Dans la conjoncture actuelle où le front social est sur les charbons ardents, le pari pour la satisfaction des besoins de la société s’articule inévitablement sur le diptyque ‘’emploi/pouvoir d’achat’’.
Par-delà la stabilité macroéconomique, acquise au prix d’un considérable sacrifice social, et abstraction faite des réserves de changes issues des recettes pétrolières, l’on ne allègrement omettre le principe sans lequel la justice sociale serait un vain mot : La paix sociale se négocie par une équitable distribution des richesses, un rythme soutenu de création d’emplois et une lutte sans merci contre l’économie informelle, la corruption, la fraude fiscale et les autres travers qui compromettent même le concept de bien-être économique partagé.
Dans tous les programmes conçus et mis en œuvre par les pouvoirs publics, la question de l’emploi demeure la question cruciale. Comment en serait-il autrement dans un pays dont une grande partie de la jeunesse est soit au chômage soit dans une situation de stand-by –sur les bancs des écoles et des universités. Cette dernière situation- la formation- ne constitue pas malheureusement une garantie automatique pour l’entrée dans le monde du travail.
Il y a lieu de faire remarquer que les programmes publics d’investissement mis en œuvre depuis les onze dernières années ont crée des centaines de milliers d’emplois. Cependant, une certaine fragilité les caractérise du fait que ce sont, pour une grande partie, des emplois temporaires sur des chantiers de construction. C’est une fois que ces infrastructures- autoroutes, routes, chemins de fer, barrages hydrauliques, stations de dessalement de l’eau, nouvelles centrales électriques,…etc.- deviennent en état d’exploitation et de fonctionnalité qu’elles pourront générer des emplois permanents du fait des investissements privés- nationaux ou étrangers- qui viendront s’y greffer.
Pour le prochain plan d’investissement public 2010-2014, il est aussi prévu quelque deux millions d’emplois à raison de 400 000 postes par an.
Le Commissariat à la planification et à la prospective soutient dans une note de d’information aux directions et ministères concernés par ce programme que « la situation actuelle des finances publiques ainsi que les perspectives pour les prochaines années permettent d’envisager encore un programme pluriannuel d’investissement public relativement consistant. La réalisation des projets du PSRE et du PCSC a permis d’établir des constats et de relever les forces et les faiblesses de notre système de préparation et d’exécution du budget d’équipement de l’État et des collectivités locales »..
Au cours de la décennie quatre-vingt-dix du siècle dernier, plus d’un demi million de travailleurs des entreprises publiques ont été licenciés et un grand nombre d’unité de production ont été fermées. Du jour au lendemain, sans dispositif social particulier qui amortirait le choc, la société algérienne était sommée d’accepter l’amère réalité du chômage, donc de la disparition de revenus, qui plus est, intervient au moment de la montée des périls liés à la nouvelle situation d’insécurité qui s’installera dans le pays pendant près de quinze ans. C’était juste la période pendant laquelle fut mis en application le Plan d’ajustement structurel imposé à l’Algérie dans le cadre du rééchelonnement de sa dette extérieure.
Des dispositifs précaires
Depuis cette douloureuse thérapie qui a crée une grande fracture dans la sphère sociale et dans la machine économique algérienne, de multiples tentatives de redresser la situation de l’emploi ont été opérées par les pouvoirs publics. Les dispositifs sociaux- tels l’emploi de jeunes, le filet social, le pré-emploi, le DAIP, les TUP-HIMO, l’ABC et autres formules qui ont évolué dans leur système d’intervention au fil des quinze dernières années- ne pouvaient pas répondre de façon frontale à la problématique de l’emploi au sens économique du terme. Ces sont plutôt des formules qui ont permis d’amortir le choc de la récession économique et de limiter un tant soit peu les mouvements de contestation sociale. La précarité de ces postes d’emploi s’est révélée au grand jour quelques années après leur mise en application pour la simple raison que les mécanismes économiques d’investissement devant créer des emplois réels ont tardé à se mettre en place et ont manqué visiblement d’envergure.
Depuis une dizaine d’années et à différentes occasions- séminaires, réunions de la Tripartite, campagnes électorales…-une multitude de thème liées à la problématique de l’emploi et de la formation ont été abordés, à l’exemple du marché de l’emploi, du système éducatif et de ses effets sur le développement, de la formation professionnelle et de sa contribution à l’insertion des jeunes dans la vie active, de l’avenir de l’entreprise,…
Il en ressort que les dispositifs sociaux ont tendance à gonfler les chiffres d’emplois crées et à fausser quelque part la réalité du chômage dans notre pays. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a, au cours de la présentation du programme d’action du gouvernement en 2009, tenu justement à établir la distinction entre, d’une part, les vrais emplois crées par les entreprises ou dans la cadre de la création de postes budgétaires dans la fonction publique et, d’autre part, le soutien temporaire de l’État apporté aux jeunes chômeurs à travers des dispositifs sociaux précaires. Ainsi, le gouvernement se sent logiquement interpellé dans le cadre des investissements publics et des incitations à l’investissement privé pour faire preuve d’un trésor d’imagination afin que la politique de l’emploi ait toute la place que la société attend d’un tel mouvement de relance économique. Néanmoins, il importe d’observer ici que le concept de l’emploi a beaucoup évolué au cours des dernières décennies suivant en cela le rythme et le régime des changements économiques, de la transformation de l’entreprise et de l’accélération des échanges à l’échelle mondiale. En tout cas, il ne répond plus à la définition figée d’un poste salarié stable, d’une carrière assurée et d’un revenu correspondant toujours au coût de la vie. C’est là une conception battue en brèche par le triomphe du capital à l’échelle planétaire et l’ouverture des économies vers plus d’échange et de globalisation.
Ce sont aussi malheureusement des signes d’une régression des idéaux sociaux tels que longtemps défendus par les syndicats et les partis de la gauche.
Nouveau ‘’lexique’’, nouvelles réalités
L’Algérie se réveilla brutalement à une nouvelle réalité où les aléas et la précarité font partie du quotidien le plus banal. Les concepts comme ceux du ‘’marché du travail’’, de la ‘’flexibilité’’, de ‘’qualification’’, de ‘’capacités managériales’’, de ‘’formation continue’’, de ‘’contrat à durée déterminée’’ et autres mots qui ne figuraient pas dans notre lexique il y a une dizaine d’années ont fait irruption dans les directions des ressources humaines des entreprises algériennes ; sachant que dans les entreprises étrangères appelées à travailler en Algérie, ce sont là des critères et des données intégrés dans la gestion quotidienne depuis longtemps.
Pour accompagner les changements et les évolutions qui s’opèrent continuellement dans le monde de l’entreprise et dans la sphère économique de façon générale, le gouvernement est appelé à agir sur le plan institutionnel et législatif de façon à mieux encadrer ces changements en visant à sauvegarder à la fois la dignité du travailleur et la santé de l’entreprise. C’est dans cette perspective que se tracent les contours du nouveau code du travail dont la révision radicale était envisagée par le département de Tayeb Louh depuis 2009.
Ce cadre législatif représente une base fondamentale pour consacrer les droits et devoirs des intervenants dans le monde du travail (ouvriers, cadres, administration, gestionnaires, syndicats, santé du travail, commissions paritaires, œuvres sociales,…). En tout cas, l’évolution rapide du cadre de travail des ouvriers et techniciens algériens a charrié une nouvelle vision et d’autres exigences en matière de salaire, de formation, de conditions ergonomiques, de santé et de relation de travail. C’est la raison pour laquelle un nouveau cadre institutionnel lié à la législation du travail s’avère d’une impérieuse nécessité. Sur un autre plan, les différentes problématiques inhérentes au monde du travail font voir que les revenus salariaux et la stabilité de l’emploi sont intimement liés à un autre facteur de poids qu’est la formation dans ses différentes facettes : formation de base pour l’acquisition d’un métier, formation continue prise en charge par l’entreprise et différents autres stages de recyclage tendus vers la mise à niveau de la ressource humaine.
Ayant beaucoup investi dans la formation professionnelle (matériel, équipements, infrastructures) notre pays n’en a récolté que de maigres résultats. Au début de l’émergence de l’entreprise privée, le monde de la formation et celui de l’entreprise avaient pris des chemins presque parallèles. Les nouveaux patrons ont en fait l’amer constat dès qu’ils ont commencé à solliciter le marché du travail pour étoffer les ressources humaines de leurs entreprises. De leur côté les pouvoirs publics ont commencé à se rendre compte de cette dommageable dichotomie entre la formation et le monde du travail. Des correctifs sont progressivement apportés par la tutelle.
Amar Naït Messaoud

