Comment pérenniser les équilibres ?

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Au moment où l’Algérie délie sa bourse pour faire face à des revendications sociales pressantes, la cotation du pétrole sur le marché mondial “répond à l’appel’’ avec un prix de presque 120 dollars le baril, boosté par la situation critique que vit actuellement la Libye.

La perspective de le voir reprendre les performances qui étaient les siennes il y a trois ans n’est pas farfelue, même si, comme vient d’avertir le président vénézuélien, la surchauffe qui le rapprocherait des 200 dollars désavantagerait aussi bien les pays consommateurs que les pays producteurs.

Dans pareille situation, où les incertitudes obérant la première ressource budgétaire du pays se multiplient, l’Algérie est censée en tirer toute la leçon, celle qui l’orienterait vers une diversification accrue de ces recettes ; ce qui suppose une diversification de son économie par une politique d’investissements hors hydrocarbures hardie.

Les efforts du gouvernement en la matière sont essentiellement connus sous le ‘’label’’ de recentrage de l’économie nationale, et ce, depuis 2009. Ce violet est pris en charge avec un tel rythme que certains partenaires de l’Algérie ont conclu trop hâtivement à une volonté de l’Algérie de développer un anachronique ‘’protectionnisme’’. Les milieux les plus indulgents parlent plutôt de ‘’patriotisme’’ économique. En fait, comme le soutiennent les responsables politiques dans leurs différentes interventions, il s’agit de ‘’corriger le tir’’ par rapport à ce qui fut appelé au milieu des années 2 000 l’ « économie de bazar » où le terme investissement étranger rimait exclusivement avec transactions commerciales (dans le sens des importations vers l’Algérie). Cette situation a été particulièrement ressentie par notre appareil économique au lendemain de l’entrée en vigueur de l’Accord d’association avec l’Union européenne en septembre 2005. La révision de quelques clauses de cet Accord en 2009 sur initiative de l’Algérie fait partie de ce mouvement général initié par les autorités politiques du pays vers des investissements productifs, créateurs d’emplois et de valeur ajoutée. Cette politique semble payante lorsqu’on considère par exemple la manière avec laquelle le partenaire français revient à de “meilleurs sentiments’’ dans le domaine des investissements sollicités par l’Algérie.

Contre-performance du secteur industriel

L’impérative nécessité de diversifier au maximum les recettes budgétaires en dehors de la sphère des hydrocarbures dépend de la vision et de la stratégie que le gouvernement entend faire valoir dans la réhabilitation du tissu industriel national et dans la création de petites et moyennes entreprises. Le recul de la production industrielle du secteur public est une réalité établie par les statistiques de l’ONS, soit -11 % au cours des trois dernières années. La transition semble, dans ce domaine, trop longue. Beaucoup de tergiversations ont grevé de leur poids la configuration de la relance industrielle du pays. Du ‘’tout privatisable’’, annoncé au début des années 2 000, aux nouveaux assainissements financiers, les décideurs pour le secteur industriel ont versé dans plusieurs valses-hésitations.

Pour l’ensemble des secteurs porteurs d’espoirs d’une relance de l’économie nationale, les pouvoirs publics ont identifié les plus importants blocages qui ont hypothéqué jusqu’ici les grands flux d’investissement que notre pays est en droit d’attendre dans une conjoncture qui était exceptionnellement propice- du moins jusqu’avant la crise financière mondiale- sur le plan des finances publiques et de l’équilibre des grands agrégats économiques. Le traitement des dossiers d’investissements par l’Agence nationale du développement de l’investissement ne semble pas donner tous les résultats escomptés. Et pour cause, le passage au crible de cette Agence des différents dossiers qui atterrissent sur son bureau se limitait à faire valoir les avantages (fiscaux, douaniers, taux d’intérêt des crédits,…) accordés par l’État aux candidats à l’investissement. De nombreux projets validés par cette institution qui travaille pour le compte de l’État n’ont pas pu voir le jour des années après leur validation en raison des lenteurs, entraves et dysfonctionnements qui caractérisent les autres institutions chargées d’encadrer l’investissement (banques, caisses de garantie, services de la wilaya pour ce qui a trait au foncier industriel,…).

L’enrichissement des prérogatives de l’ANDI lui fait porter depuis 2009 la responsabilité de suivre le destin des projets éligibles au soutien de l’État et d’en contrôler les étapes de réalisation.

Le gouvernement, pour fluidifier davantage les procédures et faciliter la réalisation des investissements, a initié un nouveau code des investissements qui est à l’état de gestation, mais qui est censé casser les barrières qui s’opposent aux investissements nationaux et étrangers massifs.

De même, le phénomène de l’économie informelle qui ronge depuis des décennies le reste des autres activités relevant de l’économie structurée a aussi été appréhendé par le gouvernement comme un facteur de blocage de l’investissement. Ainsi, outre les mesures et réglementations destinées à lutter contre le blanchiment d’argent, la contrebande, la contrefaçon et la corruption, le président Bouteflika mettra en exergue, en 2008, « les réformes en cours qui ont permis une meilleure bancarisation de l’économie, la réduction de la pression fiscale, la libéralisation du commerce extérieur, la convertibilité commerciale de la monnaie nationale, la simplification des formalités douanières ». Ce sont des facteurs, assurait le président, « qui doivent concourir à l’assèchement des activités dans la sphère informelle ».

Sur le terrain, les choses d’une manière plus complexe. Pour preuve, les tentatives faites au début de l’année en cours par le gouvernement pour s’attaquer au commerce informel a suscité le courroux des jeunes sortis dans la rue pour défendre leur ‘’pain’’.

Les émeutes de janvier 2008 ont poussé les autorités à faire marche arrière. Aujourd’hui, le commerce informel jouit d’une certaine ‘’immunité’’ que la situation sociale des jeunes lui a fait acquérir par le moyen des émeutes.

A la recherche de nouveaux gisements fiscaux

Cependant, tôt ou tard, le gouvernement se retrouvera, sur le plan de la gestion du budget de l’Etat, dans position inconfortable où il sera amené à faire appel à d’autres ressources fiscales autres que celles assurées par les hydrocarbures.

A terme, la fiscalité gazière et pétrolière ne devrait être qu’un appoint à ce qui devrait devenir la manne budgétaire de demain, à savoir l’ensemble des investissements basés sur l’économie d’entreprise.

Sur le plan des modalités pratiques relatives à la levée de l’impôt, le recouvrement de la fiscalité n’a pas cessé de poser des problèmes depuis l’ouverture de l’économie nationale au monde de l’entreprise privée. L’assiette d’imposition et le mode de levée de l’impôt se trouvent de ce fait en perpétuelle évolution, et le code des impôts est appelé ainsi à une mise à niveau à même de refléter le volume et la nature réels des produits fabriqués, échangés et consommés. Dans plusieurs transactions, y compris celles relatives aux marchés publics, il a été enregistré des litiges inhérents aux taux d’imposition (surtout la TVA ) lorsque la nature des prestations combine fournitures inertes (mobilières), cheptel vif et prestations de services.

Sur un autre plan, la Direction générale des impôts a installé depuis trois ans une structure en son sein chargée de récolter les impôts des grands entreprises présentant des chiffres d’affaire exceptionnels.

Les entreprises de taille modeste sont, elles, ciblées par une autre procédure contenue dans un arrêté promulgué en 2008. La taille de ces entreprises se mesure essentiellement par rapport à leur chiffre d’affaire et au personnel y exerçant. Des seuils ont été fixés par le ministère des Finances pour classer lesdites entreprises selon la nature de l’activité qu’elle exercent (commerce, artisanat ou prestation de services), l’effectif du personnel et le chiffre d’affaires.

Pour les entreprises étrangères activant en Algérie, le gouvernement a pris la décision à la fin de l’année 2008 de soumettre les rapatriements de fonds vers le pays d’origine à un droit qui est assimilé à un impôt sur les dividendes. De même, la nouvelle réglementation impose aux intervenants étrangers de s’associer (règle des 49/51%) avec des homologues. A la fin du mois de février dernier, une rumeur a couru concernant l’annulation de cette mesure pour, dit-on, mieux ‘’canaliser’’ les investissements étrangers. Les patrons algériens, à l’image du FCE (Forum des chefs d’entreprises), se disent favorables à la révision de cette règle de façon à l’appliquer uniquement pour certains types d’investissements. Le ministre de l’Industrie, de la PME et de la promotion des Investissements vient de démentir la rumeur de la suppression de la règle des 49/51 %.

Amar Naït Messaoud

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