«Tahar Djaout est une personnalité plurielle, attachante et humble», c’est en ces mots souples mais porteurs de sens que Youssef Merahi présente Djaout, dans la présentation de son livre consacré à l’un des journalistes algériens qui ont marqué les esprits, le métier et surtout les mémoires.
Effectivement ! Djaout était humble. Sa personnalité était plurielle et attachante. Merahi le fait savoir en choisissant quelques textes de la riche carrière du journaliste Djaout. Ses débuts dans le monde de la presse présentés par M. Merahi dans un ouvrage intitulé Tahar Djaout, premiers pas journalistiques, aux éditions Alpha, 2010, est cet essai dont le souci n’est autre que de démontrer les traits d’une personnalité portée sur l’écrit. M. Merahi, en choisissant «ce créneau», savait que Djaout était d’abord un «débutant» avant de devenir «la plume incontournable dans le microcosme médiatique algérien». Djaout, à travers l’essai de Merahi, est ce féru des mots. Des mots qu’il écrit, qu’il décrit et enfin, des mots qu’il fabrique à travers ses «couvertures médiatiques» à El Moudjahid et à Algérie Actualité alors qu’il était journaliste à la rubrique culturelle, et en même temps ces mots de poésie qui devancent le mot au-delà de sa signification journalistique. De 1976 à 1979, trois ans ont suffi, pour l’auteur, de donner un extrait d’une carrière d’un journaliste pas tout à fait comme les autres. Lire cet ouvrage, c’est reconnaître que la gloire de Djaout est bâtie sur un engagement professionnel serein et sans artifices. L’auteur a choisi des fragments qui reflètent le caractère et le ton délibérément militants de Djaout. L’insurrection qu’il mène dans ses écrits, qu’ils soient journalistiques ou poétiques, représente la justesse de ses convictions et l’amour qu’il porte à son métier. Destiné aux mathématiques, il se retrouve poète-écrivain, et surtout journaliste. Merahi raconte ses premières rencontres avec Djaout «dans le fameux cercle des étudiants». Il était question de poésie entre les deux hommes. Dans cet essai, Merahi décortique ces débuts de carrière avec un œil attentif. Dans «le Cercle des étudiants» et le monde de poésie, Djaout «a continué paisiblement mais avec beaucoup d’assurance, comme s’il était né pour écrire». Une phrase qui résume, à elle-même, une vie par et pour l’écrit, qu’est celle de Djaout. L’auteur ajoute que «titiller les vers pour dire son message, son accusation et son espérance». Evoquant les différents recueils de Djaout, Merahi revient sur Solstice barbelé Arche à vau-l’eau qu’il présente comme «des recueils de poésie au souffle déstabilisant, sont venus consacrer une poésie têtue, dont les racines tirent leur sève des origines (de l’Ancêtre, pour dire comme Kateb Yacine) et dont la gestuelle affirme la certitude de Tahar Djaout de déboulonner toutes les statues, de terroriser le verbe et de falsifier cette écriture renversée qui ronge les murs de la citadelle». Le livre de Merahi consacré aux débuts de Djaout dans le domaine du journalisme, sont autant un essai pour dire les débuts du «talent» d’un journaliste qu’autre chose. Il est certes, un hommage mérité pour un ami, mais il est aussi une manière de dévoiler une période pas ou peu connue d’un poète qui a retrouvé la gloire au lendemain de son assassinat par les ennemis de «la lumière».
M. Mouloudj