A la recherche de la féconde synergie

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En 2010, la direction générale de la recherche scientifique, par la voix de M.Rachedi Yahia, directeur du développement et des services scientifiques, a fait état d’un projet de mise en place de 1 000 laboratoires scientifiques d’ici à 2012. Il dira que ce projet avançait de ‘’manière satisfaisante’’.

Pour l’année 2009, le nombre de laboratoires programmés était de 665. A l’échéance de 2012, 3 000 jeunes chercheurs bénéficieront d’une formation doctorale de façon à obtenir, à cette date, un potentiel de 4 500 chercheurs permanents à l’échelle du pays. 

Dans ce contexte, M.Aourag, directeur de la Recherche scientifique et du Développement technologique au ministère de l’Enseignement supérieur, insistera sur le rôle qui incombe à la recherche appliquée. «Nous œuvrons à la réalisation de cet objectif en appliquant le modèle anglo-saxon (…) Le système de recherche actuel est un système hérité de la France et il ne sert pratiquement plus la nouvelle vision de la recherche», soutient-il.

Le système de recherche scientifique dans le cadre de la nouvelle stratégie industrielle et des “pôles de compétitivité’’ que le gouvernement est en train de mettre en place appelle incontestablement plusieurs observations d’autant plus que le notion de recherche n’est pas tout à fait étrangère à la littérature produite par l’administration universitaire et académique de notre pays depuis les années soixante-dix du siècle dernier.

L’Office national de la recherche scientifique a été fondé à cette époque marquant les premières ambitions de l’Algérie indépendante de sortir du sous-développement. Les activités de cette institution furent de courte durée et subirent le sabordage des rentiers du système qui n’avaient de vision pour l’Algérie que celle des intérêts personnels immédiats. Et ce sera un thème “bateau’’ qui remplacera pendant de longues années cette stratégie étouffée dans l’œuf. Ainsi, sous le règne du tiers-mondisme triomphant, et sans qu’une politique sérieuse n’accompagnât la phraséologie en usage, il était question de “transfert de technologie’’. Comme si la chose pouvait relever d’une opération magique, l’on n’a préparé ni l’école ni l’université ni les unités industrielles pour opérer éventuellement ce fameux transfert.

100 milliards de dinars dans la cagnotte

Au contraire, dans un système basé sur le nivellement par le bas, toutes les énergies susceptibles de s’investir dans la recherche scientifique ont été marginalisées. Les moyens de dissuasion n’ont pas manqué et le plus pernicieux n’était pas exclusivement le salaire de misère accordé à nos universitaires. La bureaucratie, le dénuement des laboratoires, la difficulté d’accès aux sources documentaires, l’absence de statut et d’autres écueils aussi objectifs et aussi insurmontables ont fini par dresser un barrage à tout esprit de recherche. Mais pour donner le change et distribuer la rente par ce canal, on n’a pas hésité à envoyer à l’étranger des boursiers triés sur le volet par le fameux système de copinage. L’opération se transformera, dans la plupart des cas et sans surprise, en une fuite des cerveaux organisée par les pouvoirs publics. Les résultats sont là. Les meilleurs laboratoires de médecine du monde, les plus performantes usines de montage électronique ou de conception informatique emploient des cadres algériens de haut niveau.

Maintenant que le thème de la recherche revient au devant de la scène, le gouvernement a mis une enveloppe financière de 100 milliards de dinars dans ce secteur. A ce niveau, deux questions ne manqueront pas d’être posées par les institutions chargées de gérer cette enveloppe (université et autres laboratoires) et par les concernés eux-mêmes.

Jusqu’à quand la recherche scientifique demeurera l’apanage de l’État alors que sous d’autres cieux elle est assurée par des entreprises industrielles qui consacrent une partie de leurs budgets à ce que leur comptabilité mentionne sous la rubrique R & D (Recherche et Développement) ? Cette question se justifie par le fait qu’une recherche pragmatique, utile et efficace pour le développement ne peut réellement être ‘’commandée’’ que par ses futurs utilisateurs. De là découle la deuxième question : A quel type de recherche devraient s’atteler les Algériens ? Nous savons que la recherche fondamentale requiert des aptitudes et des enveloppes financières hors de notre portée.

L’accent devrait alors être mis sur ce qui est valablement supposé constituer l’axe fondamental de notre système de recherche, à savoir la recherche appliquée.

Que ce soit pour les besoins de l’industrie, de l’agriculture ou des autres secteurs de développement, l’on ne peut consentir des dépenses en recherche qu’en contrepartie d’un cahier de charges dans lequel seront inscrits les vrais besoins de l’économie en la matière et projetés les résultats d’application censés augmenter la productivité résoudre un problème technique ou apporter une nouvelle organisation des mécanismes de travail.

L’idéal sera d’impliquer dans le futur proche les entreprises industrielles dans le financement de la recherche, et cela sans aucune coercition. Au contraire, c’est en encourageant l’investissement dans l’économie d’entreprise par toutes formes d’incitations que, à un certain moment de sa croissance, l’unité de production ou l’atelier d’usinage sentira de lui-même –via la concurrence et la pression du marché-la nécessité du renouvellement des connaissances et l’impératif de l’innovation.

C’est en quelque sorte ce que viennent de reconnaître les autorités algériennes à travers les nouvelles mesures destinées à renforcer la recherche appliquée. Des chercheurs auront à piloter leurs propres start-up pour pouvoir s’impliquer aussi bien dans la vie économique du pays que dans le secteur de l’innovation.

Réhabiliter le cadre de travail

Plus que toute autre activité académique ou économique, la recherche scientifique requiert un cadre de travail, aussi bien organisationnel que matériel, qui ne doit souffrir aucune approximation. En outre, par-delà la partie qui commande le projet de recherche et la partie appelée à en utiliser les données pratiques, le cœur du système de recherche se trouve être indubitablement dans l’instance académique et universitaire. Celle-ci, promise à des réformes annoncées depuis longtemps, patauge encore dans des difficultés où l’intendance et la logistique les plus rudimentaires prennent en otage l’organisation entière et réduisent l’offre pédagogique dans ce qu’elle a de plus substantiel. 

Le salaire et le logement des enseignants, l’hébergement, le transport et la restauration des étudiants, l’accès aux sources documentaires et informatiques, les indemnités d’encadrement des mémoires et autres thèses de recherche, bref, tout un éventail de problèmes qui mettent face à face les étudiants, les enseignants, le syndicat et l’administration. A tort ou à raison, cette dernière est toujours vue comme évoluant dans une tour d’ivoire qui lui ferme la vue sur l’environnement pédagogique et social de l’université.

De même, le statut de l’enseignement-chercheur, en dehors d’une tradition institutionnelle comme celles en vigueur dans les pays développés- à l’image du CNRS en France, avec ses démembrements départementaux, ses différents services liés aux spécialités universitaires et même des correspondants de l’étranger-, ne peut atteindre tout de suite sa maturité de façon assurer la sécurité du chercheur sur le plan de son évolution professionnelle et de sa condition sociale, et de façon aussi à donner à la recherche ses lettres de noblesse par une rentabilisation optimale des investissements réalisés dans les laboratoires.

Que ce soit dans le secteur primaire (agriculture, forêts environnement) que dans le secteur secondaire (industrie, agroalimentaire) en passant par le secteur des services, l’Algérie a des besoins énormes de mise à niveau technique et de gestion que la recherche appliquée est appelée à satisfaire. Aucune mesure administrative ou ‘’jurisprudence’’ étrangère ne peut remplacer l’action de la recherche scientifique. 

Des actions de recherche appliquée ont été déjà initiées en Algérie pour adapter des inventions ou créations ramenées des pays industrialisées.

Amar Naït Messaoud

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