire et ses tourments occupent une place centrale. Aussi, sur la place d’Alger, il est connu comme avocat. Pour en savoir plus sur cet homme à double casquette, loin des prétoires, il a bien voulu s’ouvrir à nos lecteurs…
La Dépêche de Kabylie : qui est Rachid Kahar ?
Rachid Kahar : Je suis un père et grand-père de famille qui vit dans la société algérienne. De formation juridique et de sciences politiques, j’ai travaillé dans l’industrie avant de m’installer comme avocat au barreau d’Alger depuis 1985. En littérature, je suis un serial lecteur, j’ai un casier littéraire bien chargé. C’est mon hobby !
Vous êtes avocat. Le chemin qui mène des prétoires vers l’écriture est-il long ?
J’avais écrit et publié deux ou trois livres bien avant de m’inscrire au barreau. Je pense qu’il n’y a aucun lien entre les deux activités, hormis l’influence et l’inspiration peut-être. Le monde de la justice est une fenêtre édifiante pour observer la société.
Vous avez publié «Si Mohand Ou M’Hand, la vaine musique du vent». S’il était vivant, quels vers aurait-il déclamé au regard de la situation actuelle du pays ?
Personne ne peut dire quelles déclamations lui aurait inspiré le spectacle de la société actuelle. Si Mohand n’avait pas de répertoire, il avait le génie d’improviser des vers qui exprimaient ses émotions, il ne préparait rien et ne répétait pas ses poèmes. Mais les sociétés torturées ont été le terreau favorable à son inspiration et sa verve.
L’Algérie est au coeur de votre œuvre. Dans votre roman «Les naufragés de l’Albatros», vous évoquez le phénomène des Harraga. En tant que juriste, l’émigration clandestine est-elle un vrai délit ?
La répression n’est pas une réponse à un phénomène social de cette ampleur.
Votre dernier né s’intitule «Les hirondeaux ne feront plus le printemps». Pouvez-vous nous présenter cette œuvre ?
«Les hirondeaux ne feront plus le printemps» est un chassé-croisé de destins dans la période de la décennie du Printemps noir. L’aveuglement politique a fait oublier les sacrifices et les ambitions d’une jeunesse qui portait les espoirs de changement. La répression sanglante de cette révolte pacifique a pris un caractère aussi anodin que la disparition étrange des petits des hirondelles.
Un écrivain doit-il s’engager ou disparaître ?
Un écrivain est un témoin et un visionnaire de son environnement. L’art pour l’art n’existe pas dans notre société où l’on doit prendre le relais des préoccupations de nos concitoyens.
Selon vous, quel serait le déclic idoine pour remettre l’Algérie sur les rails de la modernité ?
A mon avis, l’essentiel est de redonner sa place à la jeunesse, de la laisser s’exprimer et avoir des initiatives, d’arrêter d’infantiliser les algériennes et les algériens et de les laisser prendre en main leur destin sans les caporaliser.
La lecture est le parent pauvre de la culture en Algérie. Quelles en sont les raisons et quels remèdes préconisez-vous pour ramener l’Algérien vers la lecture ?
La lecture est une activité vitale dans laquelle le lecteur est le maître de ses choix. Je pense que le goût de la lecture s’acquiert dès le plus jeune âge, il doit être communiqué au plus tôt dans la vie. Le livre doit être mis à la portée des gens dans les foyers, dans les bibliothèques et les librairies.
Vos publications sont éditées à compte d’auteur. Pourquoi un tel choix ?
Non, sur sept livres je n’en ai publié que deux à compte d’auteur. J’ai choisi cette formule pour gagner du temps, il y a des sujets de romans qui demandent à être publiés assez rapidement. Par exemple «Si Mohand Ou M’hand», qui m’a demandé douze ans de travail et d’écriture, je tenais à le publier à l’occasion du centenaire de sa mort. Comme il y a des sujets qui risquent d’être dépassés par l’actualité si on ne les publie pas assez rapidement.
Je vous laisse conclure…
Je crois que ce n’est qu’en 2011 que l’on bascule dans le vingt et unième siècle et l’avènement des transformations dont il faut prendre date. La jeunesse actuelle est tout à fait capable de prendre en main son destin et d’affronter les défis que le monde moderne ne manque pas de produire. Malgré la morosité je reste optimiste pour l’avenir.
Interview réalisée par Tarik Djerroud