D’après Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen, cité par El Watan, la fortune de Mouammar Kadhafi et sa famille s’élèverait à 120 milliards de dollars, soit bien plus que celle de Moubarak et de Ben Ali. Mais la plupart des experts se gardent de faire des estimations, tant sa fortune, opaque, est difficile à évaluer. Les avoirs de la famille sont en effet très majoritairement liquides, tandis que les participations dans des actifs physiques sont de petite taille et disséminées dans plusieurs pays étrangers. Le professeur Tim Niblock interrogé par le Guardian signale seulement que le gouffre entre les revenus pétroliers et les dépenses de l’Etat laisse à penser que la différence, qui se chiffre en plusieurs milliards de dollars, a dû finir dans les poches de Kadhafi et de ses neufs enfants.
La mainmise sur l’économie libyenne
Selon des câbles révélés par Wikileaks, les diplomates de l’ambassade des Etats-Unis affirment que le dictateur et sa famille détiennent d’importantes participations dans les secteurs du pétrole et du gaz, dans les télécommunications, dans les infrastructures de développement, dans des hôtels, dans les médias et dans la grande distribution. Ainsi, Seïf Al-Islam, le deuxième fils de Kadhafi, a accès à l’industrie pétrolière à travers la filiale via One-None Petroleum de son groupe One-Nine (nom rappelant le 1er septembre 1969, jour du coup d’Etat du père contre le roi Idris). Sa’adi, le troisième fils, qui détient une boîte de production de films, serait aussi très présent dans l’immobilier, le tourisme et les infrastructures libyennes, selon les Echos. La fille, Aisha, a quant à elle des intérêts dans Saint James, une clinique privée à Tripoli. Elle aurait par ailleurs des liens avec les secteurs de l’énergie et du BTP. Patron du Comité olympique libyen, Muhammad, l’aîné contrôle 40% de la société qui distribue Coca-Cola dans le pays, selon les Echos. Il dirige aussi l’autorité nationale des télécoms.
Un fonds souverain opaque
La manne pétrolière aurait permis à la Libye d’investir près de 51 milliards d’euros, notamment à travers la Libyan Investment Authority (LIA), fonds souverain créé en 2006, qui serait parmi les plus opaques au monde. Si ces investissements émanent théoriquement de l’Etat libyen et non pas de la fortune personnelle du dictateur, cette distinction est toute artificielle. Selon le Financial Times, le LIA passe par des fonds de private equity comme Carlyle et des banques européennes et américaines pour gérer ses investissements.
Des avoirs britanniques
La Libye a ainsi des participations dans de nombreuses entreprises étrangères, principalement britanniques et italiennes. Au Royaume-Uni, le LIA a acheté 3% de la maison d’édition Pearson, propriétaire du Financial Times, ce qui en fait l’un de plus gros actionnaires. Il avait aussi 0,02 % de la banque RBS avant de revendre ses parts. Le Telegraph rapporte que la Libyan Foreign Bank, détenue par la Banque centrale de Libye, détient 83,5% de British Arab commercial Bank, une banque de détail londonienne. Pour ce qui est de l’investissement immobilier, le LIA a acheté Portman House, un centre commercial sur Oxford street, un immeuble de bureaux en face de la Banque d’Angleterre dans la City ainsi qu’un immeuble de bureaux à Mayfair à Londres. Saif al Islam s’est par ailleurs offert, pour 10 millions de livres, une maison dans le quartier chic londonien de Hampstead.
Des entreprises italiennes
Mais c’est surtout en Italie que le régime de Kadhafi a investi la majorité de ses « pétrodollars ». Selon le quotidien Il Sole 24 Ore, la valeur des participations détenues dans la péninsule s’élève à 3,6 milliards d’euros. L’investissement le plus important est UniCredit. A l’automne 2008, en pleine crise financière, la banque centrale libyenne était montée à plus de 4% de la première banque italienne. Avec l’entrée du LIA l’été dernier, la Libye est devenue le premier actionnaire d’UniCredit avec une part globale de 7,5%. La LIA détient par ailleurs depuis fin janvier 21% du groupe d’aéronautique et de défense Finmeccanica, contrôlé par l’Etat italien. En Juin 2009, une compagnie hollandaise contrôlée par le LIA a pris 10% du capital de Quinta Comunications, une boite de production basée à Paris et fondée par Berlusconi qui en détient 22%. La Libye détient également environ 0,5% du groupe pétrolier ENI et 22% de la compagnie de textile Olcese.